(Bruxelles) Les ministres européens de l’Intérieur ont soutenu dimanche à une « grande majorité » le projet d’octroyer une protection temporaire aux Ukrainiens fuyant l’offensive russe, qui pourraient se chiffrer par « millions ».

Jusqu’à présent 300 000 Ukrainiens sont arrivés dans l’UE, selon la Commission européenne, dont la moitié en Pologne selon Varsovie.

Les ministres réunis en urgence ont discuté de la possibilité d’apporter une protection temporaire à ces Ukrainiens, en recourant à une directive de 2001, qui leur permettrait de séjourner jusqu’à trois ans dans l’UE et d’y travailler.  

« J’ai constaté une très grande majorité pour que nous puissions très rapidement utiliser cette possibilité », a déclaré le ministre français Gérald Darmanin, dont le pays exerce la présidence du Conseil de l’UE, lors d’une conférence de presse à l’issue de la réunion.

La plupart des Ukrainiens qui arrivent ont des passeports biométriques et peuvent rester sans visa pendant 90 jours dans l’UE, mais il faut être prêt pour ce qui se passe après cette période, a souligné la commissaire européenne Ylva Johansson, chargée des Affaires intérieures, estimant qu’il fallait se préparer à des « millions » d’arrivées.

Elle a précisé que la plupart des Ukrainiens ayant fui dans l’UE étaient hébergés par des proches et qu’un « nombre limité » avait déposé une demande d’asile.

Ils se rendent dans des pays accueillant déjà une importante population d’origine ukrainienne, citant la Pologne, l’Italie, le Portugal, l’Espagne, l’Allemagne, la République tchèque.

« Moment historique »

« Je pense qu’il est temps d’activer la directive de protection temporaire », a-t-elle déclaré.  

Ce régime, institué en réponse au conflit en ex-Yougoslavie mais qui n’a jamais été utilisé, prévoit l’octroi d’une protection temporaire en cas d’afflux massif de personnes déplacées, et des mesures pour répartir entre pays de l’UE l’effort d’accueil de ces populations.

Cette protection temporaire confère des droits équivalents dans tous les États membres, notamment celui de travailler, a précisé la commissaire.

Le recours à cette directive était notamment réclamé par la Belgique. Nous sommes à « un moment historique pour l’Union européenne, un moment où on doit prendre des décisions courageuses », avait plaidé le secrétaire d’État belge à l’asile et la migration, Sammy Mahdi.  

Cette proposition doit être entérinée par une majorité qualifiée au Conseil, soit un minimum de 15 États membres sur 27 représentant au moins 65 % de la population européenne.

Lors de la réunion, la grande majorité des ministres se sont exprimés sur cette question et la plupart y étaient très favorables, a précisé la commissaire, ajoutant que certains se demandaient toutefois s’il ne fallait pas attendre.

Mme Johansson prépare une proposition pour activer ce dispositif, afin de la présenter au prochain conseil des ministres des Affaires intérieures prévu jeudi.

Gérald Darmanin a indiqué que l’adoption de cette proposition serait à l’ordre du jour et qu’il allait d’ici là contacter les pays qui ont exprimé « des réserves ».

Quelque 368 000 réfugiés ont fui les combats en Ukraine depuis l’invasion russe déclenchée jeudi, selon les Nations unies. Le HCR estime qu’une aggravation du conflit pourrait pousser « jusqu’à 5 millions de personnes à fuir » l’Ukraine.

Ylva Johansson se rendra lundi matin à la frontière entre la Roumanie et l’Ukraine pour évaluer les besoins, puis à la frontière slovaque.

L’UE doit se préparer à une crise humanitaire aux « proportions historiques » en Ukraine, a averti le commissaire européen chargé de la gestion des crises Janez Lenarcic. « Nous assistons à ce qui pourrait devenir la plus grande crise humanitaire sur notre continent depuis de très nombreuses années », a-t-il ajouté.

Il a indiqué que depuis 2014 (date de l’annexion de la Crimée), l’UE apportait à l’Ukraine 25 millions d’euros par an en moyenne d’aide humanitaire.

« En vue de la hausse exponentielle des besoins, nous avons décidé de plus que tripler cette allocation, à 90 millions d’euros, qui sera notre contribution à l’appel d’urgence de l’ONU » imminent, a-t-il dit.