(Londres) Plus de 25 ans après une interview de Lady Di explosive pour la monarchie britannique, un rapport indépendant a dénoncé jeudi les méthodes « trompeuses » employées par le journaliste Martin Bashir pour l’obtenir, conduisant la BBC à présenter des excuses.

Diffusé dans l’émission Panorama en 1995 devant 23 millions de personnes, l’entretien avait propulsé la carrière de Martin Bashir, aujourd’hui âgé de 58 ans, et avait fait l’effet d’une bombe.

PHOTO FREDERICK M. BROWN, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Le journaliste Martin Bashir a falsifié des documents pour obtenir une interview explosive en 1995 avec la princesse Diana.

La princesse, décédée en 1997 dans un accident de voiture à Paris, poursuivie par des paparazzis, avait notamment affirmé qu’il y avait « trois personnes » dans son mariage – en référence à la relation que Charles entretenait avec Camilla Parker Bowles – et reconnaissait entretenir elle-même une liaison.  

PHOTO PA, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Camilla Parker-Bowles, à gauche, et Lady Diana Spencer (qui allait devenir la princesse Diana) sont vues à l’hippodrome de Ludlow sur cette photo du 24 octobre 1980.

Elle avait aussi confié souffrir de boulimie. Mais l’intervieweur a été accusé d’avoir falsifié des documents pour obtenir cet entretien.

Dans son rapport, l’ancien juge de la Cour suprême John Dyson confirme cette version et étrille la BBC pour sa gestion d’une affaire qu’elle traîne comme un boulet depuis des années.

« Par son comportement trompeur, M. Bashir a réussi à organiser la réunion qui a conduit à l’entretien », indique le rapport rendu par un ancien juge de la Cour suprême, John Dyson.

Dans un communiqué, le directeur général de la BBC, Tim Davie, a dit « accepter les conclusions » de cette enquête.

PHOTO GOUVERNEMENT CANADIEN, ARCHIVES LA PRESSE

Le Prince Charles et Lady Diana lors d’une visite au Canada en 1983.

« Bien que le rapport indique que Diana, princesse de Galles, était favorable à l’idée d’une interview avec la BBC, il est clair que le processus d’obtention de l’interview n’a pas été à la hauteur de ce que le public est en droit d’attendre. Nous en sommes vraiment désolés », a déclaré M. Davie.

Le frère de Diana, Charles Spencer, avait affirmé que Martin Bashir lui avait montré des relevés de compte – qui se sont révélés faux – prouvant que les services de sécurité payaient deux personnes à la Cour pour espionner sa sœur. C’est ce qui l’avait poussé, selon lui, à présenter le journaliste à Lady Di.

« Choix personnel »

« En montrant au comte Spencer ces fausses déclarations […] M. Bashir l’a trompé et l’a incité à organiser une rencontre avec la princesse Diana », indique le rapport, dénonçant une « grave infraction » aux règles éditoriales de la BBC.  

« C’était stupide et une action que je regrette profondément », a réagi Martin Bashir, qui vient de quitter le groupe public, dans un communiqué.  

Le journaliste a toutefois affirmé que ces relevés de compte n’avaient pas joué de rôle déterminant dans le « choix personnel » de Diana de répondre à ses questions.

Il a salué « la décision courageuse de la princesse de raconter son histoire, de parler courageusement des difficultés auxquelles elle a été confrontée » : « Elle a ouvert la voie en abordant un si grand nombre de ces problèmes et c’est pourquoi je resterai toujours immensément fier de cette interview ».

Le prince William, fils aîné de Diana et Charles, a réagi en faisant savoir qu’il croyait profondément que cette interview de l’émission Panorama n’avait « plus aucune légitimité et ne devrait plus jamais être rediffusée ».

« C’est infiniment triste de savoir à quel point les manquements de la BBC auront alimenté les peurs, la paranoïa et la solitude des dernières années que j’ai passées avec elle », a-t-il ajouté dans un communiqué.

Son cadet le prince Harry a également condamné les « pratiques » de la BBC. « L’effet d’entraînement de cette culture d’exploitation et des pratiques contraires à toute éthique aura fini par lui ôter la vie », a-t-il expliqué dans son communiqué.  

Le rapport critique aussi l’enquête interne de la BBC, en 1996, sur les conditions de l’interview.  

La BBC « n’a pas respecté les normes exigeantes d’intégrité et de transparence qui sont sa marque de fabrique », fustige le rapport, soulignant que le groupe audiovisuel public n’avait ni approché Charles Spencer pour lui demander sa version des faits, ni mis en doute l’honnêteté de M. Bashir.

L’ancien directeur général, Tony Hall, qui était directeur de la rédaction au moment de l’interview, s’est excusé, reconnaissant que l’enquête interne « était bien en deçà » des standards requis.  

Il a reconnu avoir eu « tort de donner à Martin Bashir le bénéfice du doute ».

Après cette interview, Martin Bashir avait poursuivi sa carrière aux États-Unis avant de revenir au Royaume-Uni travailler pour la BBC, jusqu’à sa démission.  

Outre Lady Di, il avait aussi interviewé Michael Jackson pour un documentaire réalisé en 2003 pour ITV.  

La pop star aujourd’hui décédée s’était plainte auprès du régulateur audiovisuel britannique, accusant Martin Bashir d’avoir donné une image déformée de son comportement et de sa conduite en tant que père.

Mi-mai, la BBC avait annoncé le départ pour raisons de santé de Martin Bashir, qui était chargé depuis 2016 de la couverture religieuse pour le groupe audiovisuel public.