(Londres) Liz Truss s’était décrite un jour comme une « perturbatrice en chef ». Elle aura surtout été pour ses critiques une destructrice en chef, lors de son passage éclair à Downing Street.

Après sa démission jeudi, elle restera comme la première ministre la plus éphémère de l’histoire contemporaine, avec seulement 45 jours au pouvoir, pendant lesquels elle a aggravé les difficultés économiques de millions de Britanniques, affaibli l’image de son pays à l’international et épuisé ce qui restait d’unité dans un parti conservateur affaibli après 12 ans au pouvoir.  

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À 47 ans, cette battante positionnée à droite du parti, auparavant ministre des Affaires étrangères, était arrivée au pouvoir début septembre forte d’une promesse simple : dans un contexte difficile de forte inflation et de flambée des prix de l’énergie, elle voulait relancer la croissance grâce à des baisses massives d’impôts.

Son expérience dans plusieurs ministères, sa vision optimiste avaient rassuré les militants conservateurs qui l’avaient préférée à l’ancien ministre des Finances Rishi Sunak, défenseur de l’orthodoxie budgétaire.

Mais son ambitieux plan économique annoncé le 23 septembre par son ministre des Finances Kwasi Kwarteng, qui prévoit des dizaines de milliards de baisses d’impôt, n’a pas de financement clair. Les marchés s’affolent, la livre plonge, les taux d’emprunt flambent et la Banque d’Angleterre doit intervenir.

Liz Truss ne se remettra pas de ce « mini-budget » amateur.

« J’ai compris »

En tout, elle n’a gardé le contrôle que quelques jours, entre la fin du deuil national après le décès le 8 septembre de la reine Élisabeth et la débâcle ayant suivi son « mini-budget ».  

Au congrès du parti conservateur début octobre, l’ambiance est morose, les dissensions s’exposent au grand jour. Dans une première volte-face, Liz Truss renonce à baisser le taux d’imposition des plus riches. Son autorité et son contrôle du parti semblent déjà évaporés. « J’ai compris, j’ai écouté », dit-elle alors.

Écouté peut-être, mais compris pas vraiment, s’inquiètent ses détracteurs face à cette piètre oratrice qui répète « croissance, croissance, croissance », et semble imperméable aux critiques.

Le 14 octobre, sous la pression de son parti de plus en plus inquiet, alors que des noms circulent déjà pour la remplacer, elle limoge son ministre des Finances et convoque une conférence de presse. Robotique, elle se dit « absolument déterminée » à poursuivre sa mission, explique qu’elle est allée trop loin et trop vite. Elle tourne les talons après huit minutes.

Les sondages sont catastrophiques à deux ans des élections législatives.

Le 19 octobre, alors qu’elle est huée par les députés, elle affirme « je suis une battante, pas quelqu’un qui abandonne ». Nouveau coup dur : sa ministre de l’Intérieur Suella Braverman quitte le navire gouvernemental qui sombre un peu plus chaque jour, en désaccord avec Liz Truss sur la politique migratoire.

Les appels à son départ se multiplient, l’opposition réclame des élections anticipées, les conservateurs sont désespérés.

Parcours changeant

Avant Downing Street, Mary Elizabeth Truss, casque de cheveux blonds et démarche volontaire, avait eu une carrière politique changeante.

Née le 26 juillet 1975 dans une famille très à gauche - son père est professeur de mathématiques et sa mère infirmière milite pour le désarmement nucléaire - elle manifeste enfant contre Margaret Thatcher, avant d’en devenir une admiratrice dont elle aurait voulu marcher sur les traces.

Étudiante, elle milite au sein du parti centriste libéral-démocrate. Elle appelle à l’abolition de la monarchie.

« Elle a toujours fait preuve de franc-parler, elle a toujours aimé ruer dans les brancards », se souvient Mark Littlewood, directeur de l’Institute of Economic Affairs, qui l’a rencontrée quand elle étudiait la politique et l’économie à Oxford.  

Après avoir rejoint les « Tories », au grand dam de sa famille, elle devient députée en 2010, pour la circonscription de South West Norfolk (est de l’Angleterre).

Après 2012, cette mère de deux filles enchaîne les postes dans les ministères (Éducation, Environnement, Justice, secrétaire en chef du Trésor, Affaires étrangères).

En 2016 elle vote contre le Brexit. Elle en devient ensuite une fervente partisane, négociant de nouveaux accords de libre-échange au ministère du Commerce international.

Nommée en septembre 2021 à la tête de la diplomatie britannique, elle se montre intransigeante face à l’Union européenne sur l’Irlande du Nord et incarne la fermeté contre la Russie après l’invasion de l’Ukraine.

Dans une interview à la BBC, pour essayer de sauver sa peau à la tête d’un gouvernement incapable de fonctionner, elle avait insisté le 17 octobre sur le fait qu’elle était « honnête », s’était excusée pour les « erreurs commises ». « Je voulais agir pour aider les gens », avait-elle insisté toujours déterminée à rester à Downing Street.

La presse conservatrice la traitait déjà de « fantôme », « en poste, mais pas au pouvoir ». Le chaos a mis un point final à ses ambitions.