(Paris) Une pléthore de candidats, des sondages qui s’affolent, des lignes qui se brouillent. À six mois de la présidentielle, la scène politique française peine à se mettre en place et à offrir des perspectives, au risque de lasser des électeurs déjà désenchantés ou de raviver le « dégagisme ».

Cinq ans après la folle présidentielle de 2017, qui avait vu l’élection d’un quasi-inconnu, Emmanuel Macron, et le dynamitage des partis politiques traditionnels, peu se risquent à prédire à quoi va ressembler l’élection d’avril 2022.

Sur le plan des candidats, d’abord. Ils sont déjà une trentaine à se bousculer sur la ligne de départ, dont une partie seulement obtiendra les 500 parrainages d’élus nécessaires pour concourir à l’élection. Et paradoxalement, ceux dont on parle le plus ne se sont pas encore déclarés.

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Éric Zemmour, qui bénéficie d’une immense attention médiatique, mord chez les électeurs d’extrême droite ayant des doutes sur la cheffe du parti Rassemblement national, Marine Le Pen, mais aussi sur une partie de la droite traditionnelle, et impose l’immigration et l’insécurité comme des thèmes principaux de la campagne électorale.

Emmanuel Macron, sauf coup de théâtre, devrait briguer un second mandat et à ce stade, les sondages donnent tous sa présence au second tour de la présidentielle.

Gestion de la pandémie

« Malgré un quinquennat pourri, marqué par la crise des Gilets jaunes et la crise sanitaire, il a regagné des couleurs », relève pour l’AFP la politologue Adelaïde Zulfikarpasic, de l’institut BVA, dont le dernier baromètre donnait 46 % de bonnes opinions au chef de l’État, notamment pour sa gestion de la pandémie.

Mais le remake de son duel de 2017 avec la cheffe d’extrême droite Marine Le Pen, annoncé depuis des mois, et sur lequel misait M. Macron pour assurer sa réélection, n’est désormais plus une certitude. Cette configuration a été bousculée par l’irruption dans le jeu d’un éditorialiste d’extrême droite, Éric Zemmour, qui, bien que pas encore candidat, passe devant Mme Le Pen dans les derniers sondages.

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La cheffe du parti d’extrême droite Rassemblement national, Marine Le Pen, a récemment été doublée dans les sondages par le polémiste Éric Zemmour, dont les obsessions identitaires et les saillies radicales contre l’islam et l’immigration accaparent depuis des mois le débat public français.

La droite dite « gaulliste », traumatisée par l’échec retentissant de son candidat François Fillon en 2017, est empêtrée dans des querelles internes pour la désignation de son candidat, qui ne sera pas connu avant le 4 décembre au terme d’une primaire interne. Ils sont 5 à briguer l’investiture, dont le président de la région des Hauts-de-France (nord) Xavier Bertrand et l’ex-négociateur de l’Union européenne face au Royaume-Uni lors des négociations du Brexit, Michel Barnier.

Nombreux candidats aussi à gauche, entre la maire socialiste de Paris Anne Hidalgo, l’écologiste Yannick Jadot, le radical Jean-Luc Mélenchon… qui se disputent le leadership d’un camp divisé pesant moins de 30 % dans les sondages.

Le « dégagisme » ou l’attrait du nouveau

Cette scène politique fragmentée, l’affaiblissement des partis politiques traditionnels et le brouillage idéologique peuvent raviver la flamme du « dégagisme » et la quête de « nouvelles figures » qui avait bénéficié en 2017 à M. Macron, selon Mme Zulfikarpasic. Mais celles-ci se portent désormais sur Éric Zemmour, dont les obsessions identitaires et les saillies radicales contre l’islam et l’immigration accaparent depuis des mois le débat public français.

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La mairesse de Paris Anne Hidalgo a été désignée candidate du parti socialiste.

Le polémiste, qui bénéficie d’une immense attention médiatique, mord chez les électeurs d’extrême droite ayant des doutes sur Mme Le Pen, mais aussi sur une partie de la droite traditionnelle, et impose l’immigration et l’insécurité comme des thèmes principaux de la campagne électorale.

Sur le thème du pouvoir d’achat, principale préoccupation des Français, les candidats multiplient les promesses concernant des hausses de salaire, des baisses de taxes, voire un blocage des tarifs au moment où flambent les prix du gaz et de l’essence en France.

Mais ces propositions, la plupart du temps non chiffrées ou irréalisables, risquent également d’alimenter la méfiance vis à vis du personnel politique.

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Le chef du parti d’extrême gauche La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon.

Concernant les questions environnementales, qui constituent une des préoccupations majeures des jeunes électeurs, le sujet est relativement peu abordé en dehors du camp écologiste.

Un des enjeux de l’élection sera de « voir s’il est encore possible de réconcilier la volonté de s’engager, qui est présente chez de nombreux citoyens, et le vote. Aujourd’hui, l’engagement ne passe plus par le politique », constate Mme Zulfikarpasic.

Un constat déjà dressé par l’ex-candidat socialiste à la présidentielle de 2017, Benoit Hamon, qui a signé une défaite historique de la gauche avec 6 % des voix. Annonçant son retrait de la vie politique le mois dernier dans un entretien au Monde, il jugeait qu’en matière de féminisme ou d’écologie, le mouvement #metoo ou la mobilisation citoyenne avaient eu plus d’impact que « vingt ans d’action institutionnelle classique » ou que « la totalité des ministres de l’Écologie réunis ».