Longtemps critiquée, la tour Montparnasse, en plein sud de Paris, fait désormais partie du paysage. Emblématique de la capitale, elle doit connaître une rénovation qui enchante ceux qui, après ses 50 ans d’existence, ne la portent pas dans leur cœur.

Elle trône, de ses 210 mètres, sur le sud de Paris. Au cœur du 15e arrondissement se trouve le seul gratte-ciel de la capitale française : la tour Montparnasse. Avec des couleurs – marron et noir – qui trahissent son âge.

Le 18 juin, cette tour aussi mal-aimée qu’emblématique a fêté ses 50 ans. Cinq décennies qu’elle surplombe le quartier Montparnasse, sa gare et ses cafés.

Catou Arrazat se souvient très bien de son ouverture, en 1973, après des années de batailles entre urbanistes, politiciens et habitants. « La première fois que j’y suis entrée, raconte la sculptrice, il y avait des vitres en plexiglas fumé, de la moquette orange. Pour moi, ça représente ma jeunesse et les années 1970 à mort ! » Chaque dimanche, l’artiste, comme des dizaines d’autres, installe son stand sur le marché de la création Edgar Quinet, au pied de la tour.

PHOTO LOLA BRETON, COLLABORATION SPÉCIALE

Catou Arrazat (en noir) pose devant la tour Montparnasse avec des artistes du marché de la création Edgar Quinet.

Dans le cœur des Parisiens, ce bâtiment terne ne fait pas l’unanimité. Mais, chacun l’admet, la tour permet de se repérer facilement dans le sud de Paris. La voir, c’est savoir où l’on va. « [Mais] par rapport aux immeubles de Montréal, où mon fils habite, qui sont colorés, ici c’est juste moche », raconte Brigitte Raimbaut, de passage avec une amie parisienne.

« Ce serait mieux si ce n’était pas tout noir. Il y a sûrement moyen de l’embellir », pense-t-elle en s’étonnant du prix exorbitant de l’entrée. Car, si la tour Montparnasse est un immeuble de bureaux, elle donne aussi une vue panoramique inédite sur Paris, du 56e étage de l’immeuble qui en compte 59. À condition de débourser 15 euros en semaine et 18 le week-end (entre 22 et 26 dollars canadiens, donc).

Rayan Ampell a déjà eu l’occasion de dîner au restaurant de la tour, Le Ciel de Paris. Le jeune homme vit dans le quartier et travaille pour une association humanitaire près de la gare Montparnasse. « Elle est belle la nuit. Ils l’éclairent d’une lumière bleue. Les jeunes en général n’aiment pas cette tour, mais moi, si. »

Sa collègue, Ambre Abdellaoui, acquiesce : « Elle fait très vieillotte, très ancienne architecture », pas à son goût. « C’est vrai que pour l’instant, c’est pas très Dubaï », sourit Rayan Ampell, en référence aux gratte-ciels immenses faits de façades stylisées et lumineuses.

PHOTO LOLA BRETON, COLLABORATION SPÉCIALE

Ambre Abdellaoui

« Si elle avait été claire, ça aurait été plus facile pour elle », admet Virginie Picon-Lefèbvre, une architecte qui a consacré sa thèse au projet de modernisation des années 1960-1970 du quartier Montparnasse.

Ce n’est pas vrai que les Parisiens la détestent aujourd’hui. Elle fait partie du paysage, de l’histoire.

Virginie Picon-Lefèbvre, architecte

La spécialiste explique que, lors de la mise sur pied du projet, en 1964, l’idée était de relier un axe autoroutier nord-sud avec le boulevard périphérique intérieur par le quartier Montparnasse. Les travaux ont pris un autre tournant, mais la tour, prévue dès le départ, a été construite après des années d’opposition. « En 1968, il y a eu une remise en cause de toutes les opérations de modernisation et de construction des grands ensembles, souligne Virginie Picon-Lefèbvre. Quoi qu’ils aient fait, les architectes auraient été critiqués. »

Cure de rajeunissement

La perspective d’une rénovation prochaine fait l’unanimité. En 2017, un groupe d’architectes français a remporté le concours international Demain Montparnasse, prévu pour penser l’avenir du quartier et de la tour elle-même.

Réunis sous l’appellation Nouvelle AOM (Nouvelle Agence pour l’opération Maine-Montparnasse), ils ont mis sur pied un projet ambitieux. Une tour plus transparente, plus verte et en phase avec les besoins climatiques.

Avec un budget de 300 millions d’euros (plus de 430 millions de dollars canadiens), les architectes ont prévu d’ajouter une serre agricole et des panneaux photovoltaïques sur un étage supplémentaire qui ferait passer la tour de 210 à 224 mètres de haut, au minimum. À la fin des travaux, la tour qui serait ouverte 24 heures sur 24 pourrait accueillir 12 000 personnes par jour, contre 6000 actuellement.

Ce projet était censé se terminer en 2024, avant les Jeux olympiques de Paris. Mais, à un an de l’échéance initiale, rien n’a encore bougé. « C’est annulé, non ? », pense savoir Damien Labombe, qui vit et travaille dans le quartier.

En réalité, si l’on en croit les bruits de couloir, les travaux ont été décalés pour après les JO et devraient durer quatre ans. Des efforts conséquents pour redonner une jeunesse au quartier et à sa reine, sans ajouter d’autres tours aux alentours. Heureusement, pense Damien, pour qui « il ne faudrait pas 200 tours Montparnasse, une c’est bien ».