(Paris) Semaine cruciale pour la réforme des retraites. Pendant que les débats se poursuivent lundi au Sénat, avec l’adoption d’un « CDI seniors » c’est la veillée d’armes pour les opposants au projet-phare d’Emmanuel Macron qui veulent mettre la « France à l’arrêt » mardi, voire au-delà pour une partie d’entre eux.

À la veille d’une sixième journée d’actions qui s’annonce massive contre la réforme et son report de l’âge légal de départ de 62 à 64 ans, les Français, toujours majoritairement hostiles au projet de l’exécutif, selon les sondages, doivent se préparer à vivre 24 heures d’un pays « à l’arrêt » comme l’ont promis les syndicats. 

« Il y a un droit à manifester. Il y a un droit à faire grève. Je pense que par contre, employer des mots tels que de mettre l’économie française à genoux, ça me paraît grave », a déclaré lundi soir sur France 5 la première ministre, Élisabeth Borne, en réaction aux mots du secrétaire général de la CGT Chimie, Emmanuel Lépine.  

Les syndicats veulent faire mieux que le 31 janvier, quand la police avait recensé 1,27 million de participants et l’intersyndicale plus de 2,5 millions en France. La Confédération générale du travail (CGT) a recensé 265 rassemblements mardi.  

« J’appelle les salariés de ce pays, les citoyens, les retraités à venir manifester massivement », a dit lundi le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger.  

« Le président de la République ne peut pas rester sourd », a exhorté le leader cédétiste. Solidaires prédit un « tsunami social ».

Entre 1,1 et 1,4 million de manifestants sont attendus en France dont 60 à 90 000 à Paris avec 300 à 500 éléments radicaux et de 400 à 800 gilets jaunes, selon une source policière.  

Si l’exécutif regarde ce qui se prépare dans la rue en exhortant les opposants à la « responsabilité » comme le ministre du Travail Olivier Dussopt ou son homologue responsable des Comptes publics Gabriel Attal, il a aussi un œil sur le Sénat.

Au palais du Luxembourg, l’examen du texte a repris avec désormais un peu moins de 3000 amendements au programme d’ici à dimanche minuit.  

« À la veille d’une journée de mobilisation contre cette réforme massivement rejetée par la population […] pouvons-nous continuer à débattre comme si de rien n’était ? » a interrogé lundi, Éliane Assassi, présidente du groupe CRCE à majorité communiste.

Contre l’avis du gouvernement qui craint « un effet d’aubaine », la majorité de droite a voté un amendement des rapporteurs créant un nouveau type de contrat de travail à durée indéterminée (CDI) de « fin de carrière » pour favoriser le recrutement de salariés âgés d’au moins 60 ans. Avec ce « CDI seniors », l’employeur serait exonéré de cotisations famille.  

Les débats ont progressé à pas comptés pendant le week-end avec la suppression des régimes spéciaux pour les nouveaux entrants et la création d’un « index seniors » dans les entreprises, mais limité à celles de plus de 300 salariés.

« Nous ferons tout pour que la réforme puisse être adoptée », a dit le président des sénateurs LR, Bruno Retailleau, dont le soutien à la réforme est capital.  

« On est gentils aujourd’hui »

De très fortes perturbations sont annoncées à la SNCF et à la RATP où l’ensemble des syndicats ont appelé à la grève reconductible, à partir de mardi : 80 % des TGV et TER annulés côté SNCF tandis que la RATP n’ouvrira la plupart de ses lignes de métro qu’aux heures de pointe. Pour le ministre des Transports, Clément Beaune, il s’agira d’« une des journées les plus difficiles qu’on ait connues », et le trafic risque de rester très perturbé mercredi. Le trafic aérien sera également perturbé dans la plupart des aéroports français, en raison d’un préavis de grève relayé par plusieurs syndicats de contrôleurs aériens pour les journées du 7 et du 8 mars.

Dans l’énergie, les syndicats ont ouvert le bal des mobilisations dès vendredi avec des baisses de production dans plusieurs centrales nucléaires. La CGT a promis « une semaine noire ». Côté carburant, la CGT a également appelé à la grève reconductible dans les raffineries, avec pour objectif de « bloquer l’ensemble de l’économie ». Trois des quatre terminaux méthaniers qui permettent d’importer du gaz naturel liquéfié (GNL) en France, ont été mis à l’arrêt pour « sept jours », a aussi indiqué lundi soir la CGT Elengy.

« Quand on dit qu’on veut mettre l’économie française à genoux, ce sont des usines, ce sont des travailleurs, ce sont des Français qui travaillent », a cinglé Gabriel Attal devant les sénateurs, lundi.

Sur les routes, des barrages filtrants ont eu lieu ce lundi matin près de Lille ou Rouen.  

Dans l’éducation, le Snuipp-FSU, premier syndicat dans les écoles prévoit plus de 60 % de grévistes en maternelle et élémentaire. Organisations étudiantes et lycéennes ont donné rendez-vous le 9 pour « durcir le mouvement ».

Chantiers à l’arrêt, rideaux de magasins fermés, péages ouverts et routes bloquées font également partie de la panoplie d’actions des opposants qui entendent continuer à se faire entendre mercredi pour la Journée internationale des droits des femmes.