À la suite de résultats très serrés aux élections législatives suédoises, tenues dimanche, le bloc de la droite est aux portes du pouvoir grâce à la montée du parti Démocrates de Suède (SD), nationaliste et anti-immigration. Or, le SD est de plus en plus populaire, au point d’être devenu le deuxième parti en importance en matière de votes. Explications.

Quels sont les résultats des élections ?

Avec 20,6 % du vote populaire, le parti SD vient au deuxième rang, derrière les sociaux-démocrates (30,5 %) de centre gauche. Comme les élections sont proportionnelles et que le SD fait partie du bloc de la droite/extrême droite de quatre partis politiques, il pourrait donner le pouvoir à ce groupe. À l’heure actuelle, la répartition des sièges serait de 175 à 174 en faveur du bloc de droite. Il reste environ 5 % des bulletins à dépouiller. Les résultats sont attendus ce mercredi.

Pourquoi évoquer une montée du SD ?

Depuis sa fondation en 1988, le SD n’a cessé de gagner des votes. À la suite de l’arrivée du chef actuel, Jimmie Åkesson, à sa tête en 2005, le parti a fait son entrée au Riksdag (Parlement suédois) pour la première fois en 2010 avec 5,7 % des voix et 20 sièges. Le SD a par la suite obtenu 12,9 % des voix en 2014, 17,5 % en 2018 et 20,6 % cette année. Ce résultat lui donne 73 sièges au Parlement, contre 108 pour les sociaux-démocrates.

N’a-t-on pas associé le SD au fascisme et au nazisme ?

Oui, et aux suprémacistes blancs aussi. Mais selon Henry Milner, professeur à la retraite et chercheur invité au Département de science politique de l’Université de Montréal, le parti est devenu plus fréquentable à droite de l’échiquier politique. « Le parti est nationaliste et anti-immigration, mais il n’est pas nécessairement à droite sur d’autres questions, dit-il. Il a pris des positions plus modérées, à l’exemple de Marine Le Pen [Front national] en France. Le fait qu’il soit maintenant accepté par les autres partis de droite témoigne de ces changements. »

PHOTO FOURNIE PAR HENRY MILNER

Henry Milner

Est-ce à dire que le SD formera le prochain gouvernement et que Jimmie Åkesson deviendra premier ministre ?

Non. C’est le leader des Modérés (conservateurs), Ulf Kristersson, qui le deviendra. « Il n’est pas question que le gouvernement soit dirigé par le parti SD, affirme M. Milner, qui a enseigné plusieurs années en Suède et en a tiré un ouvrage (Participant/Observer : An Unconventional Life in Politics and Academia). Mais le parti va sans doute demander à jouer un rôle que je qualifierais de non insignifiant dans le gouvernement de centre droit si ce groupe prend le pouvoir. » M. Kristersson nommera-t-il des membres des Démocrates de Suède au Cabinet ? Ça reste à voir.

Quel est le portrait type de l’électeur du SD ?

« Je ne veux pas dire cela d’une façon trop brusque, mais il y a une dimension régionale chez ces électeurs, dit Henry Milner. Il y a un lien entre la criminalité et des tueries récemment survenues en Suède et le nombre de jeunes immigrants acceptés au cours des dernières années. Le vote SD est plus fort dans les régions où ces crimes sont plus nombreux et remarqués. Près des grandes villes comme Stockholm ou Göteborg. Mais je ne veux pas dire que c’est objectivement le cas parce qu’on ne le sait pas vraiment. C’est l’impression qu’ont les gens habitant ces régions. » Un article publié lundi dans The Guardian allait dans ce sens. On y lisait que SD « a réussi à exploiter les peurs autour des crimes violents » et que durant la campagne électorale, ce parti a fermement maintenu sa politique contre l’immigration non européenne.

Doit-on voir les résultats comme un échec de la gauche ?

En fait, les deux grands blocs s’échangent le pouvoir. La gauche a pris le pouvoir en 2014 et l’a conservé jusqu’à aujourd’hui. « Cette défaite était attendue, croit Henry Milner. N’importe quel gouvernement au pouvoir vit une période difficile avec l’inflation. En fait, le seul atout qu’avait la gauche dans cette élection était la première ministre Magdalena Andersson [Parti social-démocrate], en poste depuis quelques mois. Avec l’ancien premier ministre, probablement que le résultat de la gauche aurait été pire. »

Si la droite prend le pouvoir, l’entrée de la Suède dans l’OTAN est-elle menacée ?

Non. À la suite de l’invasion russe, le SD a pris position en faveur d’une aide militaire à l’Ukraine. En avril, il a aussi appuyé, sous conditions, le projet de candidature de la Suède à l’OTAN, après s’y être opposé. Une de ces conditions est que la Finlande adhère aussi à l’organisation. Les nationalistes suédois sont sensibles au fait que le voisin finlandais partage une frontière de 1340 kilomètres avec la Russie.

Avec The Guardian et Bloomberg

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    Nombre de votes obtenus par les Démocrates de Suède aux élections de 1991. Dimanche, ils ont obtenu près de 1,3 million de voix.
    source : Nohlen & Stöver : elections in europe a data handbook et sweden election authority