(La Haye) Le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) a annoncé lundi l’ouverture d’une enquête sur la situation en Ukraine, évoquant des « crimes de guerre » et des « crimes contre l’humanité ».

Kiev avait la veille accusé la Russie devant la Cour internationale de justice (CIJ), le principal organe judiciaire des Nations unies, de planifier un génocide en Ukraine. La CIJ tiendra des audiences les 7 et 8 mars dans cette affaire.

Voici cinq questions clés sur la Russie, l’Ukraine et le droit international :

La Russie a-t-elle enfreint le droit international ?

Oui. La Russie a enfreint l’article 2(4) de la Charte des Nations unies, qui interdit le recours à la force au niveau international, déclare Geoff Gordon, chercheur principal à l’Institut Asser de droit international et européen ayant son siège à La Haye (Pays-Bas).  

« L’utilisation de la force militaire russe n’est pas inconnue » en Ukraine, a ajouté Philippe Sands, un professeur de droit international travaillant au Royaume-Uni.  

Mais « aujourd’hui […] des règles existent pour nous protéger de telles actions, reflétées dans la Charte des Nations unies, ce que nous avons de plus proche d’une Constitution internationale », a écrit M. Sands dans le Financial Times.  

« Ce sont les engagements les plus importants de la Charte que (le président russe Vladimir Poutine) a mis à la poubelle », a-t-il déclaré.

Quels tribunaux peuvent juger les affaires liées à l’Ukraine ?

L’Ukraine a saisi la CIJ, qui organisera des audiences sur sa compétence, affirme M. Gordon.  

Les tribunaux nationaux peuvent par ailleurs juger des affaires liées à la violation du droit international, ajoute-t-il.  

La Russie pourrait également être traduite devant la Cour européenne des droits de l’homme, que Kiev a saisie, pour violation des droits de la personne.  

L’Ukraine n’a pas signé le Statut de Rome, le traité fondateur de la CPI, mais elle a en 2014 officiellement reconnu la compétence de la cour pour les crimes commis sur son territoire.

La Russie s’est quant à elle retirée de la CPI, de sorte que la cour ne peut pas poursuivre les individus russes sur le sol russe, mais uniquement s’ils sont arrêtés sur le territoire d’un État qui reconnaît sa compétence.

Des individus peuvent-ils être tenus pour responsables ?

Oui. La CPI poursuit les personnes accusées des pires atrocités commises dans le monde, notamment les génocides, les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité.  

Les individus peuvent également être jugés par des tribunaux nationaux.  

Cependant, même la CPI ne peut poursuivre le crime d’agression – l’attaque d’un État contre un autre planifiée par un dirigeant politique ou militaire – si ce pays n’a pas ratifié le Statut de Rome, ce qui est le cas de la Russie et de l’Ukraine.  

M. Sands a cependant suggéré de créer un tribunal pénal international dédié aux agressions russes contre l’Ukraine.

Quelle est la suite ?

La CIJ – qui statue sur les différends entre pays – décidera d’abord si elle est compétente pour traiter le fond de l’affaire.  

Selon Cecily Rose, professeure adjointe de droit international public à l’Université de Leyde (Pays-Bas), des audiences et une décision de la CIJ pourraient intervenir dans les semaines qui viennent, voire même avant, compte tenu de « l’urgence ».

Quant à la CPI, elle pourrait émettre des actes d’accusation si les juges estiment qu’elle est compétente et qu’il y a suffisamment de preuves, ou si un État membre renvoie directement l’affaire devant cette juridiction.

Quels effets ?

Difficile à dire, selon les experts.  

La CIJ, dont les décisions sont définitives et sans appel, « ne dispose pas d’un mécanisme d’exécution classique » pour les faire respecter, relève M. Gordon.  

De même, la CPI n’a pas de forces de police propres et doit compter sur les États membres pour procéder à des arrestations.

« D’un autre côté, nous assistons à la mobilisation d’un certain nombre de mécanismes plus ou moins coordonnés destinés à punir la Russie pour livrer une guerre illégale », comme les sanctions économiques, les restrictions de voyages et l’annulation d’évènements sportifs, observe M. Gordon.  

« Un jugement de la CIJ pourrait jouer un rôle dans de telles actions à l’avenir », estime-t-il.