(Ottawa) Quatre-vingt-quatre frappes de missiles. Dix-sept attaques de drones kamikazes iraniens. Une nouvelle démonstration de l’horreur que continue de semer Moscou en Ukraine, dénonce l’ambassadrice de Kyiv à Ottawa, Yulia Kovaliv, dont l’homologue russe, Oleg Stepanov, a été convoqué lundi par le gouvernement canadien.

À la lumière des bombardements meurtriers qui ont frappé le centre-ville de la capitale ukrainienne comme d’autres villes au pays, l’envoyée du président Volodymyr Zelensky au Canada implore à nouveau les alliés occidentaux de renflouer les réserves militaires ukrainiennes.

« Nous avons besoin, en particulier, de systèmes de défense aérienne et de systèmes de défense antimissile. Avec ce que [Vladimir] Poutine a fait aujourd’hui, nous avons besoin de davantage de soutien », tranche la diplomate dans un entretien des bureaux de l’ambassade d’Ukraine, dans la capitale fédérale.

Cette requête s’adresse à tous les partenaires de l’Ukraine, pas précisément à Ottawa, qui gratte ses fonds de tiroirs militaires. Que ce soit en aide financière, humanitaire ou militaire, l’important, c’est la coordination – et il y a urgence, car le Kremlin vise des infrastructures énergétiques à l’approche de l’hiver, plaide-t-elle.

PHOTO SIMON SÉGUIN-BERTRAND, LE DROIT

L’ambassadrice de Kyiv à Ottawa, Yulia Kovaliv

Nous avons prouvé que nous étions capables de libérer des territoires occupés et de sauver les gens.

Yulia Kovaliv, ambassadrice de Kyiv à Ottawa

Trois fois plutôt qu’une, elle refuse de dire si l’Ukraine est derrière l’explosion sur le pont de Crimée, une attaque taxée de « terroriste » par le président russe Vladimir Poutine.

Car ce dernier n’a pas besoin de cela pour frapper son voisin, argue-t-elle. La Russie « utilise n’importe quel prétexte pour l’escalade, manipule et désinforme pour justifier ses attaques horribles, alors ce n’est pas un sujet sur lequel je veux spéculer », s’anime la cheffe de mission sur Zoom.

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Ces résidants de Kyiv font partie des 64 blessés répertoriés par les services d’urgence lors des attaques matinales perpétrées à travers l’Ukraine.

Elle estime par ailleurs qu’il est « grand temps de désigner la Russie comme un État terroriste ». Tarder à le faire « alimentera la cruauté de Poutine », lance-t-elle avant de prendre le chemin de l’ambassade de Russie à Ottawa, où se tenait un rassemblement contre l’invasion russe.

L’ambassadeur de Russie convoqué

Le locataire des lieux, l’ambassadeur Oleg Stepanov, a été convoqué par le gouvernement canadien, lundi. La sous-ministre intérimaire Cindy Termorshuizen voulait « condamner fermement les attaques inacceptables de Poutine contre les civils à Kyiv & ailleurs en Ukraine », selon un gazouillis gouvernemental.

Ce fut aussi l’occasion de dénoncer « les résultats des référendums fictifs et la tentative d’annexion illégale de territoires ukrainiens par la Russie » et de « somme[r] la Russie de cesser immédiatement ses attaques contre l’Ukraine et son peuple », spécifie-t-on aussi.

Convoquer un ambassadeur n’est pas un geste banal en diplomatie. Dans le cas d’Oleg Stepanov, il s’agit de la troisième fois depuis le début de l’invasion russe en Ukraine, le 24 février 2022. Cela dit, il n’est toujours pas question d’expulser le représentant du Kremlin, a-t-on signalé au gouvernement canadien.

Échange Trudeau-Zelensky

À l’instar d’autres dirigeants internationaux, le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, s’est entretenu lundi avec le président Volodymyr Zelensky, dans la foulée de ces attaques « odieuses » qui « ne font que renforcer la détermination du Canada de soutenir l’Ukraine », selon un compte rendu fourni par son bureau.

Et en réaction à cette « escalade flagrante » sur le terrain, il a promis à son interlocuteur ukrainien « l’appui ferme et constant du Canada » ainsi que « son intention de poursuivre l’envoi d’aide militaire, économique et humanitaire », d’après ce même sommaire de l’entretien téléphonique.

La ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, avait tenu des propos similaires sur Twitter, assurant que le Canada allait « tenir la Russie responsable » pour ces frappes « choquantes » et « horrifiantes », et que cibler des civils était « un crime de guerre », disant avoir discuté avec son homologue ukrainien, Dmytro Kouleba.

Au cabinet de la ministre de la Défense nationale, Anita Anand, on est demeuré vague quant à la nature d’un éventuel appui supplémentaire. « Nous sommes en train d’identifier une variété d’options pour continuer à fournir à l’Ukraine une assistance militaire multiforme », a écrit lundi son attaché de presse, Daniel Minden.

Depuis février 2022, le Canada s’est engagé à accorder ou a versé 626 millions en aide pour l’Ukraine. Le gouvernement Trudeau devrait présenter plus tard cet automne une mise à jour économique et budgétaire, et il faudra donc voir s’il bonifie son aide à l’Ukraine.

Le président Zelensky a exhorté les pays du G7 à se réunir d’urgence afin de discuter des prochaines étapes. Le chancelier allemand Olaf Scholz, dont le pays assure la présidence tournante du groupe, a accédé à cette demande, selon ce qu’il a écrit sur Twitter.

Avec la collaboration de Frédérik-Xavier Duhamel, La Presse