(Bruxelles) L’enquête pour corruption présumée impliquant le Qatar s’élargit : le Parlement européen a annoncé lundi avoir lancé une « procédure d’urgence » pour lever, à la demande des autorités judiciaires belges, l’immunité de deux eurodéputés.

Les élus concernés sont l’Italien Andrea Cozzolino et le Belge Marc Tarabella, tous deux appartenant au groupe S & D (sociodémocrates), a-t-on appris de sources proches du dossier.

Tous deux sont visés dans le cadre de l’enquête qui a conduit les enquêteurs belges à arrêter le 9 décembre une vice-présidente de l’institution, l’eurodéputée socialiste grecque Eva Kaili.

Le compagnon de cette dernière, l’Italien Francesco Giorgi, qui était par ailleurs l’assistant parlementaire de M. Cozzolino, figurait également parmi les personnes interpellées, tout comme l’ex-eurodéputé socialiste italien Pier-Antonio Panzeri, et un responsable d’ONG, Niccolo Figa-Talamanca.

Ces quatre personnalités, placées en détention préventive, ont été inculpées pour « appartenance à une organisation criminelle », « blanchiment d’argent » et « corruption » au profit du Qatar, dans un scandale qui a provoqué une onde de choc au Parlement européen et des tensions entre l’émirat du Golfe et l’UE.

Mme Kaili n’a pas bénéficié de son immunité parlementaire, car l’infraction avait été constatée en flagrant délit, des « sacs de billets » étant découverts dans son appartement. Elle a été déchue le 13 décembre de son titre de vice-présidente du Parlement européen par un vote à la quasi-unanimité des eurodéputés.

En Belgique, l’enquête a donné lieu à vingt perquisitions entre le 9 et le 12 décembre, y compris au sein du Parlement européen. Le domicile de Marc Tarabella avait été perquisitionné le 10 décembre dans ce cadre, selon une source judiciaire.

Au total, les enquêteurs belges avaient mis la main sur 1,5 million d’euros en liquide, d’après une source judiciaire, saisis aux domiciles de M. Panzeri et de Mme Kaili, ainsi que dans une valise transportée par le père de celle-ci.

« Aucune impunité »

« Répondant à une requête des autorités judiciaires belges, j’ai lancé une procédure urgente pour lever l’immunité de deux membres du Parlement. Il n’y aura aucune impunité, absolument aucune », a indiqué lundi sur Twitter la présidente du Parlement européen, Roberta Metsola.

« Les responsables trouveront ce Parlement du côté de la loi. La corruption ne peut pas payer, et nous ferons tout pour la combattre », a-t-elle également indiqué.

Mme Metsola communiquera formellement cette demande aux eurodéputés lors de leur prochaine session plénière, qui débutera le 16 janvier à Strasbourg.

La commission parlementaire des Affaires juridiques (JURI) devra ensuite l’examiner, à huis clos, organiser éventuellement des auditions, et prononcer une proposition de décision, qui fera in fine l’objet d’un vote de tous les eurodéputés en plénière.

La présidente du Parlement « a demandé à tous les services et commissions de donner priorité à cette procédure, en vue de sa conclusion au 13 février », précise le communiqué.

« Depuis le début de ce dossier, Marc Tarabella répète qu’il est à la disposition de la justice et a même demandé à être entendu rapidement afin de pouvoir se défendre », a réagi lundi son avocat, Maxim Töller, dans une déclaration transmise à l’AFP.

« Il a également dit qu’il ne se cacherait pas derrière son immunité parlementaire, n’ayant rien à se reprocher. Il soutient donc sa levée d’immunité si celle-ci est demandée », a-t-il ajouté.

Dès le 12 décembre, le groupe parlementaire S & D avait décidé de suspendre Andrea Cozzolino de sa responsabilité de coordinateur, tandis que Marc Tarabella avait de lui-même suspendu son appartenance au groupe.

« Si les malversations sont avérées, nous mettrons fin à l’adhésion des personnes concernées. S & D, qui soutient l’enquête en cours, se portera partie civile et envisagera des procédures juridiques » contre les personnes impliquées, avait alors indiqué le groupe dans un communiqué.

Dans la foulée, les deux eurodéputés avaient par ailleurs été suspendus par leurs partis nationaux respectifs, le Parti socialiste belge et le Parti Démocrate italien.

Ce dernier avait annoncé le 16 décembre suspendre « à titre préventif » Andrea Cozzolino du registre de ses membres, « jusqu’à la clôture des enquêtes en cours concernant le scandale du “Qatargate” », de sorte à « protéger l’image du parti ».