La nudité des femmes s'affichant sur la couverture du DVD dit tout du changement en cours en Irak. À la faveur de la répression de l'insurrection et de la chute des violences, les films XXX ont fait leur retour dans les rues de la capitale irakienne, indicateurs curieux de l'état de sécurité et de la vie politique du pays depuis la chute du régime de Saddam Hussein en 2003.

Sans surprise, c'est le sexe qui se vend le mieux parmi les films que propose à la vente Jassim Hanoun, 22 ans, sur un trottoir du centre de Bagdad. La présence de DVD pornographiques dans certains quartiers de la ville est quasiment unique dans le monde arabe.

Dans chaque pays de la région -à l'exception du Liban, d'Israël et de la Turquie-, la pornographie est illégale. Ce qui ne veut pas dire qu'elle n'existe pas, les chaînes satellites internationales et le réseau internet permettant aux gens d'y accéder sans sortir de chez eux. Reste que nombre de gouvernements tentent de bloquer les sites jugés obscènes et que leur police, à la différence des forces irakiennes confrontées aux attentats, a davantage de temps pour faire la chasse aux vendeurs de films pornographiques.

À l'heure actuelle, les autorités irakiennes ont d'autres chats à fouetter que de s'attaquer aux vendeurs de DVD classés X, souligne un responsable du ministère de l'Intérieur sous couvert d'anonymat. D'autant que le pays est plongé dans une impasse politique depuis les législatives de mars.

Cette situation, conjuguée à la chute spectaculaire des violences observée en Irak depuis 2007 et à un semblant d'ordre dans la capitale -lié à la répression du gouvernement de Nouri al-Maliki appuyé par les forces américaines-, a permis à Hanoun et d'autres vendeurs de faire leur retour dans les rues de Bagdad.

Mais elle n'est peut-être provisoire. Car la poursuite de leur commerce dépendra moins de la demande que des dirigeants qui prendront les rênes du pouvoir et du degré de sécurité. Vendre du X n'est pas non plus dénué de risques. «On menace toujours de me tuer», dit Hanoun, haussant les épaules avec indifférence quand on l'interroge sur ce «on». Milices, police? «Cela n'a pas d'importance si vous êtes mort.»

Les films X ont émergé à la faveur de la vacance de pouvoir qui a suivi le début de l'intervention des forces américaines et la chute en 2003 du régime Hussein, qui imposait une stricte interdiction.

Avec la présence des forces occidentales et leurs armées de sous-traitants étrangers, des enfants se sont mis à vendre des films classés X dans la Zone Verte, où se trouvent les bâtiments du gouvernement irakien et de l'ambassade des Etats-Unis. Des vendeurs se postaient devant des hôtels où logeaient les journalistes des médias internationaux. «Filles du ministère de l'Intérieur» était alors le titre d'une collection...

Le boom du cinéma hard a été de courte durée. Après 2004, l'Irak a semblé déchiré entre milices et mouvements armés. Des groupes sunnites comme Al-Qaïda en Irak ont atteint leur apogée, commettant enlèvements, exécutions par décapitation, attentats-suicide et attaques.

Les films X se sont vendus sous le manteau jusqu'en 2008 en raison de l'anarchie, des violences intercommunautaires et des milices chiites armées dominant des quartiers entiers de la capitale, qui les considéraient comme immoraux. Ces milices ont lancé une campagne d'intimidation et de violence visant les individus qui vendaient de l'alcool, des vidéos osées et d'autres produits qu'elles considéraient comme interdits par l'Islam.

Cette période était «mauvaise», confie Ammar Jamal, qui a été arrêté et emprisonné pendant vingt jours sous l'accusation d'avoir commercialisé des produits frappés d'immoralité en 2007. «Je suis rapidement sorti de ce commerce», souligne le jeune homme âgé de 24 ans. Aujourd'hui, il propose à la vente des films qui promettent, plus qu'ils ne dévoilent, des scènes érotiques, largement «soft», qui ne valent pas de classification X. Chaque DVD coûte 1 500 dinars (environ 1,65$ CAN).

Dans un pays où le chômage serait beaucoup plus élevé que le taux officiel -légèrement supérieur à 20%-, Jassim Hanoun explique que le travail de vendeur est le meilleur qu'il puisse trouver. Et la demande est là. Le jeune homme télécharge des dizaines de films X par jour, pour un montant équivalant à près de 3,50$ CAN chacun.