L'onde de choc des révolutions tunisienne et égyptienne continue de se propager dans le monde arabe. Au Liban, le mouvement laïque, encore minoritaire, a décidé de se faire entendre en réclamant «la chute du système confessionnel» qui permet notamment le partage du pouvoir selon l'appartenance religieuse. Le combat s'annonce de longue haleine, explique notre collaborateur.

«El shaab yurid iskat el nizam: le peuple veut faire tomber le régime». Le slogan phare des révoltes arabes est arrivé jusqu'à la capitale libanaise. Ici cependant, il ne s'agit pas de renverser un gouvernement ou un président, mais de demander la chute du «système confessionnel», qui régit le pays depuis son indépendance en 1943.

Le mouvement a été lancé par une dizaine de jeunes sur Facebook, peu avant la chute d'Hosni Moubarak. «Renverser Ben Ali ou Moubarak était impensable il y a quelques mois, nous devons profiter de cette énergie», raconte Bilal. Ce diplômé en sciences politiques est l'un des jeunes à l'origine de la contestation. Plusieurs tentes ont été installées en face du ministère de l'Intérieur, une première marche a été improvisée en trois jours, suivie d'une seconde manifestation le 6 mars qui a rassemblé près de 10 000 personnes. «Pour la première fois, la jeunesse s'est mobilisée afin de demander la remise en cause des fondements du système. C'est du jamais vu», explique Nasri Sayegh, journaliste au quotidien libanais As Safir.

Inégalités et corruption

Le combat s'annonce ardu, tellement l'appartenance confessionnelle a pris une place importante dans la société libanaise, après 15 ans de guerre civile (1975-1990). Dans un pays où coexistent 18 communautés religieuses, le «confessionnalisme politique» a été institué pour garantir un subtil équilibre entre les minorités. Le pouvoir est ainsi réparti selon l'appartenance religieuse: les sièges à l'Assemblée sont divisés à égalité entre chrétiens et musulmans, puis subdivisés entre les différentes confessions. Des quotas communautaires sont également prévus pour tous les mandats politiques et les postes administratifs.

«Pour appliquer la peine de mort, ils attendent qu'il y ait le même nombre de condamnés chrétiens et musulmans, c'est absurde!» explique Sarah, venue manifester dimanche dernier. Omar, un des instigateurs du mouvement sur Facebook, fustige les inégalités du système. «Si j'ai mieux réussi un concours administratif qu'un candidat d'une autre confession, je serais recalé si les quotas de ma confession sont limités. Ce système encourage la corruption et le clientélisme», dénonce-t-il. Les accords de Taef, qui ont mis fin à la guerre civile en 1990, prévoyaient d'abolir «par étapes» le confessionnalisme politique.

La loi du nombre

Mais rien n'a changé, car les résistances demeurent nombreuses. Les chrétiens, qui représentent environ 35% de la population, craignent d'être victimes de la loi du nombre. Les autorités religieuses musulmanes s'inquiètent elles plutôt d'un statut civil unique qui ne serait pas conforme à la charia et réduirait leur influence. Car plus que l'abolition du «confessionnalisme politique», les manifestants souhaitent aussi un statut civil unique. Les questions de droit privé (mariage, divorce, succession...) sont en effet régies par des «codes de statut personnel» qui dépendent de chaque communauté. Une fille sunnite, chiite ou chrétienne héritera donc de manière différente. «Dans chaque geste de ma vie, je suis catalogué selon ma confession. Je veux être traité comme un citoyen libanais», conclut Bilal.

Dire non au Hezbollah

«Non à la suprématie des armes.» Le slogan est sur toutes les affiches publicitaires de la capitale libanaise. Le mouvement du 14 mars, emmené par l'ex-premier ministre Saad Hariri, entend faire de la sixième commémoration de la «révolution du Cèdre» -qui avait abouti au départ de l'armée syrienne du Liban- un grand rassemblement demain pour soutenir «le monopole de la violence légitime» par l'État et le Tribunal international chargé de juger les assassins de l'ancien premier ministre Rafic Hariri.

Enquête Hariri: acte d'accusation «élargi»

Le procureur du Tribunal spécial pour le Liban (TSL) Daniel Bellemare a annoncé hier le dépôt d'un acte d'accusation modifié à la portée «élargie», à la suite de l'obtention et de l'analyse d'autres éléments de preuve dans le cadre de l'enquête sur l'attentat contre l'ancien premier ministre libanais Rafic Hariri en 2005 à Beyrouth. Confidentiel, l'acte d'accusation est en train d'être examiné par le juge belge Daniel Fransen, qui est chargé de le confirmer avant le lancement de mandats d'arrêt ou de citations à comparaître. Le TSL, installé depuis 2009 dans la banlieue de La Haye et créé en vertu d'une résolution de l'ONU, est chargé de juger les auteurs présumés de l'attentat qui a coûté la vie à Rafic Hariri et à 22 autres personnes le 14 février 2005 à Beyrouth.

-Avec AFP