(Stockholm) Au terme d’une journée de comptage des dernières voix, la Suède doit publier mercredi soir le résultat final de ses élections législatives ultraserrées, qui donnent jusqu’ici une majorité d’un siège pour un bloc inédit entre droite et extrême droite.

S’il se confirmait, ce résultat serait historique : jamais jusqu’ici un gouvernement suédois ne s’était appuyé au Parlement sur le parti nationaliste des Démocrates de Suède (SD), grand vainqueur des élections avec plus de 20 % des voix et le rang de deuxième parti du pays.

Les résultats finaux sont attendus au mieux en fin de journée et plus vraisemblablement dans la soirée, a indiqué à l’AFP une responsable de l’autorité électorale.

« Nous comptons d’abord les voix et nous prévoyons d’avoir les résultats prêts ce soir », a expliqué Anna Nyqvist, cheffe des opérations.

Le bloc entre les SD et la droite traditionnelle menée par le parti conservateur des Modérés d’Ulf Kristersson dispose jusqu’ici de 47 000 voix d’avance sur le bloc de gauche incluant les sociaux-démocrates de la première ministre sortante Magdalena Andersson.

Pour l’heure, le bloc de droite/extrême droite obtiendrait 175 sièges au Parlement, soit pile la majorité absolue des 349 sièges, contre 174 pour la gauche et ses alliés.

Le nombre exact de bulletins non comptabilisés, qui inclut notamment des voix de l’étranger, n’est pas connu, mais lors des dernières élections ces voix parvenues en retard avaient avoisiné les 200 000.

Peu probable qu’ils changent la donne, selon les analystes.

« Que cela puisse s’inverser et que la gauche puisse avoir la majorité, cela peut arriver, mais personne n’y croit réellement », souligne pour l’AFP Mikael Gilljam, professeur de sciences politiques à l’université de Göteborg, d’autant que les voix de l’étranger vont généralement plus pour la droite et le centre droit.

À Stockholm, plusieurs dizaines de personnes s’emploient mercredi à compter les voix à l’Hôtel de Ville, dans un des bureaux mobilisés pour finaliser les résultats.

Yeux braqués

« Tout le monde a les yeux braqués sur ces votes du Parlement », dit à l’AFP Eva Tofvesson Redz, une scrutatrice de 55 ans.

« C’est toujours important, on fait toujours très attention à ce qu’on fait. Mais il y a beaucoup d’attention médiatique, beaucoup d’attention politique, donc on prend soin de bien faire notre travail », explique cette traductrice de profession.

La forme exacte de la majorité et du gouvernement à venir est encore incertaine, tant à gauche qu’à droite.

Dans le scénario le plus probable d’une victoire des droites, un des points délicats concernera une éventuelle entrée des SD dans l’équipe gouvernementale.

Héritier d’un groupe néofasciste à sa création en 1988, le parti d’extrême droite s’est peu à peu banalisé dans le paysage politique suédois, entrant au Parlement en 2010 avec 5,7 %, puis grimpant à chaque élection, sur fond de forte immigration et de problèmes de gangs criminels en Suède.

Le parti mené par Jimmie Åkesson a l’ambition d’avoir des ministres, mais les trois partis de droite traditionnelle (Modérés, chrétiens-démocrates et Libéraux) y sont réticents.

Le scénario le plus probable selon les politologues est que SD, bien que plus gros parti des quatre, appuie seulement le gouvernement au Parlement, sans en faire directement partie.

Mais cette majorité étriquée, allant du centre droit à l’extrême droite, s’annonce bien fragile, les libéraux notamment et les SD ayant des lignes politiques très divergentes sur nombre de dossiers.

Ancien gymnaste, le probable futur premier ministre conservateur Ulf Kristersson va devoir réussir l’acrobatie de maintenir l’union des trois droites libérale, conservatrice et nationaliste, y compris dans la durée.

C’est lui qui fin 2019 avait pour la première fois envisagé un scénario de collaboration entre la droite et les SD.

« C’est une situation parlementaire difficile », résume Mikael Gilljam. « Avec un siège de marge, c’est la majorité la plus faible qu’on puisse imaginer, avec des partis qui ne s’aiment guère, comme les SD et les Libéraux ».