(Kherson) Un sentiment de soulagement l’emporte sur la joie dimanche à Kherson, dans le sud de l’Ukraine, où les habitants essaient de s’adapter à une vie nouvelle après des mois d’occupation russe.

Nombre d’habitants de la ville se plaignent que les forces russes, qui ont achevé d’évacuer la ville vendredi après huit mois de présence, y ont semé la désolation.

On pouvait voir des véhicules militaires détruits, des bâtiments mutilés, et sentir une odeur de bois brûlé dans ce port stratégique de la mer Noire, où la guerre faisait rage il y a encore quelques jours.

Selon un correspondant de l’AFP ayant pu entrer dans la cité, l’heure n’était pas aux scènes de liesse dimanche, la population exprimant plutôt un grand soulagement de voir l’occupant parti.  

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Une résidante enlace un soldat ukrainien à Kherson.

Alors que des queues s’étirent devant des postes de distribution de nourriture et d’aide d’urgence, de nombreux adultes et enfants se déplacent dans les rues enveloppés dans des drapeaux ukrainiens bleu et jaune.

Certains sont réunis sur la place principale de la ville, en vue de communiquer avec leur proches via le service internet par satellite Starlink, propriété d’Elon Musk, le patron de Tesla et Twitter.

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Le secrétaire d’État américain Antony Blinken et le ministre ukrainien des Affaires étrangères, Dmytro Kuleba

« J’ai besoin de reprendre contact avec ma famille », explique Klavdia Mych, une enseignante à la retraite âgée de 69 ans. « Nous n’avons pas d’eau depuis une semaine, ajoute-t-elle. Et ils disent que tout est miné : ça fait peur ».

Les Russes « ont tout pris avec eux. Ils ont dévalisé les magasins », dit une vendeuse de 30 ans, Viktoria Dybovska.

« Ils ont coupé [l’électricité] il y a trois ou quatre jours, juste au moment où ils commençaient à partir. Ils se sont tout bonnement volatilisés en une nuit », ajoute Antonina Vyssotchenko, 29 ans. « Dieu les punira tous pour tout ce qu’ils ont fait », lance Svitlana Vilna, 47 ans.

Sur Facebook, Oleksandr Todortchouk, fondateur de UAnimals, un mouvement pour les droits des animaux, affirme que les occupants sont partis en emmenant avec eux « la plupart des animaux du zoo en Crimée » [territoire ukrainien annexé par Moscou en 2014], des lamas aux loups en passant par les écureuils.

Après les revers militaires successifs de l’armée russe depuis l’été, le retrait russe de Kherson est une humiliation d’autant plus grande pour le Kremlin que la région de cette grande ville est l’une des quatre annexées par la Russie en violation du droit international à la suite de son invasion de l’Ukraine, le 24 février.

 « Fous de joie »

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Il s’agit du troisième repli d’ampleur russe depuis le début de la guerre, la Russie ayant renoncé au printemps à prendre Kyiv face à la résistance acharnée des Ukrainiens, avant d’être chassée de la quasi-totalité de la région de Kharkiv (nord-est) en septembre.

 « Nous sommes tous fous de joie », avait déclaré samedi soir le président ukrainien Volodymyr Zelensky, qui a aussi fait état d’importantes destructions dans la région.  

 « Avant de fuir Kherson, les occupants ont détruit toutes les infrastructures essentielles-communication, fourniture d’eau, de chauffage, électricité », a-t-il ajouté, précisant que 2000 engins explosifs avaient été neutralisés.

Selon lui, les forces armées ukrainiennes ont repris le contrôle de près de 60 localités dans la région de Kherson, qui avait été la première grande ville à tomber après l’invasion russe.

Samedi, à Pravdyné, l’un de ces villages libérés, les habitants de retour ont serré leurs voisins dans les bras, certains ne pouvant retenir leurs larmes.

 « Nous avons compris que les Russes étaient partis parce que nos soldats passaient en voiture. J’ai eu des larmes de bonheur, que finalement l’Ukraine soit libérée », dit à l’AFP Svitlana Galak, une femme de 43 ans qui a perdu sa fille de 15 ans dans un bombardement sur le village.

Son mari, Viktor (44 ans), ne veut plus entendre parler des Russes : « Nous ne voulons pas qu’ils reviennent et tirent sur tout le monde. Laissez-nous vivre comme avant ».

Ordre d’évacuation

Après huit mois d’occupation par les forces russes, les programmes de la télévision nationale sont à nouveau visibles à Kherson.  

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Une fillette tient un drapeau ukrainien lors d’un rassemblement vendredi soir sur l’emblématique place Maïdan de Kyiv.

Quelque 200 policiers ont été déployés à Kherson pour ériger des barrages et documenter « les crimes des occupants russes », a annoncé samedi le chef de la police nationale, Igor Klymenko.

Il a alerté les habitants de la ville sur la présence d’engins explosifs laissés par les forces russes, les appelant à « se déplacer avec précaution ».

Après l’évacuation de Kherson, sur la rive occidentale du Dniepr, un ordre d’évacuation vers la région russe de Krasnodar, près de la Crimée, a été lancé par les autorités locales prorusses samedi soir à l’attention de leurs employés du district de Kakhovka, sur la rive orientale du fleuve.

Dimanche, l’armée russe a continué de bâtir des défenses sur la rive gauche du Dniepr où elle s’est retranchée, selon l’armée ukrainienne.

Dans la nuit, les forces russes ont tiré des missiles S-300 missiles sur la rive droite sans faire des dommages, selon la même source.

PHOTO MAXAR TECHNOLOGIES PAR REUTERS

Une photo satellite montre un ferroviaire qui a été endommagé par les troupes russes lors de leur départ.