Il avait promis de débarrasser la France de ses extrêmes. C’est raté. Les élections législatives de dimanche ont plutôt consacré la montée de la gauche radicale et de l’extrême droite, privant Emmanuel Macron de la majorité absolue dont il avait besoin pour gouverner.

« C’est une raclée pour Emmanuel Macron, c’est une déception immense et une défaite que personne dans les rangs du pouvoir n’avait pronostiquée », résume d’emblée Caroline Vigoureux, journaliste politique à l’Opinion.

La coalition présidentielle Ensemble ! n’obtient en effet que 245 sièges sur 577, soit 44 de moins que les 289 nécessaires à la majorité absolue. Une victoire en forme de défaite pour le camp macroniste, qui avait remporté plus de 350 sièges en 2017.

PHOTO LUDOVIC MARIN, AGENCE FRANCE-PRESSE

Emmanuel Macron, président de la République française

La NUPES (pour Nouvelle Union populaire écologique et sociale), coalition de gauche créée par le chef de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, occupe pour sa part la deuxième place avec 131 sièges, tandis que le Rassemblement national de Marine Le Pen effectue une percée historique avec 89 députés. Onze fois plus qu’en 2017 !

PHOTO MICHEL EULER, ASSOCIATED PRESS

Jean-Luc Mélenchon, fondateur de la NUPES, lors d’un discours le soir du second tour des législatives

Cette Assemblée nationale fragmentée, voire « ingouvernable », selon divers médias, donnera clairement des maux de tête au président et à sa première ministre, Élizabeth Borne, qui se retrouve dans une position fâcheuse et dont l’opposition réclame déjà la tête.

Car le tandem se trouvera confronté à deux ailes hostiles et peu enclines au compromis, dont les vues sont diamétralement opposées sur des questions aussi diverses que l’environnement, les retraites, l’immigration, le pouvoir d’achat, l’Europe ou l’OTAN.

Le Macron du premier quinquennat avait les mains libres pour faire passer ses réformes, mais c’est terminé. Cette fois, l’Assemblée nationale va être un chaudron. Chaque projet de loi sera le sujet d’âpres négociations. Ce sera un bazar généralisé comme la Ve République n’en a pas connu.

Caroline Vigoureux, journaliste à l’Opinion

Comment le président s’y prendra-t-il pour mener son vaste champ de réformes ? C’est bien la question.

Caroline Vigoureux fait remarquer que les coalitions postélectorales ne sont pas dans l’ADN de la culture politique française ni dans celui de la Macronie, d’ailleurs.

Mais ce nouveau gouvernement n’aura pas le choix de mettre de l’eau dans son vin s’il souhaite mener à bien une partie de son programme, sans être mis en difficulté par les oppositions.

Il n’est pas exclu, entre autres scénarios, que la Macronie se tourne vers les 61 députés du parti de droite Les Républicains (LR), avec lequel elle possède certaines affinités, notamment sur le plan économique.

« Il n’y a pas de désaccords insurmontables entre eux. Il n’y a que quelques sujets sur lesquels il suffit de ne pas agir, comme les réformes sociétales plus progressistes, difficilement compatibles avec une alliance avec la droite traditionnelle », fait remarquer le politologue Thomas Guénolé.

Le prix des erreurs

La contre-performance du parti présidentiel, dimanche, peut s’expliquer par l’usure du pouvoir, le sentiment de défiance inspiré par la politique macronienne et le vent de « dégagisme » qui continue de souffler sur la France.

Mais pour les experts, Emmanuel Macron paie surtout le prix d’erreurs tactiques qui contredisent sa réputation de fin stratège. En menant une campagne sous le radar, dans l’espoir de surfer sur ses acquis, le président s’est privé du nouveau souffle qui aurait pu faire la différence.

C’était aussi sans compter sur la dynamique NUPES menée par Jean-Luc Mélenchon. Il semble toutefois que ce bloc de gauche inédit (verts, socialistes, communistes, La France insoumise) ne se prolongera pas au-delà du scrutin : malgré les appels de Mélenchon à créer un « groupe unique » à l’Assemblée, chacun semblait lundi vouloir reprendre ses billes.

Fort de son score sans précédent, le Rassemblement national pourrait de son côté s’imposer comme le groupe principal de l’opposition à l’Assemblée. Un dénouement pour le moins inattendu, qui consacre la normalisation de l’extrême droite en France

PHOTO JOHANNA GERON, REUTERS

Le Rassemblement national, dont on voit sur la photo la cheffe, Marine Le Pen, a plus que décuplé son résultat des législatives précédentes.

« Ce sont incontestablement les grands gagnants de cette élection parce qu’ils font coup double », observe le politologue Jean Petaux.

Objectivement, Marine Le Pen passe de 8 à 89 députés, cela ne s’est jamais vu. Symboliquement, elle fait exploser le fameux plafond de verre, qui faisait croire que le RN sans allié ne pourrait jamais réussir un score conséquent aux législatives.

Jean Petaux, politologue

Soulignons qu’avec 245 députés, la coalition présidentielle obtient la majorité relative la plus basse de l’histoire de la Ve République. Un score nettement plus faible que les 275 députés dont disposait François Mitterrand de 1988 à 1993, qui lui avait permis de gouverner en cherchant des soutiens tantôt à gauche, tantôt à droite, et à grand renfort de l’article 49-3.

Le tandem Macron/Borne pourrait vouloir pousser l’usage de ce dispositif permettant de contourner le Parlement pour faire passer un texte de loi. Mais contrairement à l’époque de Mitterrand, qui l’avait brandi 39 fois, son utilisation est aujourd’hui limitée à une fois par session, outre le budget.

Bref, la Macronie n’est pas sortie du bois.

En savoir plus
  • 46,23 %
    Taux de participation au 2e tour des législatives
    38,6 %
    Pourcentage de votes obtenus par la coalition Ensemble !
  • 31,6 %
    Pourcentage de votes obtenus par la coalition NUPES
    17,3 %
    Pourcentage de votes obtenus par le Rassemblement national