(Antakya) Le nouveau séisme de forte puissance dans la province turque d’Hatay (sud), la plus affectée par celui du 6 février, a semé l’effroi et pousse ses derniers habitants mardi à envisager leur départ.

La secousse de 6,4 survenue peu après 20 h heure locale la veille et dont l’épicentre a été localisé à proximité d’Antakya, déjà dévastée, a été fortement ressentie en Syrie et jusqu’au Liban et à Chypre.

Elle a fait six morts supplémentaires et plus de 300 blessés côté turc et au moins 150 blessés dans les zones rebelles du nord-ouest de la Syrie.

Au total, les récents tremblements de terre ont provoqué la mort de 42 310 personnes en Turquie et de 3688 en Syrie, soit 45 998 au total, selon les derniers bilans des autorités.

Le séisme, considéré comme une réplique de celui du 6 février par les sismologues, a fait tomber de nouveaux bâtiments et a été suivi de nombreuses répliques dont l’une de magnitude 5,8, selon l’Afad, l’agence officielle de secours.

L’Afad a comptabilisé mardi un total de 7242 répliques depuis le 6 février. À Antakya, le siège du gouvernorat s’est effondré, tandis que deux hôpitaux de la province ont dû être évacués.

« C’était comme si le sol allait s’ouvrir sous nos pieds et nous engloutir. J’ai pensé que c’était comme la fin du monde », confie mardi Ayse Altindag, 42 ans.

« Le cœur brisé »

« Mais ensuite, dans la nuit, je me suis demandé pourquoi j’étais encore là […] je me suis dit que je devrais partir. Mais, encore une fois, je n’ai pas réussi », poursuit-elle.

PHOTO ELOISA LOPEZ, REUTERS

Parmi les morts de lundi soir, figurent trois personnes qui avaient voulu retourner dans leurs appartements endommagés pour y récupérer des affaires et s’y sont fait piéger, a précisé l’Afad.

« Plus que la peur, j’ai le cœur brisé. La peur, elle va, elle vient, mais la douleur, la tristesse elles restent. Parce qu’on a tout perdu. Pas seulement la maison, nos affaires, un miroir ou une armoire, c’est notre enfance qui a disparu, nos amis, l’école, la rue […] même l’arbre où tu ramassais des fruits a disparu ».  

Parmi les morts de lundi soir, figurent trois personnes qui avaient voulu retourner dans leurs appartements endommagés pour y récupérer des affaires et s’y sont fait piéger, a précisé l’Afad qui a appelé les habitants de ces régions à ne surtout pas tenter de regagner leurs domiciles, même brièvement.

Kemal Oflazoglu s’est fait une raison : « Le toit de la maison était endommagé et on s’attendait à ce qu’il s’effondre ».  

Maintenant que c’est arrivé, « ce n’est plus un endroit habitable, ça c’est une réalité », conclut le quinquagénaire. « Il nous reste quelques affaires à régler et on va quitter la ville ».  

Selon le président Recep Tayyip Erdogan, en visite dans la province voisine d’Osmaniye (sud) mardi, un abri a été fourni à près de 1,7 million de personnes – dont 865 000 sous des tentes et 376 000 dans des dortoirs.

« Il va falloir partir »

Il a précisé que 139 000 bâtiments s’étaient effondrés, étaient gravement endommagés ou devraient être abattus d’urgence, soit 458 000 logements.

Le chef de l’État s’était rendu lundi dans la province d’Hatay, quelques heures avant la nouvelle secousse.

PHOTO SAMEER AL-DOUMY, AGENCE FRANCE-PRESSE

L’Afad a comptabilisé mardi un total de 7242 répliques depuis le 6 février.

Cette province est la seule avec celle de Kahramanmaras, plus au nord, où les recherches d’éventuels survivants et de corps sans vie se poursuivent.

Elles ont été arrêtées dimanche partout ailleurs et l’espoir de retrouver des rescapés sous les gravats est quasiment nul.

Les derniers, un couple, ont été découverts samedi.

« On n’y pensait pas forcément avant, mais c’est vrai que ça commence à s’imposer à nous : il va sans doute falloir partir qu’on le veuille ou non », constate tristement Kahraman, un habitant d’Antakya. « Mais, en vrai, il ne faudrait pas, c’est notre ville natale ».

À trois mois de la date – toujours maintenue pour le moment – du 14 mai pour les élections présidentielle et législatives, M. Erdogan, qui sera de nouveau candidat, a promis la construction de 200 000 logements dans les 11 provinces affectées.

Le phénomène des répliques de tremblements de terre

Les répliques de tremblements de terre, comme celles qui viennent de secouer à nouveau la Turquie et la Syrie, se produisent en cascade après un gros séisme. Et elles peuvent durer des mois, mais en s’espaçant au fil temps, disent les experts.

Lundi, deux séismes de forte puissance (de magnitude 6,4 et 5,8) ont frappé le nord de la Syrie et la province turque de Hatay.

Il ne s’agit pas de séismes indépendants, mais de répliques du premier choc, tout comme les milliers de secousses signalées depuis le 6 février le long de la faille anatolienne. Celles qui ont fait trembler la terre lundi ont été localisées au sud de cette faille, une zone qui n’avait pas encore rompu.

« Les répliques sont un processus physique bien connu et tout à fait “normal” », dit le sismologue Yann Klinger, directeur de recherche CNRS au sein de l’équipe de tectonique de l’Institut de physique du globe de Paris.

Un séisme est une rupture qui déstabilise dans son sillage toute la ligne de faille. Chaque séisme produit ses répliques, qui sont des « réajustements du système autour de la faille », analyse Rémy Bossu, sismologue et secrétaire général du Centre Sismologique euro-méditerranéen (EMSC-organisme scientifique qui collecte les données sismologiques dans 55 pays).

Ce réajustement peut s’étaler sur des semaines, voire des mois. « Plus le séisme est fort, plus ça va durer longtemps », souligne l’expert.

Statistiquement, les répliques les plus fortes surviennent dans les trois jours suivant le tremblement de terre – celui du 6 février, d’une magnitude de 7,8, a été suivi d’une puissante réplique de 7,5.

Mais si la magnitude a tendance à diminuer au fil du temps, « ce n’est pas systématique, et malheureusement on ne peut pas exclure de voir une réplique de 6 dans six mois », souligne Rémy Bossu.