(Kiev) Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a présenté samedi son pays comme le « bouclier de l’Europe » face à la menace d’une invasion russe, au moment où Moscou a procédé à une nouvelle démonstration de force avec des tirs d’essai de missiles hypersoniques, en pleine crise russo-occidentale.  

« Depuis huit ans, l’Ukraine a été un bouclier. Depuis huit ans, l’Ukraine retient l’une des plus grandes armées au monde qui est massée à nos frontières et pas à celles » de l’UE, a lancé le dirigeant ukrainien depuis la Conférence sur la sécurité de Munich en Allemagne.

Il a appelé ses alliés occidentaux à cesser toute politique « d’apaisement » avec Moscou, accusé par Washington et Kiev d’avoir massé 150 000 soldats aux frontières orientales ukrainiennes.

Alors que les tensions vont crescendo depuis deux mois, le chef de l’OTAN Jens Stoltenberg a estimé sur la chaîne allemande ARD que « tous les signes indiquent que la Russie prévoit une attaque complète » de l’Ukraine.

« Nous sommes tous d’accord pour dire que le risque d’une attaque est très élevé », a ajouté M. Stoltenberg alors que l’OTAN venait d’annoncer dans la soirée le transfert de son personnel présent en Ukraine de Kiev à Lviv, dans l’ouest du pays, et à Bruxelles.

Le président français Emmanuel Macron a néanmoins confié que M. Zelensky l’avait assuré de sa « volonté de ne pas riposter aux provocations » russes, alors que les incidents armés se multiplient entre Kiev et les séparatistes prorusses dans l’est de l’Ukraine.

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Le président biélorusse Alexandre Loukachenko et son homologue russe, Vladimir Poutine

Les séparatistes, qui accusent Kiev de vouloir les attaquer, ont annoncé samedi une « mobilisation générale » des hommes en état de combattre, après avoir ordonné la veille l’évacuation de civils vers la Russie voisine.

S’ajoutant à cela, le président Vladimir Poutine a supervisé personnellement samedi des exercices « stratégiques » avec des tirs de missiles « hypersoniques », de nouvelles armes que le chef du Kremlin a précédemment qualifiées « d’invincibles » et pouvant porter des charges nucléaires.

Vladimir Poutine est apparu au côté de son homologue biélorusse Alexandre Loukachenko lors d’une réunion par visioconférence avec ses généraux coordonnant les tirs. Selon le Kremlin, ces derniers se sont déroulés avec succès et ont impliqué des bombardiers Tu-95 et des sous-marins.

Calendrier « clair »

Vendredi soir, le président américain Joe Biden s’était déclaré « convaincu » que Vladimir Poutine avait décidé d’envahir l’Ukraine, et que la multiplication des heurts visait à créer une « fausse justification » pour lancer une offensive dans « la semaine », voire les jours à venir.

« Nous sommes convaincus que le président Poutine a pris sa décision », a répété samedi le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken au quotidien allemand Süddeutsche Zeitung.

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Le secrétaire d’État des États-Unis Antony Blinken

Des déclarations d’« hystérie propagandiste et médiatique », a balayé le ministre cubain des Affaires étrangères Bruno Rodriguez, en soutien à la Russie : « nous nous opposons fermement à l’expansion de l’OTAN aux frontières de ce pays frère », a-t-il dit sur Twitter.

Washington affirme laisser la porte ouverte au dialogue et une rencontre entre M. Blinken et son homologue russe Sergueï Lavrov est prévue le 24 février.

Le Kremlin continue de nier toute intention d’attaquer l’Ukraine voisine, pays pro-occidental que le Kremlin veut faire revenir dans sa sphère d’influence.  

Moscou conditionne la désescalade à des « garanties » pour sa sécurité, comme le retrait d’Europe de l’Est de l’infrastructure militaire de l’OTAN et l’assurance que l’Ukraine n’adhèrera jamais à l’Alliance atlantique, des demandes inacceptables pour les Occidentaux.

Depuis Munich, Volodymyr Zelensky a réaffirmé son souhait que Kiev entre dans l’OTAN, réclamant un calendrier d’adhésion « clair et réalisable ».

Il a également relancé sa proposition de rencontrer Vladimir Poutine, déjà faite en 2021, mais restée lettre morte.

Le premier ministre britannique Boris Johnson a lui appelé « à l’unité » des alliés occidentaux, tandis que la vice-présidente américaine Kamala Harris a promis un renforcement de l’OTAN dans l’Est de l’Europe en cas d’attaque russe et des sanctions « sévères et efficaces ».

Signe d’inquiétudes croissantes, Berlin et Paris ont appelé samedi leurs ressortissants à quitter l’Ukraine. La compagnie aérienne allemande Lufthansa, et sa filiale autrichienne Austrian Airlines, ont annoncé la suspension de leurs vols vers les villes ukrainiennes de Kiev et Odessa à partir de lundi et jusqu’à la fin du mois.

« De plus en plus chaud »

Sur le front, dans l’est de l’Ukraine, les combats ont redoublé. Kiev et les séparatistes soutenus par Moscou s’accusent mutuellement d’envenimer ce conflit qui a fait plus de 14 000 morts depuis 2014.

Kiev a annoncé la mort de deux de ses soldats lors de ces affrontements. Des obus de mortiers sont aussi tombés non loin du ministre de l’Intérieur ukrainien, Denys Monastyrsky, en visite sur le front, sans faire de victimes, selon des correspondants de l’AFP.

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Des soldats ukrainiens s’entraînent à bord d’un char d’assaut.

Les observateurs de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) ont affirmé samedi avoir constaté une « augmentation spectaculaire » des violations du cessez-le-feu, avec un total de 1566 infractions en 24 heures, un record cette année.

« C’est de plus en plus chaud », a confié à l’AFP un soldat ukrainien de 26 ans, Andriï, posté près du front.  

Moscou a soutenu samedi qu’un tir ukrainien était tombé en territoire russe, près de la frontière ukrainienne, sans faire de victimes. Des informations démenties par Kiev.

La région russe de Rostov, frontalière de l’Ukraine, a déclaré l’état d’urgence pour faire face à un possible afflux de réfugiés en provenance des zones séparatistes.  

Le ministre russe par intérim des situations d’urgence, Alexandre Tchouprian, est arrivé dans la région pour superviser l’arrivée des évacués. Il a affirmé que ces derniers ont commencé à recevoir une aide financière de 10 000 roubles, selon les agences russes.

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Des citoyens ukrainiens sont évacués en Russie à Debaltseve, un territoire prorusse.

Selon les derniers chiffres des séparatistes, plus de 22 000 personnes ont été évacuées en Russie, chiffre faible pour des zones où vivent plusieurs centaines de milliers de personnes.

« On a décidé d’aller chez la grand-mère (en Russie) où c’est calme, on a eu notre dose en 2014, on ne veut pas attendre jusqu’au dernier moment », a déclaré à l’AFP Elena Sokela, une habitante de la « république » séparatiste de Donetsk arrivée samedi matin côté russe avec son fils.