Trois mois jour pour jour après le début de l’invasion à grande échelle de l’Ukraine par la Russie, le conflit est actuellement dans « sa phase la plus active ».

C’est ce qu’a déclaré le porte-parole du ministère ukrainien de la Défense, Oleksandr Motuzyanyk, dans une allocution télévisée mardi.

« Nous assistons maintenant à la phase la plus active de l’agression de grande envergure que la Russie a déployée contre notre pays. La situation sur le front de l’Est est extrêmement difficile, car le sort de notre pays se joue peut-être là, maintenant », a-t-il dit.

La situation sur le terrain dans la région de Louhansk, dans l’est de l’Ukraine, où l’armée russe a réalisé des progrès ces derniers jours, se dégrade rapidement, a déclaré mardi le gouverneur régional Serguiï Gaïdaï.

La situation est très difficile et, malheureusement, elle ne fait que s’aggraver. Elle empire de jour en jour, d’heure en heure.

Serguiï Gaïdaï, gouverneur de la région de Louhansk, dans une vidéo sur sa chaîne Telegram

Les forces russes tentaient mardi d’encercler les troupes ukrainiennes dans les villes de Sievierodonetsk et de Lyssytchansk.

« Les bombardements sont de plus en plus intenses » et « l’armée russe a décidé de détruire complètement Sievierodonetsk », a indiqué M. Gaïdaï.

Dans le Louhansk, il est maintenant trop tard pour que des milliers de civils soient évacués, a ajouté M. Gaïdaï. Pas moins de 15 000 personnes se trouveraient encore à Sievierodonetsk, ville qui comptait plus de 100 000 habitants avant la guerre. Réfugiés dans des abris souterrains, les citoyens tentent d’échapper aux bombardements continus de l’armée russe.

« L’intensité des tirs contre Sievierodonetsk s’est démultipliée, [les forces russes] détruisent la ville », a dit M. Gaïdaï, évoquant une possible répétition du scénario qui s’est joué à Marioupol, où des centaines de soldats ukrainiens ont dû se rendre après des mois de bombardements russes qui ont essentiellement détruit la ville.

Dmytro Kuleba, ministre ukrainien des Affaires étrangères, a décrit les affrontements comme « la plus grande [offensive] sur le sol européen depuis la Seconde Guerre mondiale ».

La Russie s’est dite mardi bien déterminée à atteindre « tous ses objectifs » en Ukraine. « Les objectifs fixés par le président [russe Vladimir Poutine] seront remplis », a assuré le secrétaire du Conseil de sécurité de Russie, Nikolaï Patrouchev, proche de M. Poutine, selon l’AFP.

« On sent la fatigue »

Michael Horowitz, chroniqueur pour Euronews et analyste travaillant pour Le Beck, entreprise de conseils en sécurité et en géopolitique établie au Moyen-Orient, remarque que le conflit ne donne aucun signe de vouloir prendre fin, bien au contraire.

« Après trois mois de guerre, on sent des deux côtés que la fatigue commence à s’installer et que les offensives sont bien plus localisées, dit-il en entrevue. On est passé d’une guerre que Moscou voulait éclair à une guerre d’attrition à laquelle la Russie n’était manifestement pas préparée. »

Cela ne veut pas dire que l’Ukraine est en train de gagner le conflit pour autant, nuance M. Horowitz.

« Le risque est de retomber dans un conflit presque statique, un enlisement, si l’on ne donne pas les moyens à l’Ukraine de passer, au moment opportun, à l’offensive et de récupérer ses territoires perdus. Or, contrairement au conflit qui a duré de 2014 à 2022, celui-là aura des conséquences bien plus lourdes sur les deux adversaires, mais aussi sur l’économie mondiale. Un conflit long n’est pas moins dangereux dans ce cas qu’une guerre éclair. »

200 corps découverts à Marioupol

Synonyme des pires horreurs de l’invasion, la ville portuaire de Marioupol a révélé hier un autre morceau du drame humain qui s’y est joué lorsque 200 corps ont été découverts dans le sous-sol d’une tour d’habitation.

« Environ 200 corps ont été trouvés dans le sous-sol d’un immeuble près d’une station-service de banlieue, sous les débris, avec un haut degré de décomposition », a écrit sur le réseau Telegram Petro Andriushchenko, conseiller du maire de la ville. La ville est actuellement sous contrôle russe, et les occupants n’ont pas voulu déplacer les corps, a-t-il ajouté.

Au moins 21 000 personnes ont été tuées pendant le siège de Marioupol, selon les autorités ukrainiennes, qui ont accusé la Russie de tenter de dissimuler le nombre de civils tués en faisant venir des équipements de crémation mobiles et en enterrant les morts dans des fosses communes.

État d’urgence en Hongrie

Parallèlement, la Hongrie a déclaré un « état d’urgence » en réponse à la guerre de la Russie en Ukraine, a annoncé mardi le premier ministre Viktor Orbán, ce qui permet au gouvernement nationaliste de droite de promulguer des lois par décret sans contrôle parlementaire.

Dans une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux, M. Orbán a déclaré que la guerre en Ukraine représentait « une menace constante pour la Hongrie » qui « met en danger [la] sécurité physique [des Hongrois] et menace la sécurité énergétique et financière de [l’]économie et [des] familles ».

Le gouvernement d’Orbán a été accusé d’éroder les libertés démocratiques en Hongrie depuis son arrivée au pouvoir en 2010 et d’utiliser les ressources de l’État pour asseoir son pouvoir.

Avec l’Agence France-Presse

Ce qu’il faut savoir

  • L’idée de morceler l’Ukraine pour apaiser le Kremlin ne plaît pas à 82 % de la population ukrainienne, selon un nouveau sondage.
  • Des procureurs ukrainiens ont ouvert une enquête pour crimes de guerre au sujet d’une attaque russe contre le parc d’attractions Gorki, à Kharkiv.
  • Les États-Unis ont décidé de mettre fin à une exemption permettant à Moscou de payer ses dettes en dollars.
  • Le dissident emprisonné Alexeï Navalny a vu sa demande d’appel rejetée par un tribunal russe. Il a dit mardi que la guerre lancée par Poutine était « stupide » et qu’elle se solderait par « une défaite historique ».