(Rome) L’Union européenne, rétive face à l’arrivée au pouvoir de l’extrême droite en Italie, s’est dite prête à « coopérer » avec le gouvernement eurosceptique de Giorgia Meloni, qui a prêté serment samedi et doit prendre ses fonctions dimanche.

« Félicitations à Giorgia Meloni pour sa nomination comme première ministre, la première femme à obtenir ce poste », a tweeté la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen. « Je compte sur une coopération constructive […] ».

Elle s’est réjouie sur Twitter d’avoir eu « bon premier coup de fil » avec la dirigeante italienne en ajoutant : « Nous allons travailler ensemble pour répondre aux défis critiques du moment, de l’Ukraine à l’énergie ».

Idem de la part du président du Conseil européen Charles Michel et de la présidente du Parlement européen Roberta Metsola. Mme Meloni a remercié les dirigeants européens, se disant « prête et impatiente de travailler ensemble ».

Dans la soirée, le chancelier allemand Olaf Scholz a félicité Giorgia Meloni en italien. « Congratulazioni@GiorgiaMeloni. Je me réjouis de continuer à travailler étroitement ensemble avec l’Italie, dans l’UE, l’OTAN et le G7 », a-t-il tweeté.  

Les deux autres grandes capitales européennes, Paris et Madrid, gardaient le silence.  

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Giorgia Meloni en compagnie de l’ex-premier ministre Silvio Berlusconi et du dirigeant populiste de la Ligue antimigrants Matteo Salvini

Avant le dirigeant allemand, le très conservateur premier ministre hongrois Viktor Orban, bête noire de Bruxelles, avait été l’un des seuls dirigeants européens à féliciter Mme Meloni et saluer « un grand jour pour la droite européenne ».  

« Des défis sans précédent nous attendent, c’est pourquoi nous avons besoin d’un leadership déterminé et courageux », a renchéri son homologue polonais Mateusz Morawiecki.

L’extrême droite européenne était à la fête : « Partout en Europe, les patriotes arrivent au pouvoir et avec eux, cette Europe des nations que nous appelons de nos vœux », s’est réjouie en France, l’ex-candidate à la présidentielle, Marine Le Pen.

« Au travail »

C’est au palais romain du Quirinal que Mme Meloni et ses 24 ministres — dont seulement 6 femmes — ont « juré de respecter la Constitution et les lois » devant le président Sergio Mattarella.

« Maintenant, au travail », a ensuite lancé Mme Meloni dans un tweet accompagné de la photo officielle du gouvernement.

La Romaine de 45 ans, qui a remporté une victoire historique aux législatives du 25 septembre, a réussi à donner de la respectabilité à son parti post-fasciste Fratelli d’Italia pour accéder au pouvoir exactement un siècle après Mussolini, dont elle fut une admiratrice.

La passation de pouvoir entre Mario Draghi et Giorgia Meloni est prévue dimanche matin, avant un premier conseil des ministres.  

De nombreux défis l’attendent, essentiellement économiques, à commencer par l’inflation et la dette dont le ratio est le plus élevé de la zone euro après la Grèce.

Elle dispose avec ses partenaires de coalition, le dirigeant populiste de la Ligue antimigrants Matteo Salvini et le chef déclinant de Forza Italia Silvio Berlusconi, de la majorité absolue tant à la Chambre des députés qu’au Sénat.

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Giorgia Meloni

La composition du nouveau gouvernement reflète le désir de rassurer les partenaires de Rome, inquiets face à l’arrivée au pouvoir en Italie, pays fondateur de l’Europe, du chef de gouvernement le plus à droite et le plus eurosceptique depuis 1946.

Berlusconi et Poutine

Avant les élections, Mme von der Leyen avait suscité un tollé en Italie en évoquant « les instruments » à la disposition de Bruxelles pour sanctionner d’éventuelles atteintes aux principes démocratiques de l’UE en cas de victoire de l’extrême droite.

La nomination aux Affaires étrangères, avec le titre de vice-premier ministre, de l’ex-président du Parlement européen Antonio Tajani, membre de Forza Italia, et celle de Giancarlo Giorgetti, un représentant de l’aile modérée de la Ligue, déjà ministre dans le gouvernement sortant de Mario Draghi, à l’Économie, doivent servir à rassurer Bruxelles.

La tâche de Mme Meloni s’annonce cependant ardue d’autant que sa coalition montre déjà des fissures.

MM. Salvini et Berlusconi renâclent à accepter l’autorité de Giorgia Meloni, dont le parti a remporté 26 % des voix aux élections, contre 8 % pour Forza Italia et 9 % pour la Ligue.  

Elle-même atlantiste et favorable au soutien à l’Ukraine face à la Russie, Mme Meloni a dû affronter cette semaine les propos polémiques de M. Berlusconi, qui a affirmé avoir « renoué » avec Vladimir Poutine et imputé à Kyiv la responsabilité de la guerre.

Mme Meloni a rectifié le tir en affirmant que l’Italie fait « pleinement partie et la tête haute » de l’Europe et de l’OTAN.

Un message bien reçu à Washington, Kyiv et à l’OTAN dont le secrétaire général Jens Stoltenberg a adressé ses « félicitations » à Mme Meloni. Le président américain Joe Biden a dit samedi avoir « hâte » de travailler avec elle « pour poursuivre notre soutien à l’Ukraine et faire rendre des comptes à la Russie pour son agression ».

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky s’est dit sur Twitter « impatient de continuer la coopération fructueuse ». « Vous n’êtes pas seul ! », lui a répondu Mme Meloni : « L’Italie sera toujours aux côtés du courageux peuple ukrainien qui se bat pour sa liberté et une paix légitime ».