Une méthode de dératisation datant de l’Antiquité refait surface en France. Écolo, oui. Mais avec quelles chances de succès ?

On connaissait les furets comme moyen de chasser les lapins. Mais pour dératiser, un peu moins.

C’est pourtant l’expérience tentée depuis quelques mois dans une demi-douzaine de villes françaises pour se débarrasser des rongeurs envahissants.

À Toulouse, La Rochelle, Limoges, Montreuil, Vincennes et maintenant Marseille, des furets, prédateurs naturels, sont désormais utilisés pour pourchasser les rats dans leurs terriers.

« Quand il y a vraiment une grande infestation, c’est très concluant. Sur Toulouse, on a attrapé 63 rats en une demi-heure », confiait récemment l’éleveur Alexandre Raynal au média France Live.

De l’Antiquité à aujourd'hui

La méthode n’est pas si neuve, en réalité. Dans l’Antiquité, les Romains se servaient de furets sur les navires pour protéger des nuisibles leurs cargaisons de grains. Mais elle semble retrouver la faveur des autorités, qui cherchent des solutions de rechange aux raticides et autres poisons qui sont plus violents, plus chimiques et susceptibles d’être ingérés par d’autres espèces.

Le principe est simple. Des furets – ou plutôt des furettes, car les femelles sont plus petites que les mâles – sont envoyés dans les galeries souterraines où ils retracent les rats à l’odeur.

Les rongeurs vont instinctivement fuir le petit prédateur et ressortir à l’air libre, où ils seront attrapés par des filets installés sur le périmètre.

Les bêtes sont ensuite placées dans de grandes cuves en plastique opaques pour « limiter leur stress », puis euthanasiées au dioxyde de carbone, ce qui « permet d’éviter la souffrance animale », ajoute l’éleveur sur France Live. L’opération est répétée 48 heures plus tard.

En France, les mairies concernées se vantent de dératiser « 100 % écolo ». « Cela permet d’utiliser le moins possible de produits chimiques. Il faut des techniques plus vertueuses pour l’environnement et tendre vers cela », argumentait Aïcha Guedjali, conseillère municipale responsable des nuisibles à Marseille, sur France Info, début novembre.

Vertueux, en effet. Et sans doute bon pour le « capital politique ». Mais jusqu’à quel point cette belle opération de « com » est-elle efficace ?

« Efficace, je ne sais pas »

Autrice du livre Les rats (éditions Delachaux Niestlé), Julie Delfour émet des réserves.

« L’argument que c’est plus naturel ou moins toxique pour d’autres animaux, je trouve ça intéressant. Ça passe sûrement un peu mieux », convient l’experte en vulgarisation scientifique.

« Mais dire que c’est efficace, je ne sais pas… La technique du furet n’est qu’une technique ponctuelle. Les gens qui les utilisent pour chasser repartent une fois que c’est terminé. Si les conditions sont bonnes sur ce territoire, les rats reviendront s’installer. Donc ça ne peut être que temporaire. »

Selon Mme Delfour, la dératisation au furet doit plutôt être vue comme un procédé « complémentaire », s’ajoutant à d’autres procédés, moins vertueux.

Elle souligne toutefois que l’éradication totale est illusoire et, surtout, « non souhaitable ». D’une part parce que les populations de rats ont tendance à s’autoréguler, ce qui vient contredire le mythe de la prolifération incontrôlée, et d’autre part parce qu’ils ont leur utilité dans l’écosystème urbain.

« Ils ont un rôle d’éboueur en ‟nettoyant” les villes de tous les déchets qu’on y met. Et ils empêchent de propager des maladies, même s’ils peuvent aussi être vecteurs de certaines. Bref, ça n’a pas que de mauvais côtés », plaide Mme Delfour.

Des doutes pour Montréal

L’emploi de furets pourrait-il être envisagé au Québec, et plus particulièrement à Montréal, où l’on note une augmentation des populations de rats (possiblement liée à un nouveau règlement municipal qui interdit les rodenticides à l’extérieur) ?

Michel Gendreau, patron d’Extermination MG, semble étonné quand on lui parle de cette méthode ancestrale. Il admet n’en avoir jamais entendu parler, mais ne semble vraiment pas très convaincu.

« Considérant qu’il y a environ 6 millions de rats dans les égouts de Montréal, je doute que la technique soit efficace. Ça marcherait peut-être mieux dans un environnement plus localisé comme une maison, dit-il. Et puis les furets, il faut les entraîner. Il faut les garder quelque part. C’est compliqué. »

Finalement, la meilleure solution se trouve peut-être en Nouvelle-Zélande.

Selon ce que rapporte The Guardian, les enfants d’une école primaire de Halfmoon Bay ont récemment été encouragés à participer à un concours de chasse aux rats. Les 40 élèves auraient pris 600 rongeurs au piège en 100 jours. L’exploit revient à un petit garçon de 5 ans, qui en aurait attrapé 60 à lui seul. Des prix auraient été distribués à l’issue de la compétition. Cœurs sensibles, ne regardez pas le reportage de la télé néo-zélandaise à ce sujet...

Visionnez le reportage « Innocent Stewart Island children catching pretty pests » (en anglais)