Un minuscule sapin de Noël éclaire le sombre appartement dans lequel logent Lamia et ses trois enfants. Réfugiée à Beyrouth depuis novembre, la famille originaire de Bagdad habitait à deux pas de la cathédrale catholique où est survenu le massacre du 31 octobre dernier. Cinquante-trois personnes y ont péri.

Après le carnage, la situation a dégénéré. Menaces et attaques ciblées contre les chrétiens se sont enchaînées. «Cinq jours après l'attentat, nous avons reçu une lettre anonyme. Au nom de l'islam, l'auteur indiquait que l'Irak n'était pas une terre pour nous. On nous donnait 48 heures pour quitter, sinon nos enfants seraient kidnappés», explique Lamia, désemparée.

Selon Raphaël Koumaly, anthropologue à l'Université Saint-Joseph de Beyrouth, les chrétiens d'Irak sont victimes d'un phénomène d'épuration. «Minoritaires, ils sont pris en étau entre les fondamentalistes chiites et sunnites. Ces groupes souhaitent homogénéiser la région. Ils perçoivent les chrétiens comme des intrus.»

En Irak, les chrétiens étaient près de 1 million avant l'invasion américaine de 2003. Leur nombre est estimé aujourd'hui à 450 000, soit moins de 2% de la population. Face à l'exode qui s'intensifie, vendredi dernier, l'ONU lançait un cri d'alarme.

Liban, terre promise

Au Liban, plus de 8000 Irakiens sont enregistrés auprès du Haut-Commissariat pour les réfugiés (HCR). Selon Ninette Kelley, la représentante du HCR à Beyrouth, l'année 2010 marque un record: «Soixante-neuf pour centdes nouveaux réfugiés sont chrétiens. Du jamais vu.»

Le pays du Cèdre revêt une attraction certaine pour les chrétiens d'Orient qui le perçoivent comme un refuge. Aujourd'hui, près d'un tiers de la population libanaise est chrétienne, une proportion très élevée par rapport aux pays de la région.

Une fois arrivés au Liban, les chrétiens d'Irak n'échappent pourtant pas au dur traitement infligé à l'ensemble des réfugiés irakiens, toutes religions confondues.

Le Liban n'est pas signataire de la Convention de Genève sur les réfugiés. Le pays n'accorde aucune protection à ceux qui fuient les persécutions.

«Considérés comme illégaux, les réfugiés sont constamment menacés d'incarcération. Ils courent aussi le risque d'être expulsés vers l'Irak», raconte Ninette Kelley.

Selon Raphaël Koumaly, les réfugiés irakiens doivent travailler au noir. «Ils sont souvent exploités par des employeurs qui profitent de leur statut précaire.»

Comme la plupart des réfugiés d'Irak, Lamia et sa famille rêvent d'être réinstallés dans un pays tiers, comme le Canada. Le HCR estime que plus de la moitié d'entre eux auront cette chance. En ce triste Noël, c'est là une lumière d'espoir pour Lamia.