(Pékin) Une frappe russe sur un immeuble d’habitation a fait au moins huit morts vendredi à Sloviansk, une ville de l’est de l’Ukraine, a annoncé le gouverneur local, avertissant qu’il pourrait y avoir des personnes ensevelies sous les décombres.

Selon le dernier bilan, « 21 personnes ont été blessées et huit tuées », a annoncé Pavlo Kyrylenko à la télévision ukrainienne.

Peu avant, Daria Zarivna, conseillère du président Volodymyr Zelensky, avait indiqué qu’un enfant de deux ans qui avait été sorti des décombres était ensuite mort dans l’ambulance.

Sloviansk se trouve dans une partie de la région de Donetsk sous contrôle ukrainien, à 45 kilomètres au nord-ouest de Bakhmout, près du territoire contrôlé par la Russie.

Le président Zelensky a accusé la Russie de « bombarder brutalement » des bâtiments résidentiels et de « tuer des gens en plein jour ».

Dans un communiqué, le bureau du procureur régional de Donetsk a indiqué qu’une enquête préliminaire a été ouverte dans le cadre d’une procédure pénale pour violation des lois et coutumes de la guerre.

« Selon les informations préliminaires, les occupants ont utilisé un système de missiles antiaériens S-300 contre la population civile », ajoute le texte.

Des journalistes de l’AFP sur place ont vu des secouristes chercher des survivants au dernier étage d’un immeuble résidentiel de l’ère soviétique et de la fumée noire s’échapper de maisons en feu de l’autre côté de la rue.

PHOTO ADMINISTRATION MILITAIRE ET CIVILE DE LA RÉGION DE DONETSK VIA REUTERS

Des secouristes viennent en aide à un homme blessé.

« J’habite de l’autre côté de la rue et je dormais quand j’ai entendu cette énorme explosion. Je suis sortie en courant de mon appartement », a raconté à l’AFP Larisa, une habitante de 59 ans.

Elle a précisé que l’impact du bombardement avait brisé ses fenêtres et projeté des éclats de verre dans toute la maison.

Sur un autre site bombardé, dans un quartier résidentiel, une femme âgée, sous le choc, ramassait des éclats de métal à l’extérieur d’un magasin.

Une habitante, qui a refusé de révéler son identité, a déclaré à l’AFP que les explosions avaient soufflé ses fenêtres et fait sortir sa porte d’entrée de son cadre.

« Habituellement, lorsque cela se produit, nous nous réfugions immédiatement dans la salle de bain », a-t-elle dit.

« Personne de notre côté de l’immeuble n’a été blessé, mais peut-être que quelqu’un ici l’a été », a-t-elle ajouté en montrant des traces de sang près d’une autre entrée de son immeuble.

Poutine signe la loi facilitant la mobilisation dans l’armée

Le président russe Vladimir Poutine a signé vendredi la loi facilitant la mobilisation des Russes dans l’armée, un texte validé en deux jours par le Parlement, selon les agences russes.

Selon la nouvelle loi, un réserviste pourra désormais être mobilisé par voie électronique, via un portail des services publics russes, ou encore si l’ordre est remis à un tiers.

Jusque-là, les convocations devaient être remises obligatoirement en mains propres.

Le président Vladimir Poutine avait décrété une mobilisation de 300 000 réservistes en septembre 2022, dont la mise en œuvre avait souvent été chaotique.

Si le Kremlin dément vouloir lancer une deuxième vague, nombreux sont ceux en Russie qui s’en inquiètent, alors que l’armée ukrainienne prépare une contre-offensive d’ampleur.

La police a le droit de mener la chasse aux réfractaires, qui encourent des peines de prison. Le service des impôts, les universités et d’autres organismes publics auront pour devoir de fournir les informations personnelles des mobilisables.

Le refus de se présenter au bureau d’enrôlement privera ainsi les Russes de la possibilité de travailler en tant qu’entrepreneur ou indépendant, de recevoir des prêts ou de disposer de leur logement et de leur voiture.

Ces mesures concernent aussi les Russes qui ont fui leur pays et travaillent à distance.

La précédente mobilisation de septembre 2022 avait provoqué la fuite de dizaines de milliers de Russes à l’étranger.

Berlin demande à Pékin d’intervenir

« Aucun autre pays n’a plus d’influence sur la Russie que la Chine », a souligné vendredi la ministre allemande des Affaires étrangères Annalena Baerbock, exhortant Pékin à demander « à l’agresseur russe d’arrêter la guerre » en Ukraine.

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La ministre allemande des Affaires étrangères Annalena Baerbock

« Je dois dire ouvertement que je me demande pourquoi la position chinoise n’inclut pas jusqu’à présent une demande à l’agresseur russe d’arrêter la guerre », a-t-elle déclaré à Pékin lors d’une conférence de presse au côté de son homologue chinois Qin Gang.

La récente visite du président chinois Xi Jinping à Moscou a montré, selon Mme Baerbock, « qu’aucun autre pays n’a plus d’influence sur la Russie que la Chine et la décision d’utiliser cette influence touche directement les intérêts essentiels de l’Europe ».

« De la même manière que la Chine s’est engagée avec succès pour un équilibre pacifique entre l’Iran et l’Arabie saoudite, nous souhaitons que la Chine fasse pression sur la Russie pour qu’elle mette enfin un terme à son agression et qu’elle participe à une solution pacifique du conflit », a ajouté la ministre qui effectue son premier déplacement en Chine.

Après cette rencontre, la Chine a annoncé que son ministre de la Défense Li Shangfu se rendrait dimanche en Russie. Il y rencontrera son homologue russe Sergueï Shoigu pour évoquer ensemble du 16 au 18 avril « la coopération bilatérale dans le domaine de la défense, ainsi que des questions de sécurité mondiale et régionale », a indiqué le ministère russe de la Défense.

La visite d’Annalena Baerbock intervient une semaine après celle du président français Emmanuel Macron et de la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen qui avaient également appelé Pékin, proche de Moscou, à jouer un rôle pour la paix en Ukraine.

« Œuvrer pour la paix »

Ces dernières semaines, la pression internationale s’est accrue pour pousser la Chine à intervenir auprès de la Russie et l’amener à la table des négociations.

Depuis le début du conflit, Pékin se dit officiellement neutre, sans jamais condamner l’invasion russe.

« La Chine a toujours pensé que la seule façon de résoudre la crise ukrainienne était de promouvoir la paix et les pourparlers », a déclaré vendredi Qin Gang.

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Qin Gang

« La Chine est prête à continuer à œuvrer pour la paix et espère que toutes les parties impliquées dans la crise resteront objectives et calmes, et qu’elles feront ensemble des efforts constructifs pour résoudre la crise par le biais de négociations », a-t-il ajouté.

La ministre allemande s’est également montrée très ferme sur la question de Taïwan où la Chine vient à nouveau de lancer des manœuvres militaires d’ampleur.

« Une escalade militaire dans le détroit de Taïwan où transite chaque jour 50 % du commerce mondial serait un scénario catastrophe pour le monde entier », a-t-elle affirmé.

« Taïwan appartient à la Chine », a rétorqué Qin Gang. Et « personne n’espère plus que les compatriotes des deux côtés du détroit de Taïwan le maintien de la paix et de la stabilité […] et la réunification pacifique de la patrie », a-t-il ajouté.

« Droits de l’homme restreints »

Emmanuel Macron a suscité à son retour de Chine une vague d’incompréhension aux États-Unis et en Europe en appelant l’Union européenne à ne pas être « suiviste » de Washington ou Pékin sur la question de Taïwan, des propos parfois interprétés comme un désintérêt de la France sur ce sujet.

Une déstabilisation du détroit « aurait des conséquences dramatiques pour tous les pays du monde et donc pour l’ensemble de l’économie mondiale », a affirmé Mme Baerbock, appelant les parties à « empêcher toute escalade ».

Jeudi, la ministre avait assuré que les Européens étaient unis dans leur politique vis-à-vis de Pékin.

« Il n’y a pas d’autre partenaire avec lequel nous nous coordonnons aussi étroitement dans l’Union européenne qu’avec nos amis français », avait-elle affirmé.

Vendredi, elle s’est également dite préoccupée « par le fait que le champ d’action de la société civile en Chine continue de se réduire et que les droits de l’homme sont restreints ».

Elle a cité la situation de la communauté ouïghoure au Xinjiang, qui a été « documenté(e) noir sur blanc dans le rapport du Haut Commissaire aux droits de l’homme ».

Publié en septembre, ce rapport – mélange d’entretiens réalisés par ses services et d’informations de première ou de seconde main – évoque la possibilité de « crimes contre l’Humanité » dans la région.

« Chaque pays a une situation nationale différente, une histoire et une culture différentes, les droits de l’homme n’ont pas de norme universellement applicable », a rétorqué Qin Gang.

« Aujourd’hui, le Xinjiang est socialement stable, économiquement prospère, ethniquement uni, religieusement harmonieux et ses habitants vivent et travaillent dans la paix et le bonheur », a-t-il affirmé.