(Paris) Le président français Emmanuel Macron marque dimanche le 80e anniversaire de la rafle du Vel d’Hiv, lors de laquelle furent déportés des milliers de juifs en 1942, en inaugurant un nouveau lieu de mémoire dans une ancienne gare d’où sont partis huit convois pour Auschwitz-Birkenau.

Le chef de l’État doit se rendre en compagnie de rescapés à l’ancienne gare de Pithiviers, dans le centre de la France, pour y prononcer un « discours offensif » contre l’antisémitisme, qui « rôde encore et parfois de manière insidieuse », a annoncé un conseiller de l’Élysée.  

Il dénoncera également, selon ce conseiller, le « révisionnisme historique », notamment sur le rôle joué par le maréchal Philippe Pétain, chef du gouvernement de Vichy (1940-1944) qui a collaboré avec le régime nazi pendant la Seconde Guerre mondiale.

Emmanuel Macron sera notamment accompagné de l’historien chasseur de nazis Serge Klarsfeld et d’une rescapée des camps d’extermination, Ginette Kolinka.

La petite gare de Pithiviers où le chef de l’État est attendu vers 9 h, à une centaine de kilomètres au sud de Paris, n’accueille plus de voyageurs depuis la fin des années 1960 et vient d’être transformée en musée par le Mémorial de la Shoah.

C’est par cette gare qu’ont transité une partie des 13 000 juifs, dont 4115 enfants, arrêtés à Paris et dans sa banlieue le 16 juillet 1942 et les jours suivants, par 9000 fonctionnaires français, à la demande des Allemands.  

Ce sont 8160 d’entre eux, y compris les vieillards et les malades, qui ont été conduits au stade du Vélodrome d’Hiver, connu sous le nom de Vel d’Hiv, dans le XVe arrondissement de Paris. Avant d’être évacués vers des camps, notamment à Pithiviers.

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Des policiers enregistrent des juifs à leur arrivée à Pithiviers, en mai 1941.

Depuis la seule gare de Pithiviers, huit convois sont ensuite partis vers les camps d’extermination, transportant plus de 8000 déportés, ce qui en fait le deuxième site de déportation français après celui de Drancy, près de Paris. Quelques dizaines d’adultes seulement survivront.

« Cette gare, c’est le lieu où l’évènement français devient génocide européen. […] C’est un lieu de mémoire unique en France », affirme Jacques Fredj, directeur du Mémorial de la Shoah.

« L’irréparable »

Le site de 400 m2, qui appartient toujours à la compagnie des chemins de fer SNCF, est en particulier destiné aux enfants des écoles. « C’est une priorité face à la montée de l’antisémitisme, du racisme et des complotismes », explique M. Fredj.  

Une des salles retrace « la litanie des huit convois » vers le camp d’Auschwitz-Birkenau, projetant sur des écrans géants les photos de déportés assassinés.

Parallèlement, la première ministre Élisabeth Borne a assisté dimanche matin à la traditionnelle cérémonie sur le site de l’ancien Vélodrome d’Hiver à Paris.

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La première ministre Élisabeth Borne

« Il y a 80 ans, la France se perdait et commettait l’irréparable », a déclaré Mme Borne, pour qui « ces jours de juillet, comme lors des rafles qui ont suivi, la France a perdu un peu de son âme ».

« Le courage consiste à la reconnaître et à la commémorer », a-t-elle poursuivi, ajoutant que « le combat contre l’antisémitisme ne s’arrête jamais ».  

Dans son discours, d’une vingtaine de minutes, Emmanuel Macron devrait affirmer que « le combat continue » contre l’antisémitisme, en suivant « le chemin que le président Chirac avait tracé ».

Après 50 ans de silence des autorités françaises, le président d’alors Jacques Chirac avait reconnu en 1995 la responsabilité de la France dans la rafle du Vel d’Hiv, dans un discours historique. « La France, ce jour-là, accomplissait l’irréparable », avait-il lancé.

En juillet 2012, le président François Hollande avait été plus loin en déclarant que « ce crime fut commis en France, par la France ».  

Puis en 2017, Emmanuel Macron, nouvellement élu président, avait réaffirmé, pour le 75e anniversaire de la rafle, la responsabilité de la France et prononcé un plaidoyer contre l’antisémitisme en présence du premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou.

Mais aujourd’hui « la société française n’en a pas fini avec l’antisémitisme », souligne l’Élysée, en mettant aussi en avant la « banalisation de débats » autour du régime de Vichy.