Le commandant de l'armée canadienne dit douter que la communauté internationale aura l'argent ou la volonté politique nécessaire pour soutenir, après 2014, les forces de sécurité actuellement formées par les alliés de l'OTAN.

Le lieutenant-général Peter Devlin, chef d'état-major de l'armée de terre, est récemment rentré de Kaboul, où environ 950 Canadiens se sont installés pour une durée de trois ans dans le cadre d'une nouvelle mission de formation.

Certaines questions lui sont venues à l'esprit durant une série d'entretiens avec des commandants de l'OTAN. Il se demande notamment si l'Afghanistan aura les moyens de payer une armée et un service de police dont les effectifs devraient atteindre 352 000 membres.

M. Devlin s'interroge également quant à la nécessité de mettre en place des forces de cette taille en raison de la menace réelle que représentent les insurgés talibans.

Selon les plus récentes estimations du ministre de la Défense de l'Afghanistan, Abdul Rahim Wardak, les Afghans verseront 6,2 milliards $ par année pour payer et équiper leurs forces, et ce, dans un pays dont le budget fédéral totalise 4 milliards $, dont une grande partie provient de l'aide internationale.

M. Devlin, qui a commandé la brigade multinationale de l'OTAN à Kaboul en 2003-2004, estime nécessaire de se pencher sur la question.

«La communauté internationale est-elle disposée à payer pour ça? Je ne suis pas certain qu'elle soit capable de le faire», a-t-il affirmé lors d'une récente entrevue accordée à La Presse Canadienne.

La crise européenne de la dette, l'impasse budgétaire aux États-Unis et même la lutte menée au Canada par le gouvernement du premier ministre Stephen Harper contre le déficit pourraient jouer, alors que les forces de combat occidentales se retirent peu à peu de l'Afghanistan après plus d'une décennie d'intervention militaire.

«À mon avis, les populations de ces pays (donneurs) auront de la difficulté à voir, identifier, percevoir la menace que les gouvernements tentent de contrôler en leur nom», a indiqué le lieutenant-général Devlin.

«Il y a des gouvernements qui tentent d'agir en fonction des souhaits de leur population et qui font face à la réalité fiscale de 2014. Et je ne suis pas sûr qu'il y aura les ressources et la volonté pour combler le gouffre qui existera entre la capacité du gouvernement afghan à payer et le coût d'une armée nationale afghane», a-t-il ajouté.

M. Devlin croit que la situation pourrait forcer le gouvernement du président afghan Hamid Karzaï à contrôler davantage que par le passé ses forces de sécurité et leur budget. Elle pourrait aussi, selon lui, «dynamiser les conversations» avec les talibans.