L’entourage de l’opposant russe Alexeï Navalny, qui est détenu depuis 2021 dans des conditions assimilées à une forme de torture par Amnistie internationale, affirme que sa santé se détériore dangereusement.

L’un de ses avocats, Vadim Kobzev, a notamment sonné l’alarme à ce sujet sur Twitter en début de semaine en évoquant, dans une série de messages, la possibilité que le prisonnier de 46 ans soit victime d’une tentative d’empoisonnement ordonnée par le Kremlin.

M. Kobzev a indiqué que M. Navalny avait éprouvé de sévères maux d’estomac récemment et perdu près de 8 kilos après avoir passé 15 jours dans une cellule d’isolement.

L’avocat, qui est autorisé occasionnellement à voir le dissident, a relevé qu’il avait tenté en vain d’obtenir des clarifications de la part du personnel carcéral sur la cause de ses problèmes de santé et ne recevait pas de soins à ce sujet.

« Nous exigerons des examens toxicologiques et radiologiques », a affirmé M. Kobzev en relevant qu’il n’y avait rien de « paranoïaque » à envisager un scénario d’empoisonnement dans le cas d’Alexeï Navalny.

L’opposant le plus en vue du président russe Vladimir Poutine avait été exposé en 2020 lors d’un vol de la Sibérie à Moscou à un puissant agent neurotoxique qui a failli lui coûter la vie.

M. Navalny avait alors accusé le régime d’avoir cherché à le tuer, un scénario démenti par le Kremlin.

« Nous sommes tous préoccupés »

Vendredi, un allié du dissident, Ruslan Shavbeddinov, a évoqué à son tour la possibilité qu’un poison agissant lentement soit à l’origine des problèmes de santé du détenu.

« Sa situation est vraiment critique, nous sommes tous préoccupés », a indiqué M. Shavbeddinov dans une entrevue accordée au quotidien britannique The Guardian.

La porte-parole d’Alexeï Navalny, Kira Yarmich, qui a publié une série de messages alarmistes sur les réseaux sociaux, a déclaré à la chaîne CBC que son entourage ne disposait pas actuellement de preuves permettant de démontrer qu’il est la cible d’une tentative d’empoisonnement.

Mais « nous savons [que Vladimir Poutine] a déjà essayé de tuer Alexeï et que rien ne l’empêche par conséquent de tenter de le faire de nouveau », a-t-elle noté.

Condamné à neuf ans de prison

L’opposant politique, un avocat de formation s’étant fait connaître par sa dénonciation de la corruption des autorités russes, a été condamné à neuf ans de prison en 2022 pour escroquerie et outrage à un magistrat, des accusations montées de toute pièce pour le faire taire, selon nombre de pays occidentaux.

PHOTO KIRILL KUDRYAVTSEV, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Alexeï Navalny à bord d’un avion décollant de l’Allemagne et à destination de Moscou, où il a été arrêté dès son arrivée, en janvier 2021.

Il a été transféré dans une colonie pénitentiaire de sinistre réputation située à environ 250 kilomètres de Moscou.

Marie Struthers, qui dirige la section d’Amnistie internationale responsable de l’Europe de l’Est et de l’Asie centrale, a prévenu en septembre dans un communiqué que la santé et le bien-être du dissident étaient à risque.

Les autorités carcérales, a-t-elle déploré, cherchent à briser toute velléité de résistance de sa part en le plaçant à répétition dans une cellule d’isolement, parfois en évoquant des fautes mineures comme un bouton de chemise détaché.

La militante a précisé par ailleurs que les autres détenus n’étaient pas autorisés à lui parler, ni même à le regarder, de manière à l’ostraciser complètement.

PHOTO ALEXANDER NEMENOV, AGENCE FRANCE-PRESSE

L’opposant russe Ilia Iachine

Un autre opposant russe connu, Ilia Iachine, a été condamné à une lourde peine d’emprisonnement en décembre pour avoir supposément diffusé de « fausses informations » sur l’armée russe.

L’homme de 39 ans avait accusé dans une intervention sur YouTube des troupes russes d’être responsables du « meurtre de civils » dans la ville ukrainienne de Boutcha suivant l’invasion du pays en février 2022.

Liberté d’expression mise à mal

Le régime russe a réduit comme peau de chagrin toute liberté d’expression sur son propre territoire en prévoyant notamment de lourdes peines pour toute personne parlant de « guerre » plutôt que d’« opération spéciale ».

Les autorités ont continué par ailleurs de serrer la vis à des acteurs importants de la société civile, comme le Groupe Helsinki, l’une des plus vieilles organisations de défense des droits de la personne du pays, fermé sur ordre d’un tribunal.

Yann Breault, spécialiste de la Russie rattaché au Collège militaire royal de Saint-Jean, note que l’opposition au régime se trouve aujourd’hui dans un état « lamentable ».

La mort en détention d’Alexeï Navalny ne serait pas de nature, selon l’analyste, à compromettre la mainmise sur le pouvoir de Vladimir Poutine.