Amman observait mardi un silence embarrassé sur l'implication dans l'attentat suicide ayant tué sept membres de la CIA le 30 décembre en Afghanistan d'un Jordanien qui, selon des sites islamiques, agissait comme agent double pour Al-Qaeda.

Selon la chaîne américaine NBC News, citant des sources occidentales du renseignement, ce Jordanien a été identifié comme Humam Khalil Abu-Mulal al-Balawi et aurait été recruté par les services de renseignement de son pays, tout en travaillant comme agent double pour Al-Qaeda. Il avait été envoyé en mission en Afghanistan pour retrouver le numéro deux du réseau Al-Qaeda, l'Egyptien Ayman al-Zawahiri, selon cette chaîne.

Il y travaillait avec un officier des services de renseignement jordaniens, identifié par l'agence de presse officielle jordanienne Petra comme Ali bin Zeid, le huitième homme tué dans l'attentat.

Interrogé par l'AFP, le porte-parole du gouvernement jordanien Nabil Shérif a catégoriquement démenti ces informations.

Les «renseignements jordaniens ne sont nullement impliqués dans de telles opérations», a-t-il affirmé.

Des membres de la famille du capitaine Ali bin Zeid, 33 ans, cousin éloigné du roi Abdallah II de Jordanie, ont affirmé à l'AFP qu'il se trouvait «en mission en Afghanistan depuis 20 jours» au moment de l'attentat.

Son corps a été rapatrié samedi et des obsèques militaires ont eu lieu en présence du roi et de la reine Rania. Petra l'a présenté comme un «martyr du devoir», sans autres précisions.

«La Jordanie doit être embarrassée car leur coopération avec la CIA a été rendue publique par la mort du capitaine Ali, ce qui a des échos négatifs auprès d'une population majoritairement anti-américaine», a déclaré à l'AFP un diplomate occidental.

Selon les milieux islamiques à Amman, le kamikaze présumé -appelé aussi «Abou Doujana al-Kharassani»-, était un médecin de 36 ans originaire de la ville majoritairement pauvre et islamique de Zarka (23 km nord-est d'Amman).

Il avait été arrêté pour ses liens avec Al-Qaeda puis recruté par les services de renseignements pour qu'il infiltre cette organisation et se rapproche de Zawahiri, selon le site islamique Ana Mouslim.

«Il a passé des mois entre l'Afghanistan et le Pakistan et a fourni des informations aux Américains, que les moudjahidine voulaient leur faire parvenir. Chaque fois que ces informations ont pu être vérifiées par les Américains, leur confiance en Abou Doujana grandissait», selon le site.

Toujours selon le site, il devait rencontrer l'équipe de la CIA basée à Khost, dans l'est de l'Afghanistan, sous prétexte qu'il disposait d'informations urgentes relatives à Zawahiri.

À son arrivée, il n'a pas été fouillé et un membre de la CIA aurait même dit, selon le site: «C'est notre homme, inutile de le fouiller».

Le Jordanien aurait ensuite dessiné «un plan sur un bout de papier».

«Il leur a dit: «Approchez pour bien voir». Une fois tous les agents de la CIA réunis autour de lui, il s'est fait exploser», précise le site.

Dans un rapport publié lundi sur le site du Center for a New American Security, un groupe de réflexion de Washington, le général Michael Flynn, chef du renseignement militaire en Afghanistan, a dénoncé le manque de curiosité des agents de renseignements américains qui les pousse à lire dans le marc de café plutôt qu'à mener des enquêtes approfondies.

Le général américain appelle à réformer radicalement «un appareil de renseignement toujours incapable de trouver des réponses à des questions fondamentales sur l'environnement dans lequel nous évoluons et sur les gens que nous essayons de protéger et de convaincre» de collaborer.