Turban blanc vissé sur la tête, voix éraillée, discours passionné : l'ancien ministre des Finances Ashraf Ghani s'est lancé jeudi de toutes ses forces dans la bataille du second tour de la présidentielle afghane, avec l'espoir de combler son retard sur son rival, Abdullah Abdullah.

La tâche s'annonce herculéenne pour M. Ghani, 64 ans : plus de 13 points le séparent de M. Abdullah, un ancien ministre des Affaires étrangères arrivé largement en tête du premier tour du 5 avril avec 45 % des suffrages exprimés.

Cette élection, dont le second tour est prévu le 14 juin, désignera le successeur d'Hamid Karzaï, seul homme à avoir dirigé l'Afghanistan depuis la chute des talibans en 2001, et à qui la Constitution interdit de briguer un troisième mandat.

À Kaboul, devant plusieurs milliers de personnes rassemblées dans une vaste salle habituellement utilisée pour la Loya Jirga, grande assemblée traditionnelle afghane, Ashraf Ghani a présenté à ses partisans l'un de ses nouveaux soutiens, Ahmad Zia Massoud, frère du célèbre commandant Massoud, héros de la résistance à l'occupation soviétique.

Ex-colistier de Zalmai Rassoul, un candidat à la présidentielle qui s'est rallié à M. Abdullah, M. Massoud pourrait permettre à Ashraf Ghani de grappiller quelques voix parmi l'électorat tadjike, un des peuples d'Afghanistan plutôt acquis à son rival.

À la tribune, M. Ghani s'est lancé dans un discours passionné, promettant que le second tour ne ferait l'objet d'aucun accord secret pour désigner un vainqueur avant l'heure.

«Il n'y aura pas d'accord en coulisse. La décision du peuple doit être respectée», a déclaré le candidat, vêtu d'une longue chemise traditionnelle afghane blanche et d'un gilet noir.

Malgré l'avance confortable dont jouit son adversaire, Ashraf Ghani, combatif, s'est dit convaincu de pouvoir l'emporter. «Si dieu le veut, nous serons victorieux», a-t-il dit, avant de lancer à ses partisans un tonitruant «Êtes-vous prêts pour la victoire?».

Retour des talibans

Dans l'ambiance plus feutrée du salon d'un grand hôtel kabouli, Abdullah Abdullah, 53 ans, a également réuni ses soutiens, dont Zalmai Rassoul, un proche du président sortant arrivé en troisième position du premier tour (11,4 %).

«Nous voulons une élection transparente, le peuple réclame une élection transparente!», a déclaré le candidat, qui, arrivé deuxième de la précédente présidentielle, en 2009, s'était retiré en dénonçant des fraudes massives, entraînant la réélection de facto de M. Karzaï.

MM. Ghani et Abdullah ont par ailleurs indiqué ne pas avoir l'intention d'organiser une pléthore de rassemblements électoraux jusqu'au vote, contrairement à ce qu'ils avaient fait lors de la campagne du premier tour, principalement pour des raisons de sécurité.

Car si les talibans, qui ont lancé il y a dix jours leur offensive du printemps, n'ont pas réussi à perturber significativement le premier tour du 5 avril, ils pourraient redoubler d'efforts pour tenter de saboter le second.

«Les problèmes de sécurité seront certainement plus nombreux au second tour», a d'ailleurs estimé jeudi le ministre de l'Intérieur, Omar Daudzai, lors d'une conférence de presse à Kaboul.

«Les ennemis se retranchent dans leurs sanctuaires en hiver et font leur retour au printemps», a-t-il expliqué, ajoutant qu'il ne faisait «aucun doute que les talibans ont augmenté leurs attaques».

Aussi, les forces de sécurité afghanes resteront «complètement neutres» et déploieront tous leurs moyens pour «empêcher la fraude» électorale, a promis M. Daudzai.

PHOTO WAKIL KOHSAR, AFP

«Nous voulons une élection transparente, le peuple réclame une élection transparente!», a déclaré Abdullah Abdullah.