La Russie a attaqué l’Ukraine au nord, au sud et à l’est. Voici trois endroits où la guerre a pris une tournure particulière.

L’aéroport

Jeudi, un commando russe a pris le contrôle de l’aéroport de Gostomel (Hostomel), au nord-ouest de Kiev. L’armée ukrainienne a repris l’aéroport le même jour, mais vendredi, un assaut russe important par hélicoptère a fini par avoir raison de la résistance ukrainienne.

Pourquoi était-il si important pour la Russie de prendre cet aéroport ?

« La Russie a probablement quatre objectifs », explique Ben Connable, politologue du groupe de réflexion RAND qui a dirigé en 2020 une étude sur l’invasion russe de 2014 en Ukraine. « Elle veut empêcher les Ukrainiens de s’en servir. Ensuite, elle veut s’en servir pour ses hélicoptères et ses avions, et aussi pour y acheminer des troupes aéroportées. Enfin, prendre un aéroport est un symbole important dans la conquête d’une ville, on l’a vu en 1991 avec l’aéroport de Koweït et en 2003 avec celui de Bagdad. »

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Aéroport international de Boryspil, au sud-est de Kiev, jeudi

La Russie a aussi attaqué à plusieurs reprises vendredi l’aéroport de Boryspil, au sud-est de Kiev, qui accueille les vols internationaux de passagers et a reçu en janvier et en février des cargaisons d’armes occidentales.

L’aéroport de Gostomel pourrait aussi servir de quartier général pour diriger la conquête de Kiev, selon Jeffrey Edmonds, politologue du Center for a New American Security, qui participait vendredi matin à un forum virtuel sur la stratégie militaire russe. « J’ai été surpris de voir que les Russes envoyaient aussi rapidement des troupes en Ukraine, au lieu de bombarder les cibles pendant plusieurs jours », dit M. Edmonds pour expliquer la contre-attaque ukrainienne de jeudi à Gostomel. « À mon avis, ils n’ont pas assez de missiles et ils ont fait preuve d’un optimisme démesuré quant à leur capacité à convaincre l’armée ukrainienne de se rendre. »

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L’An-225, plus gros avion-cargo du monde

À noter : l’aéroport de Gostomel, qui est réservé aux cargos, est aussi appelé Antonov parce que ce constructeur d’avions y teste ses modèles. Le plus gros avion-cargo du monde, l’An-225, y est stationné, et des rumeurs sur des sites d’amateurs d’aviation indiquaient vendredi qu’il avait été détruit. Un seul exemplaire de l’An-225 a été construit, pour transporter la navette spatiale soviétique Buran.

L’île

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L’île des Serpents, en mer Noire

L’île des Serpents est un avant-poste de l’Ukraine en mer Noire. La côte est à 30 km et la ville la plus proche est roumaine et non ukrainienne. Jeudi, elle est entrée dans la légende militaire ukrainienne.

Le président Volodymyr Zelensky a accordé le titre de « héros » aux 13 gardes-frontières qui sont morts dans un bombardement russe de l’île d’un demi-kilomètre de diamètre, qui n’a pas d’autres habitants.

« Navire de guerre russe, allez vous faire foutre », aurait dit un soldat à l’officier russe qui demandait à la garnison ukrainienne de l’île des Serpents de se rendre, sous peine d’être bombardée.

La Russie nie qu’il y ait eu des morts et affirme que la garnison ukrainienne s’est rendue sans combattre.

L’île a été le théâtre d’une autre bataille, en 1788, entre la Russie et l’Empire ottoman, qui appelait l’île Fidonisi. La bataille de Fidonisi, entre deux flottes totalisant une centaine de navires, s’est soldée par un match nul.

L’île des Serpents était dans l’Antiquité appelée « île d’Achille » à cause d’un temple dédié au héros, qui a été détruit dans les années 1840 quand les Russes y ont construit un phare. Les Russes l’avaient conquise en 1829 lors d’une autre guerre avec l’Empire ottoman.

Tchernobyl

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Vue de la centrale de Tchernobyl, en 2018

Tchernobyl, site de l’accident nucléaire de 1986, est à deux heures de route au nord de Kiev, près de la frontière biélorusse. La zone est située sur la route d’invasion des forces russes. L’ex-centrale nucléaire a ainsi été capturée jeudi, et l’Ukraine a signalé des taux anormalement élevés de radioactivité à cause du départ de ses techniciens.

L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a senti la soupe chaude et a décidé vendredi de calmer les esprits. « L’AIEA estime que les relevés de l’organisme de réglementation – jusqu’à 9,46 microsieverts par heure – sont faibles et restent dans la plage opérationnelle mesurée dans la zone d’exclusion depuis sa création, et qu’il n’y a donc aucun danger pour le public », a indiqué l’organisme viennois dans un communiqué.

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Soldat ukrainien lors d’exercices dans la ville fantôme de Pripiat, près de la centrale de Tchernobyl, le 4 février dernier

L’augmentation de la radioactivité pourrait être due au passage de « véhicules militaires lourds » ayant remué les sols contaminés, a indiqué l’Ukraine à l’AIEA.

La Russie a indiqué que les techniciens ukrainiens qui s’occupaient de la sécurité du site nucléaire étaient toujours en poste et collaboraient avec les militaires russes. La Maison-Blanche a pour sa part déclaré à la BBC que les techniciens ukrainiens avaient été « pris en otages » par les Russes.

Une zone d’exclusion de 32 km interdit toute activité humaine autour de l’ancienne centrale. Le réacteur qui a explosé en 1986 a été isolé et les trois autres réacteurs de la centrale ont été mis hors service en 2000.