(Kiev) Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a regretté lundi que son homologue et allié américain Joe Biden rencontre Vladimir Poutine avant lui, à deux jours du premier sommet entre les dirigeants américain et russe à Genève.  

« Il aurait été préférable que la rencontre (avec Biden, NDLR) ait lieu avant le sommet entre les deux présidents », d’autant que l’Ukraine sera au menu des négociations, a déclaré M. Zelensky dans une interview d’une heure accordée à trois agences de presse internationales, dont l’AFP.

M. Zelensky, costume sombre et cravate noire, a assuré ne pas s’attendre à ce que le sommet débouche sur une solution dans la guerre contre les séparatistes prorusses dans l’est du pays, qui a fait plus de 13 000 morts depuis son déclenchement en 2014.  

Moscou est largement considéré comme leur parrain militaire, malgré ses dénégations.

« Il est impossible de décider à la place de l’Ukraine, voilà pourquoi il n’y aura pas de résultat concret », a affirmé M. Zelensky, 43 ans, dont deux en poste.  

Le président Biden, dont le pays est un soutien clé de Kiev, l’a récemment invité à la Maison-Blanche en juillet, tout en réaffirmant « son engagement sans faille envers la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Ukraine ».

Le Pentagone a également annoncé vendredi avoir accordé une nouvelle tranche d’assistance militaire à Kiev de 150 millions de dollars.

Rencontre avec Poutine « inévitable »

M. Zelensky a par ailleurs accusé lundi le président russe de « retarder » une possible rencontre entre eux. Les deux pays sont à couteaux tirés depuis l’annexion par Moscou de la péninsule ukrainienne de Crimée et le début de la guerre dans l’est ukrainien.

Fin avril, M. Zelensky avait proposé à Vladimir Poutine une rencontre dans la zone de conflit, au moment où une hausse des violences sur le front et des exercices militaires russes près de la frontière ukrainienne suscitaient, à Kiev et en Occident, les craintes d’une escalade.

Le Russe avait répondu être prêt à accueillir son homologue à Moscou « à n’importe quel moment » s’il était question des relations bilatérales, mais avait renvoyé Kiev vers les séparatistes pour parler de la guerre avec les séparatistes.

« Je pense que ma rencontre avec le président russe est inévitable », a cependant insisté M. Zelensky.  

La Russie avait massé en avril près de 100 000 soldats à la frontière ukrainienne et en Crimée provoquant des avertissements de l’OTAN. Moscou avait ensuite annoncé un retrait, mais les Occidentaux et Kiev ont soutenu que ce dernier était limité.  

Selon M. Zelensky, plus de 90 000 soldats russes se trouvent toujours autour de l’Ukraine. « Le risque d’une escalade persiste », a-t-il prévenu.  

« Injuste »

Le président ukrainien a aussi insisté sur la volonté de son pays d’adhérer à l’OTAN, malgré les réticences de l’Alliance qui craint qu’une telle adhésion n’attise les tensions avec Moscou. Elle exige aussi que Kiev réforme davantage son armée.  

« Nous montrons chaque jour que nous sommes prêts à être dans l’Alliance, et ce davantage que la plupart des pays de l’Union européenne, car cela fait sept ans que nous sommes en guerre », a soutenu M. Zelensky.

Selon lui, si l’OTAN n’accepte pas prochainement la candidature de Kiev, le soutien des Ukrainiens pourrait faiblir.

« Quand tu te frappes la tête contre le mur pendant sept ans en disant “vous voyez bien que c’est la guerre, soutenez-nous” et que la réponse est seulement “nous soutenons votre volonté”, alors […] d’ici quelques années, cette volonté peut fléchir », a mis en garde le dirigeant ukrainien.

Amer, M. Zelensky a regretté une « fatigue » des Occidentaux concernant les problèmes ukrainiens, les accusant d’être « injustes » envers son pays, qu’il s’agisse de son ambition de rejoindre l’Union européenne, de la distribution des vaccins contre la COVID-19 ou de l’aide financière du Fonds monétaire international (FMI).

Au lieu de conditionner un soutien occidental à des réformes, « tout le monde doit être plus flexible et comprendre que nous sommes en guerre et que nous protégeons la démocratie en Europe », a-t-il martelé.