(Moscou) La multiplication ces derniers jours des attaques et des actes de « sabotage » en Russie suscite la crainte de voir les célébrations militaires du 9 mai, essentielles pour le Kremlin en plein conflit en Ukraine, être gâchées.

Ces derniers jours, une série d’incidents spectaculaires est venue rappeler que la Russie est exposée aux coups adverses, même à des centaines de kilomètres du front ukrainien.

Lundi et mardi, des « engins explosifs » ont fait dérailler deux trains de marchandises dans une région frontalière de l’Ukraine, des incidents jamais signalés auparavant en Russie depuis le début, le 24 février 2022, de l’offensive contre Kyiv et réveillant le souvenir de la « bataille du rail » de la Seconde Guerre mondiale.

Lundi aussi, bien plus loin de l’Ukraine, une ligne électrique près d’un village au sud de Saint-Pétersbourg (nord-ouest) a été endommagée par un engin explosif, selon les services de sécurité (FSB) qui ont ouvert une enquête pour « sabotage ».

Et dans la nuit de mardi à mercredi, un dépôt de carburant a pris feu dans un village russe proche de la Crimée annexée. Avant que, dans la matinée, le FSB — les services de sécurité russes — n’annonce avoir démantelé un réseau ukrainien « terroriste » dans la péninsule.

Le week-end dernier, c’est un dépôt de pétrole en Crimée elle-même qui était frappé par une attaque de drones, tandis qu’un bombardement sur un village russe de la région frontalière de Briansk faisait quatre morts.

« Le régime de Kyiv, qui est derrière un certain nombre de ces attaques et de ces attentats, prévoit de poursuivre sur cette ligne », a déclaré mardi le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, assurant que les services de sécurité russes faisaient « le nécessaire » pour protéger la population.

Si l’Ukraine n’a revendiqué aucune de ces attaques, comme à son habitude, leur multiplication intervient à un moment où Kyiv affirme avoir terminé ses préparatifs pour une grande offensive de printemps annoncée depuis des semaines.

Célébrations vitales

Dans ce contexte, plusieurs villes russes ont annulé les célébrations traditionnellement organisées le 9 mai pour le « Jour de la Victoire » marquant la défaite de l’Allemagne nazie en 1945.

Pour l’heure, le grand défilé militaire sur la place Rouge à Moscou, l’évènement phare de cette journée, est maintenu. Pour les autorités, le défi est de faire en sorte qu’elle se déroule sans accrocs.

« Des incidents (pendant ces manifestations) ne sont pas souhaitables, car ils viendraient perturber la réalisation d’objectifs en termes de propagande et réduire le sentiment de sécurité », dit à l’AFP Andreï Kolesnikov, du centre d’analyse Carnegie.  

D’habitude, ces défilés militaires, pour lesquels sont présents, en famille, des milliers de spectateurs, sont l’un des grands rendez-vous annuels du régime de Vladimir Poutine.

Depuis son arrivée au pouvoir, il a instauré un culte de la victoire de 1945 pour attiser les sentiments patriotiques et renforcer sa légitimité en se posant en héritier de la puissance soviétique.

« C’est le seul “mastic” qui unit la nation », estime Andreï Kolesnikov.  

« Et cette célébration est maintenant doublement importante, car il est crucial pour Poutine d’insérer dans la conscience collective cette idée simple, mais folle, que l’opération spéciale (en Ukraine) est un prolongement » de la guerre contre Adolf Hitler, juge-t-il.

Le pouvoir russe ne cesse en effet de faire un parallèle entre la « Grande Guerre patriotique » et l’offensive en Ukraine, affirmant y combattre des « néonazis » soutenus par les Occidentaux.  

Incursions

Depuis le déclenchement de l’opération militaire en Ukraine, le territoire russe a plusieurs fois été la cible de drones, dont certains se sont écrasés dans la région de Moscou.

En mars, l’incursion d’hommes armés dans la région de Briansk à partir de l’Ukraine avait causé un choc, faisant voler en éclats le sentiment d’inviolabilité de la frontière.

Des centres de recrutement de l’armée et des voies ferrées étant parfois attaqués, les autorités font aussi la chasse aux potentiels saboteurs.

Moscou a fortement durci sa législation contre les « sabotages », passibles désormais de très lourdes peines de prison.

Plus de 65 personnes, dont un tiers de mineurs, ont été arrêtées depuis l’automne dans une vingtaine de régions russes après avoir été accusées de sabotage ferroviaire, selon un comptage du média indépendant Mediazona publié mi-avril.

Pour Andreï Kolesnikov, les autorités russes s’efforcent parallèlement d’« atténuer » les conséquences de sabotages imputés à Kyiv et de promettre des ripostes. « Il y a toujours une réponse : les missiles », lâche cet expert, faisant allusion aux vagues de bombardements russes en Ukraine.

Mardi, Dmitri Peskov, le porte-parole du Kremlin, a d’ailleurs estimé que le « plus important » face à ces sabotages était de poursuivre l’offensive en Ukraine « pour éliminer les menaces à la racine ».