Le Parlement afghan a destitué lundi le ministre de l'Intérieur Mujtaba Patang en l'accusant de ne pas avoir réussi à juguler la résurgence des rebelles talibans, une décision aussitôt contestée par le président Hamid Karzaï.

«Il a perdu le vote de confiance» du Parlement, a déclaré le président du Parlement Abdul Rauf Ibrahimi, qui a demandé au président afghan Hamid Karzaï de «présenter une autre personne» pour le remplacer.

«Le ministre de l'Intérieur a été destitué par les parlementaires en raison de la corruption au sein de son ministère (...). Et parce que le nombre de policiers victimes des violences a fortement augmenté pendant qu'il était à la tête du ministère», a dit un élu, Farhad Majeedi, à l'issue d'une séance animée lundi à la chambre basse du Parlement de Kaboul.

Les parlementaires ont voté à 136 voix contre 60 la destitution de M. Patang, qui fait les frais de la situation sécuritaire en Afghanistan où les talibans, déchus du pouvoir en 2001, tiennent toujours tête au gouvernement de Kaboul et à une coalition internationale menée par les États-Unis.

Les forces afghanes sont de plus en plus exposées aux violences depuis qu'elles ont commencé à prendre le relais de la mission de l'OTAN en Afghanistan (Isaf) pour assurer la sécurité du pays.

Le ministre, déchu moins d'un an après sa prise de fonctions, a lui-même rendu compte de la dégradation de la situation en affirmant, lors de son audition devant les parlementaires, que «2748 policiers» avaient été tués dans des violences depuis le 21 mars. Interrogé par l'AFP, le ministère a précisé par la suite que ce chiffre incluait les policiers blessés.

M. Patang a également reconnu que ses services n'avaient pas réussi à démanteler le trafic d'armes.

«Il y avait eu deux opérations pour démanteler les groupes armés. Malheureusement, elles n'ont pas abouti», a-t-il expliqué. «Il y a actuellement 275 000 armes illégales en circulation en Afghanistan. Nous n'avons pas réussi à juguler (ce trafic)», a ajouté M. Patang.

Mais le ministre s'est défendu, en soulignant à quel point il était difficile de gérer un portefeuille comme le sien dans un pays en proie aux violences quotidiennes et où l'appareil d'Etat est en plein développement.

«Au cours des dix dernières années, le ministère de l'Intérieur a fonctionné de manière totalement anarchique (...). Ce ministère, c'est comme une vieille voiture avec un moteur cassé: quel que soit le chauffeur que vous mettez au volant, elle refusera de démarrer», a-t-il dit.

Lors d'une conférence de presse, le ministre s'est ensuite dit victime d'un «complot» et a annoncé sa décision de contester sa destitution devant la Cour suprême.

Le président Karzaï a lui aussi l'intention de saisir la plus haute juridiction afghane pour «faire la lumière» sur les circonstances de cette destitution, a indiqué la présidence dans un communiqué.

Le ministre avait essuyé tout au long de la matinée les critiques virulentes et souvent très ciblées des parlementaires. L'un d'eux, Abdul Rauf, lui a reproché de ne pas avoir mis sous les verrous un groupe de personnes soupçonnées d'avoir enlevé pendant 25 jours une fille de 12 ans, et d'en avoir tué une autre.

«Elles n'ont pas été enlevées par les talibans ou par je ne sais quel groupe puissant. Alors que peut-on attendre d'un ministre qui se révèle incapable d'interpeller quatre ou cinq bandits de petite envergure?», a-t-il lancé.

Le prédécesseur de M. Patang, Bismillah Mohammadi, avait également été destitué pour incompétence. Le nom de son successeur ne sera probablement pas connu avant plusieurs semaines et M. Patang devrait rester dans l'intervalle aux commandes de son ministère.