Le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou promet de continuer à bâtir dans les colonies, malgré de vives condamnations internationales, afin de faire pièce à la popularité croissante de l'extrême droite à un mois des élections.

Jeudi encore, son gouvernement de droite a donné son feu vert à la phase initiale d'un projet de création d'une colonie de 6000 logements près de la ville de Bethléem en Cisjordanie, peu après que la chef de la diplomatie de l'Union européenne, Catherine Ashton, a dénoncé «l'expansion sans précédent» des colonies juives dans les Territoires palestiniens.

De l'aveu même des colons, ce projet traînait pourtant dans les tiroirs depuis 2000 et sa prochaine mise en oeuvre n'est pas certaine.

«Pour l'heure, il n'y a sur place que quelques caravanes ainsi qu'une yeshiva (institut talmudique), et il faudra encore attendre avant que les travaux puissent effectivement démarrer à Gevaot», a expliqué Hagit Ofra, spécialiste du dossier de la colonisation pour l'ONG La Paix Maintenant.

«Bibi (surnom de M. Nétanyahou) n'est pas vraiment intéressé à construire pour les Juifs : il cherche uniquement à se parer d'une aura de droite pour arracher des suffrages» à ses rivaux de la droite radicale, estime Aryeh King, un puissant bailleur de fonds de la colonisation.

Visiblement peu impressionnés eux aussi par l'annonce ces derniers jours de projets de construction de milliers de logements dans les implantations à Jérusalem-Est et en Cisjordanie occupées, plusieurs leaders d'extrême droite ont carrément accusé M. Nétanyahou de «bluff» mercredi.

Ils ont fait valoir que le premier ministre, dirigeant du Likoud, cherchait à tirer les marrons du feu en multipliant les annonces sur des phases de la procédure administrative complexe de projets en fait déjà entérinés depuis longtemps.

Les colons au volant?

En réponse aux critiques internationales, et fort du consensus de ses compatriotes, Benyamin Nétanyahou a fait savoir qu'Israël «entend poursuivre la construction à Jérusalem ou dans les blocs de colonies qui resteront partie intégrante d'Israël dans tout futur règlement de paix» avec les Palestiniens.

Ce faisant, il met en porte à faux ses rivaux centristes et de gauche qui lui reprochent d'avoir provoqué l'isolement d'Israël et des tensions avec son grand allié américain par la relance de la colonisation.

Israël considère Jérusalem comme sa capitale «unifiée et indivisible». Mais la communauté internationale ne reconnaît pas l'annexion en 1967 de Jérusalem-Est où les Palestiniens veulent établir la capitale de l'État auquel ils aspirent.

Selon un récent sondage, le bloc de droite dirigé par M. Nétanyahou est assuré de s'imposer au scrutin du 22 janvier. Mais la popularité de la liste commune formée par le Likoud avec le parti ultranationaliste Israël Beiteinou est en baisse avec 35 sièges sur 120 au Parlement, contre 37 auparavant.

Ce tassement profite notamment à ses partenaires de droite, en particulier au Foyer juif (nationaliste religieux) de Naftali Bennett, actuellement crédité de 11 sièges à la Chambre, contre trois seulement dans le Parlement sortant.

«Il est bon que M. Nétanyahou reste à la tête (d'Israël), mais nous voulons aussi tenir le volant», a dit à l'AFP M. Bennett. Ce dernier convoite au moins trois ministères, dont le portefeuille crucial du Logement, dans la prochaine coalition gouvernementale et approuve les dernières annonces de construction tout en se disant «plutôt circonspect» sur leur caractère effectif.

Selon le politologue Hanan Crystal, «M. Bennett pousse à la radicalisation, alors que M. Nétanyahou préfèrerait se donner une coloration plus libérale», dans la perspective d'un possible ralliement des formations centristes ou même du Parti travailliste (centre gauche).

L'UE fermement opposée



«Le projet de construction de 2610 logements à Givat Hamatos (à Jérusalem-Est, NDLR) est extrêmement troublant. Cela s'ajoute à la construction de 1500 logements à Ramat Shlomo», également à Jérusalem-Est, a affirmé la représentante de l'UE pour les affaires étrangères Catherine Ashton dans un communiqué.

«Je m'oppose fermement à ces expansions sans précédent de colonies autour de Jérusalem», a-t-elle ajouté.

L'Union européenne, a rappelé Mme Ashton, est opposée à l'expansion des colonies juives dans les Territoires occupés palestiniens. Ces projets de colonisation «compromettent les perspectives d'un règlement négocié du conflit en mettant en danger la possibilité d'un État palestinien contigu et viable avec Jérusalem comme future capitale de deux États», a déploré la représentante de l'UE pour les Affaires étrangères.

Elle a demandé aux deux parties de sortir de l'impasse et de reprendre les négociations, «sans conditions préalables» afin de parvenir à une solution durable du conflit israélo-palestinien.

Paris dénonce «une provocation»



Le ministère français des Affaires étrangères a condamné jeudi «la relance sans précédent» des projets de colonisation israéliens et dénoncé «une provocation».

«La relance sans précédent des projets de colonisation est une provocation qui sape davantage la confiance nécessaire à la reprise des négociations et nous conduit à nous interroger sur l'engagement d'Israël en faveur de la solution des deux États», a déclaré le porte-parole du Quai d'Orsay, Philippe Lalliot.

Évoquant notamment l'approbation donnée par les autorités israéliennes à la construction de 2610 nouveaux logements à Givat Hamatos, un quartier de colonisation juive à Jérusalem-Est occupée et annexée, M. Lalliot a dénoncé «une décision illégale».