Le Guide suprême de l'Iran, l'ayatollah Ali Khamenei, a infligé un véritable camouflet à Mahmoud Ahmadinejad, qu'il a pourtant soutenu dans sa réélection contestée à la présidence, rapportent des médias mercredi. Il lui a ordonné de renoncer à prendre comme premier vice-président le beau-père de son fils, qui avait tenu des propos jugés trop pro-israéliens.

De son côté, le président iranien a décidé de persévérer dans son choix. Mahmoud Ahmadinejad a déclaré mercredi qu'il avait besoin de temps pour expliquer sa décision, prise la semaine dernière, de nommer Esfandiar Rahim Machai à ce poste.

«Il faut du temps et une nouvelle occasion pour expliquer pleinement mon appréciation et mes sentiments réels vis-à-vis de M. Machai», a-t-il affirmé lors d'une cérémonie de départ organisée en l'honneur de ce dernier, dans le service du Tourisme qu'il dirigeait lorsqu'il occupait son précédent poste de vice-président.

«L'une des vertus et des gloires que Dieu m'a accordé dans ma vie est d'avoir connu cet homme formidable, honnête et pieux», a-t-il poursuivi, selon les propos rapportés par l'agence de presse officielle IRNA. «Certains se demandent pourquoi je porte tant d'intérêt à M. Machai et je répond que c'est pour mille raisons. L'une d'entre elles est que quand vous vous asseyez et que vous parlez avec lui, vous avez l'impression de parler à vous-même, sans sentir de distance. Son coeur est clair comme un miroir».

L'ordre de l'ayatollah Khamenei de révoquer Esfandiar Rahim Machai a été «notifié par écrit à Ahmadinejad», affirme l'agence de presse semi-officielle Fars. L'ultraconservateur Mahmoud Ahmadinejad doit déjà faire face à la crise née de sa réélection, contestée par l'opposition qui l'accuse d'avoir volé la victoire au candidat réformateur Mir Hossein Moussavi.

Esfandiar Rahim Machai s'était quant à lui attiré les foudres des tenants de la ligne dure du régime quand il avait déclaré en 2008 que les Iraniens étaient «les amis de tous peuples de la Terre -même les Israéliens». A l'époque, il était vice-président chargé du Tourisme et de l'Héritage culturel.

Le régime iranien compte 12 vice-présidents mais le plus important d'entre eux est le premier vice-président qui dirige le conseil des ministres en cas d'absence du président.

Le Guide suprême, l'ayatollah Khamenei, avait fermement soutenu M. Ahmadinejad -considéré comme son protégé- après l'élection présidentielle du 12 juin dernier, alors que des centaines de milliers de manifestants défilaient dans les rues. La décision finale lui revient sur toutes les questions importantes en Iran.

Pratiquement au moment où l'ordre était donné, mardi en fin de journée, Mahmoud Ahmadinejad s'était déjà engagé à conserver Machai comme premier vice-président.

«M. Machai soutient la position du Guide suprême et constitue un gardien pieux, humain, honnête et créatif pour l'Iran (...) Pourquoi démissionnerait-il?», s'est-il interrogé, selon l'agence de presse officielle IRNA. «Machai a été nommé comme premier vice-président et poursuit son activité au sein du gouvernement.»

Ali Akbar Javanfekr, proche conseiller de M. Ahmadinejad, a déclaré mardi que le président ne changerait pas d'avis, malgré la controverse. «Le président prend ses décisions (...) dans le cadre de ses pouvoirs légaux et sur la base des enquêtes qui ont été menées. L'expérience a montré que la création de controverses sans fondement n'influençait pas le président», a-t-il expliqué sur son blog, sans qu'il soit précisé si ces propos avaient précédé ou suivi l'ordre donné par le Guide suprême iranien.

Le vice-président du Parlement, Mohammad Hasan Aboutorabi-Fard, a estimé que la révocation de Machai était une décision du pouvoir dirigeant. «La révocation ou la démission de Machai doit être annoncée par le président sans délai», a-t-il assuré, cité par l'agence de presse semi-officielle ISNA.

M. Machai avait déjà suscité la colère de religieux de haut rang en 2007 lorsqu'il avait assisté à une cérémonie en Turquie où des femmes interprétaient une danse traditionnelle. Les interprétations les plus conservatrices de l'islam interdisent aux femmes de danser.

Il avait à nouveau été au coeur de la polémique en 2008, en assistant à une cérémonie à Téhéran dans laquelle plusieurs femmes jouaient du tambourin tandis qu'une autre portait le Coran sur le podium pour en réciter des versets.