Des centaines de Palestiniens ont à nouveau affronté vendredi les policiers israéliens dans un camp de réfugiés de Jérusalem-Est, ville placée en état d'alerte pour la grande prière musulmane hebdomadaire.

Au pied de l'esplanade des Mosquées, qui cristallise actuellement les tensions, la Vieille ville et ses alentours sont restés calmes alors que plus de 1300 policiers avaient été déployés à Jérusalem-Est, selon une porte-parole de la police.

C'est un peu plus au nord que les violences ont repris après la prière.

Dans le camp de réfugiés de Chouafat, des centaines de Palestiniens ont lancé pierres et cocktails Molotov sur les policiers qui ont répliqué par des projectiles en caoutchouc, des grenades assourdissantes et des gaz lacrymogènes, ont constaté des photographes de l'AFP.

Ce camp, où s'entasse une population pauvre séparée de Jérusalem-Est par le mur de séparation censé protéger Israël d'attaques venues de Cisjordanie, est l'un des foyers des troubles qui se sont encore intensifiés ces dernières semaines à Jérusalem-Est, partie palestinienne de la ville annexée et occupée par Israël.

De jeunes Palestiniens ont également affronté des soldats israéliens en Cisjordanie, à Qalandiya (nord) et Hébron (sud). Deux Palestiniens ont été arrêtés à Halhoul, près d'Hébron, a annoncé la police.

Le bilan des violences qui secouent Jérusalem s'est alourdi vendredi quand un homme, percuté mercredi par un Palestinien au volant d'une voiture bélier, a succombé à l'hôpital. Selon la radio militaire israélienne, il s'agit d'un étudiant juif de 17 ans. Un policier de 38 ans avait déjà été tué, et l'auteur de l'attaque a été abattu sur place. Il venait de Chouafat.

Démolitions punitives

Dans ce contexte, le premier ministre Benyamin Nétanyahou s'est montré intraitable et a ordonné jeudi soir la démolition des maisons d'auteurs d'attaques «terroristes» à Jérusalem-Est, a indiqué un responsable israélien sous le couvert de l'anonymat.

Cette décision, soumise à l'approbation du ministère de la Justice, ne s'applique pas aux auteurs des trois attentats des deux dernières semaines : deux attaques à la voiture bélier qui ont fait quatre morts et la tentative d'assassinat d'une figure de l'extrême droite juive réclamant le droit de prier sur l'esplanade des Mosquées.

La dernière démolition punitive à Jérusalem-Est remonte à avril 2009, contre la maison d'un Palestinien qui avait tué trois Israéliens avec un engin de chantier, a dit à l'AFP l'avocat Daniel Seidemann, qui suit les développements dans ces quartiers.

Au cours de sa première visite en tant que nouvelle chef de la diplomatie européenne, Federica Mogherini a mis en garde Israéliens et Palestiniens contre le risque d'escalade de ces violences sans une reprise urgente des discussions de paix.

«Si nous n'avançons pas sur le front politique, nous risquons de sombrer à nouveau dans la violence. Voilà pourquoi il y a urgence à avancer selon moi», a dit Mme Mogherini, alors que les perspectives de résolution de ce conflit ont rarement paru plus bouchées.

PHOTO FINBARR O'REILLY, REUTERS

Un jeune homme palestinien lance un feu d'artifice en direction de la police israélienne, à Chouafat, le 7 novembre. 

PHOTO THOMAS COEX, AFP

Des lanceurs de pierre à Chouafat, le 7 novembre.

«Allégation imaginaire»

L'esplanade des Mosquées, troisième lieu saint de l'islam également vénéré par les juifs, catalyse l'exaspération des Palestiniens.

Les extrémistes juifs réclament le droit de prier sur ce site qu'ils révèrent comme celui du Temple juif détruit par les Romains en l'an 70 et dont l'unique vestige est le mur des Lamentations, en contrebas.

Les musulmans craignent que Benyamin Nétanyahou cède à cette pression pour donner des gages à l'ultra-droite en vue des élections attendues en 2015.

Mais le premier ministre, qui martèle qu'il n'autorisera pas les juifs à prier sur l'esplanade, s'est employé à rassurer le monde musulman, notamment la Jordanie, gardienne du site et l'un des seuls pays arabes avec lesquels Israël a signé un traité de paix.

Vendredi, le grand rabbin séfarade d'Israël, Yitzhak Yossef, a demandé aux juifs de cesser de vouloir «monter» sur l'esplanade et appelé à «la fin des provocations», responsables selon lui des récentes attaques.

D'autres raisons, comme l'occupation israélienne, la guerre à Gaza, les arrestations par centaines depuis l'été ou le chômage, expliquent l'ampleur de la colère palestinienne, qui fait maintenant craindre une troisième Intifada.

Lors de sa visite, Mme Mogherini a d'ailleurs critiqué un facteur majeur des tensions : la poursuite par Israël de la colonisation dans les territoires occupés et à Jérusalem-Est.

«Les nouvelles colonies sont un obstacle à nos yeux» dans la recherche de la paix, a-t-elle dit.

«Jérusalem, c'est notre capitale. Ce n'est donc pas une colonie», lui a répondu M. Nétanyahou.

Les secteurs juifs de Jérusalem-Est «resteront partie intégrante de Jérusalem dans tout accord de paix», a déclaré le premier ministre. «Je rejette donc l'allégation imaginaire qui veut que la cause du conflit en cours soit telle ou telle colonie».

PHOTO MAJDI MOHAMMED, AP

Les policiers israéliens qui ont répliqué par des projectiles en caoutchouc.

Série d'attentats à Gaza

Une dizaine d'attentats ont visé vendredi dans la bande de Gaza les biens de responsables du Fatah, mettant à mal la difficile réconciliation en cours avec les islamistes du Hamas, indispensable à la reconstruction du territoire palestinien dévasté par la guerre.

Le parti du président Mahmoud Abbas a explicitement accusé le Hamas, avec lequel il s'est réconcilié il y a seulement quelques mois après des années de divisions et de violences fratricides, d'être responsable des attentats qui ont touché les maisons et les voitures de certains de ses cadres.

«Vers 2 h 30 du matin, une explosion a secoué le nord de la bande de Gaza», a relaté Fayez Abou Eita, porte-parole du Fatah à Gaza, «il s'est avéré qu'elle visait l'entrée de ma maison et la voiture». Les explosions, survenues en l'espace de quelques heures, n'ont pas fait victime. Elles ont causé des dégâts limités.

L'une d'elles a visé une estrade montée en vue du dixième anniversaire de la mort de Yasser Arafat, principal fondateur du Fatah, mardi. C'est la première fois depuis des années que cet anniversaire sera autorisé publiquement dans la bande de Gaza, dont le Hamas islamiste a pris le contrôle par la force en 2007.

«Les traîtres et les collaborateurs»

Selon Fayez Abou Eita, une lettre signée État islamique a été retrouvée devant les maisons visées donnant aux propriétaires jusqu'au 15 novembre pour déguerpir et ne pas essuyer «les coups qui frapperont tous les traîtres et collaborateurs comme toi».

Ce n'est pas la première fois que de tels actes font l'objet de revendications au nom de l'État islamique, pas prises au sérieux jusqu'alors.

Fayez Abou Eita a qualifié celle-ci de «ridicule». Pour lui et le Fatah, ces explosions visent à empêcher la tenue de l'hommage à Arafat. Le Fatah a fait porter au Hamas «la responsabilité de ces crimes». Ses dirigeants ne tiennent pas seulement le Hamas pour responsable en tant que meilleur garant de la sécurité dans un territoire qu'il domine toujours même s'il y a théoriquement cédé le pouvoir au gouvernement d'unité issu en juin de la réconciliation palestinienne.

Azzam al-Ahmad, autre dirigeant du Fatah, a dit disposer d'informations selon lesquelles «la source (des attaques) se trouve au sein des services armés du Hamas». Il a fait état de déclarations du Hamas hostiles au Fatah et à M. Abbas depuis jeudi soir et de propos de membres du Hamas annonçant qu'ils feraient échouer les commémorations de la mort de Yasser Arafat.

La tâche herculéenne de reconstruire

De son côté, le Hamas a «fermement condamné ces actes criminels». Le ministère de l'Intérieur à Gaza a annoncé avoir mis sur pied une commission d'enquête et promis de rechercher leurs auteurs pour les présenter à la justice. «Nous ne tolérerons pas le retour des conflits intra-palestiniens et le chaos», a promis son porte-parole qui s'est engagé à ce que les célébrations en mémoire d'Arafat se tiennent bien comme prévu.

La police du Hamas avait installé en soirée des barrages et menaient des contrôles et des fouilles sur les principaux axes de l'enclave palestinienne.

Les explosions ont conduit le premier ministre Rami Hamdallah et plusieurs ministres de son gouvernement composé de personnalités réputées indépendantes à reporter «jusqu'à nouvel ordre» une visite prévue samedi dans la bande de Gaza. «Ces actes criminels vont totalement à l'encontre des efforts des dirigeants palestiniens et du gouvernement d'union nationale pour la reconstruction de Gaza», a dit le gouvernement.

Formé en juin, ce gouvernement s'est réuni le 9 octobre seulement pour la première fois à Gaza, après 50 jours d'une offensive israélienne qui a dévasté cet été le territoire exigu où s'entassent 1,8 million de Gazaouis. Il se retrouve avec la tâche titanesque de reconstruire et de justifier les promesses d'aide internationale sans laquelle la reconstruction est impossible.

Pour mener une telle entreprise qui devrait coûter plusieurs milliards de dollars et prendre de nombreuses années, la communauté internationale mise sur le gouvernement d'union et refuse de traiter avec le Hamas, considéré comme terroriste par les États-Unis, l'Union européenne ou Israël.

Les deux camps se sont entendus pour que le gouvernement commence à administrer Gaza. Mais les querelles n'ont pas cessé pour autant, par exemple sur l'épineuse question des salaires des milliers de fonctionnaires de l'administration mise en place par le Hamas après 2007.

En soirée, le Front populaire de libération de la Palestine (FPLP - gauche), a indiqué que les différents partis s'étaient réunis et avaient condamné ensemble ces «actes criminels».