Le président afghan Hamid Karzaï a qualifié dimanche de «grave erreur» et de «meurtre» la mort samedi de 14 civils dans une frappe aérienne américaine et a lancé «un dernier avertissement aux troupes et responsables américains», sommés de cesser leurs opérations «unilatérales».

Quatorze civils afghans, dont une majorité d'enfants, ont été tués samedi lorsque des hélicoptères, venus aider une position de l'OTAN attaquée par des insurgés, ont tiré des roquettes sur deux maisons dans le Helmand, selon les autorités de cette province méridionale, bastion des talibans où la coalition a enregistré ses plus lourdes pertes depuis le début du conflit fin 2001.

«Il a été dit de façon répétée aux États-Unis et à l'OTAN que leurs opérations unilatérales et inutiles causaient la mort d'Afghans innocents et (...) violaient les valeurs humaines et morales, mais il semble qu'ils n'écoutent pas», a déclaré M. Karzaï, cité dans un communiqué officiel.

Selon le communiqué, au ton inhabituellement virulent, «le président a qualifié cet incident de grave erreur et de meurtre d'enfants et de femmes afghans» et a «adressé un dernier avertissement aux troupes et responsables américains».

M. Karzaï a mis en cause «les troupes américaines» dans la mort de ces civils, alors que les autorités provinciales du Helmand n'avaient évoqué que des hélicoptères de l'OTAN sans plus de détails.

Le chef de l'État afghan a précisé que dix enfants, deux femmes et deux hommes avaient été tués et que six civils avaient été blessés dans cette frappe.

Des images télévisées ont montré des hommes portant des cadavres d'enfants couverts de poussière et les présentant aux journalistes.

Le communiqué présidentiel n'évoque pas un deuxième événement survenu mercredi au Nouristan (nord-est) et rapporté samedi.

Le gouverneur de cette province montagneuse où la rébellion est bien implantée a indiqué que 18 civils et 20 policiers avaient été tués dans une frappe aérienne le 25 mai, lors d'intenses combats ayant opposé les forces afghanes et de l'OTAN aux talibans qui menaçaient de s'emparer d'un district.

«Les policiers ont été tués par des tirs fratricides», a affirmé Jamalddin Badar, «les civils ont été tués parce qu'ils ont été confondus avec les talibans, vêtus d'habits civils et qui, à court de munitions, se sont réfugiés dans des habitations».

La Force de l'OTAN en Afghanistan (Isaf) a indiqué être «au courant» des allégations dans le Helmand et le Nouristan, et avoir envoyé une équipe d'enquêteurs, assurant que leurs conclusions seraient rendues publiques.

Les pertes civiles sont un sujet sensible en Afghanistan, où dix ans de présence militaire étrangère alimentent le ressentiment antioccidental.

M. Karzaï, qui entretient des relations de plus en plus tendues avec ses alliés occidentaux, reproche régulièrement à l'OTAN de faire des victimes civiles dans ses opérations et de les mener sans concertation avec l'armée afghane.

Samedi, il avait demandé à son ministre de la Défense de faire cesser les opérations menées «unilatéralement» par l'OTAN et de transmettre aux forces afghanes le contrôle des raids nocturnes.

Il avait également demandé à ce que l'armée afghane mène ses propres opérations, de manière indépendante.

Un raid de l'OTAN, qui avait tué quatre personnes présentées comme des civils par la population, avait déclenché deux jours de violentes manifestations, les 18 et 19 mai à Taloqan (nord-est), faisant 17 morts en deux jours.

Plus de 2.700 civils ont été tués en 2010, selon l'ONU qui attribue les trois quarts de ces décès aux insurgés.