(Tirana) Le premier ministre sortant Edi Rama semblait lundi en passe de remporter un troisième mandat à la tête du gouvernement albanais, selon les résultats préliminaires officiels des élections législatives qui créditent son Parti socialiste de la victoire.

Ce scrutin crucial pour les rêves européens de l’Albanie, petit pays pauvre des Balkans, mettait aux prises Edi Rama et une opposition aussi hétéroclite que déterminée à le faire chuter, réunie derrière le Parti démocrate (centre droit).

La communauté internationale observe de très près les opérations électorales survenues après une campagne houleuse. Celles-ci ont valeur de test du bon fonctionnement des institutions politiques fragiles d’un pays qui frappe à la porte de l’Union européenne depuis sept ans.

L’opposition a crié victoire à peine le vote terminé, mais, selon les résultats partiels publiés par la Commission électorale centrale (CEC), le PS a remporté près de 49 % des voix.

D’après ces chiffres qui portaient lundi soir sur le dépouillement dans deux tiers des bureaux, les démocrates et leurs alliés ont obtenu quelque 39 % des suffrages, tandis que le MSI (Mouvement socialiste de l’intégration), fondé par le président Ilir Meta, farouche adversaire d’Edi Rama, en a recueilli environ 7 %.

Selon les médias locaux, les socialistes pourraient cependant ne pas atteindre la majorité absolue des 71 sièges dont ils ont besoin pour gouverner seuls. Les analystes appellent à la prudence en attendant les scores finaux des partis attendus mardi.

Insultes

Edi Rama, un artiste-peintre et ancien joueur de basket âgé de 56 ans qui dirige le gouvernement depuis huit ans, a posté sur Facebook une photo du lever du soleil accompagnée de ces mots : « Quelle aube à Tirana ! »

Taxé d’autoritarisme, Edi Rama a réclamé du temps pour finir des projets d’infrastructures entravés par la pandémie et continuer de reconstruire les milliers de logements détruits par un séisme meurtrier fin 2019.

Il a également lancé une campagne de vaccination massive contre la COVID-19, qui doit permettre l’immunisation d’ici fin mai de 500 000 des 2,8 millions d’Albanais et la relance de l’industrie touristique durement touchée par la crise sanitaire.

Ses adversaires l’accusent de tous les maux-liens avec le crime organisé, trucage des élections précédentes, mise en coupe réglée de l’économie et des institutions.

L’intéressé dément tout en bloc et affirme que le camp adverse a peur d’une réforme de la justice qui vise depuis quatre ans à nettoyer un système malade de sa corruption.

Le scrutin s’est déroulé sans problème majeur, mais la campagne électorale a été émaillée d’insultes personnelles, d’accusations de corruption et de violences. Un militant socialiste a été abattu dans une fusillade avec des démocrates qui accusaient le camp adverse d’achats de voix.

Depuis la fin du communisme en Albanie au début des années 1990, les résultats électoraux sont systématiquement contestés et donnent lieu à des soupçons de fraudes.

« Respecter l’intégrité »

Le président Meta a demandé aux électeurs de ne pas se laisser « démoraliser » : « Toute voix dans les urnes doit être comptée et recomptée jusqu’à la fin ».

De leur côté, les démocrates affirment avoir gagné. « La victoire de l’alliance pour le changement est indiscutable », a assuré leur patron Lulzim Basha.

Les capitales occidentales ont appelé toutes les parties au calme dans l’attente des scores finaux.

« Les leaders politiques doivent attendre patiemment et calmement les résultats », a lancé l’ambassadrice des États-Unis Yuri Kim.

Bruxelles a dit oui à l’ouverture de négociations d’adhésion avec l’Albanie, mais sans fixer de date.  

Tous les partis avaient promis de mener à leur terme les changements demandés par l’UE pour ouvrir les pourparlers, à commencer par la réforme du système judiciaire et la lutte contre la criminalité organisée.

Pour les ONG internationales, l’Albanie figure parmi les pays les plus corrompus du continent européen.

Le salaire moyen n’est que de 420 euros, le chômage reste élevé, et les jeunes cherchent massivement leur salut dans l’émigration en Italie, en Allemagne ou aux États-Unis.

« On est fatigué, les jeunes font des études pour trouver du travail, les promesses suivent et après on n’obtient rien », se lamente Mariela Sherrja, une experte en finances de 26 ans. « La seule chose qu’on veut, c’est du travail pour bâtir un meilleur avenir ».