(Bruxelles) L’UE ne doit pas s’engager dans la modernisation de l’Union douanière et l’octroi de visas avec la Turquie si le président Recep Tayyip Erdogan continue dans sa dérive autocratique, a estimé vendredi le chef de la diplomatie du Luxembourg Jean Asselborn dans un entretien à l’AFP.

« La direction prise par la Turquie est très inquiétante. Le président Erdogan va tout droit vers l’autocratie et n’est pas prêt à normaliser ses relations avec l’UE », a-t-il soutenu, au lendemain des mots forts du chef du gouvernement italien Mario Draghi qui a qualifié le président Erdogan de « dictateur ».

« Autocrate »

« Il faut faire attention aux mots », a jugé Jean Asselborn qui préfère qualifier le président turc d’« autocrate ».

Ministre des Affaires étrangères depuis 2004, Jean-Asselborn, connu pour son franc-parler, dresse un constat sévère de l’évolution de la Turquie depuis l’ouverture des négociations d’adhésion avec Ankara en 2005, à laquelle il a contribué. Il assure que son analyse est partagée par plusieurs de ses homologues de l’UE.

Le régime « bafoue les droits fondamentaux, élimine politiquement les Kurdes et tous ceux qui ne pensent pas comme lui, refuse aux femmes la protection de la Convention d’Istanbul, votée en 2011 par le parlement turc, accuse-t-il. L’évolution de la Turquie me conduit à dire attention. L’Union européenne ne doit pas pour l’instant faire la faute politique de parler Union douanière et visas ».

« Pour rester fort, Erdogan a besoin de l’UE, de son économie », estime encore M. Asselborn.

« On ne peut pas accorder des visas aux hommes d’affaires turcs pour venir commercer dans l’UE et accepter les violences faites aux femmes. Ce serait un signal catastrophique », explique-t-il.

« Ne pas couper les ponts »

L’UE et la Turquie cherchent à renouer leurs relations après une année de tensions. Les dirigeants de l’UE ont décidé en mars de répondre à la volonté d’apaisement affichée par le président Erdogan par une reprise « progressive, conditionnelle et réversible » de leur coopération avec la Turquie.

Une analyse de la situation leur sera soumise lors de leur sommet en juin et des annonces pourraient être faites concernant la modernisation de l’Union douanière, la reprise du dialogue à haut niveau suspendu en 2019 sur certains sujets comme la sécurité, l’environnement, la santé, et l’octroi de certaines facilités de visas pour les ressortissants turcs.

Si Erdogan ne change pas, « l’UE ne peut pas accepter le rapprochement », estime le Luxembourgeois, tout en mettant en garde contre une rupture : « il ne faut pas couper les ponts avec la Turquie, car tous les Turcs ne pensent pas comme Erdogan et n’acceptent pas sa politique ».