Donnés pour morts à la fin 2001, les talibans se sont reconstitués pour revenir sur le devant de la scène, portés par des réseaux étrangers et une nouvelle génération de combattants revanchards mobilisés contre les «envahisseurs», expliquent plusieurs analystes afghans.

Lors que les talibans ont été chassés du pouvoir par la coalition militaire américaine à la fin 2001, ils étaient considérés comme finis.

Mais depuis leurs refuges, notamment pakistanais, ils ont pu se regrouper, recruter avec de nouveaux discours, de l'argent et des armes fournies par leurs alliés, dont le réseau Al-Qaïda, ajoutent-ils.

«Les talibans d'aujourd'hui ne sont plus ce qu'ils étaient en 2001», explique Waheed Mujda, ancien responsable gouvernemental du régime des talibans, et auteur d'un livre sur leur cinq années de pouvoir.

«Jusqu'à 2001, ils étaient un mouvement nationaliste qui voulait prendre le pouvoir et stabiliser l'Afghanistan» après la terrible guerre civile des années 1990, note-t-il.

Mais depuis, «la plupart de leurs leaders se sont mués en dangereux islamistes radicaux qui voient désormais au delà des frontières de l'Afghanistan, et veulent se battre contre les intérêts américains dans le monde entier, comme Al Qaeda», estime-t-il.

Et le déploiement de dizaines de milliers de soldats occidentaux depuis 2001 les a aidés à recruter une nouvelle génération de combattants contre l'«occupation de leur terre islamique par des infidèles», ajoute-t-il.

«En Afghanistan, ce n'est jamais difficile de trouver des combattants pour faire la guerre aux étrangers, surtout s'ils ne sont pas musulmans», dit-il.

Les rebelles «sont un mélange d'anciens et de nouveaux talibans», abonde l'historien et analyste politique Habibullah Rafi.

«Le message taliban est : "Défendez votre pays contre l'occupation étrangère". C'est un message fort, qui a aidé à recruter des milliers de nouveaux combattants en enflammant les villageois», explique-t-il.

Les villages afghans, pour la plupart démunis, sont ceux qui ont le moins vu les effets des milliards de dollars d'aide internationale dépensés depuis 2001.

Leur ressentiment, ajouté à l'absence de forces afghanes locales, a créé un réservoir de jeunes illettrés, avide d'argent et de pouvoir, mûrs pour être enrôlés par les talibans, estime un autre analyste politique, Haroon Mir.

Les responsables occidentaux décrivent une galaxie rebelle divisée entre une base de radicaux islamistes influencés par al Qaïda, divers «fusils à louer» et les mafias, notamment de la drogue, qui prospèrent dans l'instabilité.

Difficile dès lors de les dénombrer (ils pourraient être jusqu'à 20.000 selon des officiers américains) et encore plus de les atteindre.

Si quelques anciens responsables talibans, souvent peu importants, ont répondu à l'appel à déposer les armes du gouvernement, le leader historique, le mollah Omar, est lui toujours en fuite.

Le commandant adjoint de la force de l'Otan en Afghanistan, le général britannique Jim Dutton, souligne l'émergence d'une génération d'«individus moins idéologisés et moins réticents à utiliser des méthodes de combat ou de financement considérées comme non islamiques», comme les attentats suicide et le trafic de drogue, y voyant «sans aucun doute» l'influence et l'aide d'Al Qaïda.

D'autres groupes rebelles ont de l'influence, comme le réseau du chef de guerre historique Jalahuddin Haqqani ou le mouvement islamiste radical du Hezb-e-Islami d'un autre leader afghan historique, l'ancien Premier ministre Gulbuddin Hekmatyar. Mais «les talibans sont toujours le principal groupe de la rébellion», note Waheed Mujda.

«Nous sommes Afghans», répond le porte-parole des talibans, Yousuf Ahmadi, lorsqu'on l'interroge au téléphone sur d'éventuels camps d'entraînements et bases au Pakistan. «Les talibans ne sortent pas d'une usine. Ils sont nés de cette société et celle-ci les soutient. Nous nous battons pour nos croyances».