En quoi 2022 peut-elle être considérée comme l’annus horribilis de Donald Trump, dont la dernière année à la Maison-Blanche a commencé par une pandémie mondiale et fini par une défaite électorale ? Parce qu’il n’était pas à la Maison-Blanche, justement, et qu’il a pu pressentir la fin de son pouvoir politique, de même que celle de son immunité judiciaire. Reste à voir comment ces visions d’épouvante se traduiront en 2023.

Le déclin politique

La conférence de presse devait avoir lieu le 6 janvier 2022 à Mar-a-Lago, un an jour pour jour après l’assaut du Capitole des États-Unis. Or, à la dernière minute, Donald Trump l’avait annulée, se rendant aux arguments de ses conseillers qui souhaitaient fixer l’attention du public sur l’impopularité de Joe Biden.

Si seulement l’ancien président avait continué à les écouter au cours des mois suivants. Si seulement il avait cessé ses jérémiades concernant l’élection présidentielle de 2020 et la Commission du 6-Janvier. Peut-être aurait-il évité de finir l’année comme un paria aux yeux mêmes de certains républicains.

PHOTO BEN GRAY, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Donald Trump et Herschel Walker, candidat défait à l’élection sénatoriale de Géorgie, lors d’un évènement partisan en septembre 2021

Il a certes remporté des batailles au cours de l’année. En mai, il a notamment pu se féliciter des victoires remportées par deux de ses recrues les plus connues, Herschel Walker et Mehmet Oz, lors des primaires républicaines tenues en vue des élections sénatoriales de Géorgie et de Pennsylvanie. À la mi-août, il a peut-être éprouvé une joie encore plus vive lorsque la représentante républicaine du Wyoming Liz Cheney, sa critique la plus féroce au sein de son parti, a perdu une primaire contre sa candidate préférée, Harriet Hageman.

Mais Cheney et les autres membres de la Commission du 6-Janvier lui ont déjà asséné un coup terrible le 19 décembre. Lors de leur dernière audition publique, ils ont unanimement recommandé que des poursuites pénales soient lancées contre lui, l’accusant de quatre crimes : appel à l’insurrection ; complot contre le gouvernement des États-Unis ; entrave à une procédure officielle du Congrès ; fausses déclarations.

PHOTO EVELYN HOCKSTEIN, ARCHIVES REUTERS

Liz Cheney (au centre) et les autres membres de la commission d’enquête parlementaire sur l’assaut du Capitole lors de leur dernière audience publique, le 19 décembre dernier

Le département de la Justice n’est aucunement tenu de tenir compte de cette recommandation. Mais elle s’ajoute à des révélations qui ont déjà convaincu de nombreux Américains que le 45e président représente une menace pour la démocratie américaine.

Lisez « L’heure de la justice a-t-elle sonné pour Trump ? »

« Au cœur de notre république est la garantie d’un transfert pacifique du pouvoir. Tous les présidents de notre histoire ont défendu ce transfert d’autorité ordonné, sauf un, a déclaré Liz Cheney le 19 décembre. Aucun homme qui se comporterait de cette façon ne peut plus jamais occuper une position d’autorité. Il est inapte à toute fonction. »

PHOTO ANDREW HARNIK, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Donald Trump annonçant sa candidature à la présidentielle de 2024, à Mar-a-Lago le 15 novembre dernier

Qu’à cela ne tienne, Donald Trump a déclaré sa candidature à l’élection présidentielle de 2024 lors d’un discours prononcé d’une voix éteinte à Mar-a-Lago, le 15 novembre, entre les résultats décevants des élections de mi-mandat et ceux du second tour de l’élection sénatoriale de Géorgie, où Walker a été défait, comme Oz l’avait été en Pennsylvanie.

Jamais une annonce de candidature présidentielle n’avait été faite par un homme ou une femme d’apparence aussi amorphe.

Donald Trump aurait pu s’en tenir à cela pour un temps afin de panser ses plaies en privé. Mais il a empiré sa situation le 22 novembre en recevant à Mar-a-Lago deux antisémites notoires, Kanye West et Nick Fuentes, ce dernier étant un négationniste de l’Holocauste. Le même jour, la Cour suprême lui a infligé un énième revers en autorisant le transfert de ses déclarations fiscales sur six ans au Congrès.

Déclarations qui ont été rendues publiques l’avant-dernière journée de l’année et dont les faits saillants sont les suivants : en 2016 et 2017, Donald Trump a versé seulement 750 $ au fisc américain, et pas un sou en 2020 ; pour une raison encore inexpliquée, ses déclarations fiscales n’ont pas fait l’objet d’un audit lors de ses deux premières années à la Maison-Blanche, contrairement à la règle ; et sa promesse de remettre son salaire de président – 400 000 $ par année – a été rompue lors de sa dernière année à la présidence.

Sur le plan politique, Donald Trump survivra peut-être à son annus horribilis. Mais, à la veille de 2023, il n’a jamais paru plus isolé, plus faible.

L’étau judiciaire

Avec le recul, le 8 août 2022 pèsera peut-être plus lourd que le 6 décembre 2022 sur l’avenir judiciaire de Donald Trump. Mais cette deuxième date a marqué un tournant.

Ce jour-là, un jury new-yorkais a désigné l’entreprise de l’ancien président comme criminelle. Son verdict est tombé à l’issue d’un procès où le chef financier de la Trump Organization, Allen Weisselberg, a reconnu son rôle dans la création d’une « culture de fraude et de tromperie ».

PHOTO JULIA NIKHINSON, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Le chef financier de la Trump Organization, Allen Weisselberg, arrivant au tribunal de New York, le 15 novembre 2022

Donald Trump n’était pas personnellement visé par ce procès. Mais il devra vivre à jamais avec ce verdict entachant la réputation de son entreprise, à moins d’une victoire en appel.

Et l’ancien président devra continuer à s’inquiéter de l’évolution d’au moins quatre autres enquêtes criminelles qui ont connu des rebondissements majeurs en 2022.

La perquisition menée par le FBI à Mar-a-Lago le 8 août est le plus retentissant de ces rebondissements. Ce jour-là, les agents fédéraux ont saisi 11 000 documents, dont 100 classifiés, qui auraient dû être remis par Donald Trump aux Archives nationales et à d’autres agences fédérales au terme de sa présidence.

PHOTO MARCO BELLO, ARCHIVES REUTERS

Mar-a-Lago, la résidence de Donald Trump en Floride, où le FBI a mené une perquisition l’été dernier

Ce manquement pourrait lui valoir d’être inculpé pour rétention de documents classifiés, entrave à une enquête fédérale ou dissimulation de dossiers gouvernementaux.

Pendant trois mois, Donald Trump a réussi à freiner cette enquête menée par le département de la Justice, en convainquant une juge fédérale de Floride de nommer un superviseur indépendant. Ce dernier devait déterminer si certains des documents saisis devaient être rendus à l’ex-président. Or, le 1er décembre, la Cour d’appel des États-Unis pour le 11e circuit a coupé court au travail du superviseur, rabrouant la juge qui l’avait nommé.

Le département de la Justice enquête aussi sur le rôle de Donald Trump dans les efforts pour invalider les résultats de l’élection présidentielle de 2020.

Cette enquête, comme l’autre, relève d’un procureur spécial, Jack Smith, nommé à ce poste par le procureur général des États-Unis, Merrick Garland, le 18 novembre.

PHOTO JIM BOURG, ARCHIVES REUTERS

Une partie de la foule attendant le discours de Donald Trump à Washington, le 6 janvier 2021, jour de l’assaut du Capitole

Le 13 décembre, dans un rebondissement troublant pour Donald Trump, Smith a cité à comparaître devant un grand jury fédéral le secrétaire d’État de Géorgie, Brad Raffensperger. Raffensperger est ce responsable électoral auquel l’ancien président avait demandé de lui « trouver 11 780 voix » lors d’un appel téléphonique enregistré, le 2 janvier 2021. Joe Biden a remporté le Peach State par 11 779 voix.

L’appel téléphonique du 2 janvier 2021 est également au cœur d’une autre enquête criminelle visant Donald Trump, menée celle-là par Fani Willis, procureure du comté de Fulton, en Géorgie. Le 22 novembre, le sénateur républicain de Caroline du Sud Lindsey Graham a été le dernier d’une série de proches alliés de l’ancien président à témoigner devant un grand jury réuni par la procureure.

PHOTO MARCO BELLO, ARCHIVES REUTERS

Donald Trump, lors d’un évènement à Miami, le 6 novembre 2022

Et puis il y a un vieux scandale qui refait surface. Le 5 décembre, le procureur de Manhattan, Alvin Bragg, a confié à Matthew Colangelo, ex-responsable du département de la Justice, la relance d’une enquête criminelle sur les affaires de l’ancien président, notamment le versement de 130 000 $ à l’actrice pornographique Stormy Daniels avant l’élection présidentielle de 2016.

Bref, l’étau s’est plus que jamais resserré autour de Donald Trump en 2022. Et l’année 2023 pourrait être celle où la loi de la moyenne se mettra à jouer contre lui sur le plan judiciaire.