(Kyiv) Une journaliste russe a été tuée mercredi dans un bombardement sur un quartier nord-ouest de Kyiv, la capitale ukrainienne de plus en plus sous la pression de l’artillerie russe et des tirs de roquettes.

Oksana Baulina a péri dans l’explosion d’une roquette pendant qu’elle filmait les dommages causés par une précédente frappe sur un centre commercial de l’arrondissement de Podil, selon un communiqué de son média en ligne « The Insider ».

Un autre civil a été tué et deux personnes qui accompagnaient la journaliste ont été blessées.

Avant de rejoindre The Insider, Mme Baulina était productrice pour une fondation de lutte contre la corruption dans son pays, classée comme « organisation extrémiste » par les autorités.  

La journaliste avait dû quitter la Russie et continuait à travailler pour The Insider, pour lequel elle s’était rendue en Ukraine en tant que correspondante, selon son média.

« Nous continuerons à couvrir la guerre en Ukraine, y compris les crimes de guerre russes de même que les bombardements aveugles sur les zones d’habitation qui provoquent la mort de civils et de journalistes », a ajouté The Insider, un média en ligne indépendant fondé en 2013 par le journaliste et militant Roman Dobrokhotov et qui a désormais son siège à Riga, la capitale de la Lettonie.

Depuis le début de l’invasion russe en Ukraine le 24 février, au moins six journalistes dont trois étrangers ont été tués dans le pays : un cameraman franco-irlandais de Fox News et une Ukrainienne qui l’accompagnait, un documentariste américain, deux autres journalistes ukrainiens et Oksana Baulina.

Au moins deux attaques à la roquette ont visé mercredi des zones d’habitation du nord-ouest de Kyiv.

La première, dans la matinée, a fait quatre blessés et des dégâts étendus sur tout un quartier proche de celui visé dans l’après-midi, a constaté l’AFP sur place, au milieu d’une nuée de journalistes, omniprésents au moindre incident dans la ville.

Une maison a été détruite et incendiée, plusieurs immeubles ont été grêlés d’éclats et leurs vitres soufflées par la frappe, très vraisemblablement une salve de roquettes.

Depuis le début de l’invasion, 73 civils, dont quatre enfants, ont été tués et près de 300 blessés, selon un dernier bilan de la mairie.

« Cible de l’agresseur »

Alors que les combats font rage en périphérie nord-ouest et est de la capitale, les bombardements russes en ville restaient jusqu’à présent relativement sporadiques et semblaient se concentrer sur des objectifs militaires.  

À l’image du missile qui a frappé dimanche soir un centre commercial d’un autre quartier nord-ouest, où les forces ukrainiennes dissimulaient pièces et munitions d’artillerie, a affirmé Moscou.

Des parties de missiles, abattus par la défense antiaérienne ukrainienne, ont toutefois fait des dégâts sur des immeubles et causé des pertes civiles.

Des drones « kamikazes » ou larguant des bombes sont également employés par l’armée russe au-dessus de Kyiv, hérissée de points de contrôle, tranchées et postes de combat aménagés à tous les coins de rue.

Les sirènes d’alarme appelant à se mettre aux abris résonnent à intervalles réguliers, le plus souvent en début de soirée ou au petit matin. Mais aucun avion de chasse russe ne survole la ville, qui s’est vidée de près de la moitié de ses 3,5 millions d’habitants, selon son maire.

Commerces ouverts, supermarchés normalement approvisionnés, embouteillages… il règne en ville une étrange atmosphère, mélange de normalité et de tension guerrière, en pleine psychose contre les « saboteurs » infiltrés, au son du canon dans le lointain.

Les tirs de roquettes répétés de ce mercredi sur des zones habitées, en ville, pourraient indiquer un changement de paradigme dans la capitale, tandis que l’armée russe pilonne d’autres cités sur le territoire ukrainien, faisant de nombreuses victimes civiles.

Si l’avancée des forces russes vers Kyiv a été stoppée, notamment autour des localités d’Irpin, de Boutcha, de Gostomel et de Lioutij ainsi que Brovary, la « cible de l’agresseur » reste « la capitale, le cœur de notre pays », a prévenu mercredi son maire Vitali Klitschko, au cours d’une conférence de presse dans un parc du centre-ville.

La zone d’Irpin était d’ailleurs le jour même le théâtre d’intenses échanges d’artillerie, a-t-on constaté, avec une forte activité à l’arrière du front.

« Notre message aux Russes : quittez notre pays, rentrez chez vous. […] Nous sommes prêts à défendre chaque immeuble, chaque rue, chaque recoin de notre ville. Toute la ville a désormais des postes de combat », a prévenu M. Klitschko.

« Partout dans le pays, l’armée russe détruit les infrastructures civiles, tue les civils […]. Nous estimons que cela peut se passer dans notre ville », s’est-il alarmé.