L’Ukraine a engagé des poursuites devant la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) contre la Russie qu’elle accuse d’avoir effectué des « opérations d’assassinats ciblés d’opposants présumés » parmi lesquels Alexeï Navalny et Sergueï Skripal.

L’annonce a été faite par la CEDH par voie de communiqué.

Outre Navalny — opposant numéro un au Kremlin — et Skripal — un ex-agent double — les noms de Boris Nemtsov, abattu à Moscou en 2015, de Zelimkhan Khangochvili, un Géorgien d’origine tchétchène tué à Berlin en 2019, et de la journaliste russe Anna Politkovskaïa, assassinée à Moscou en 2006, figurent sur la longue liste des cas mentionnés dans le dossier, selon le service de presse de la Cour, interrogé par l’AFP.

PHOTO YURI SENATOROV, KOMMERSANT, VIA ARCHIVES AFP

L’ancien agent double russe Sergueï Skripal a été empoisonné en mars 2018, à Salisbury. On le voit ci-haut dans la cage d'un tribunal russe, lors de son procès pour haute trahison à Moscou, en 2006.

« Nous avons essayé de couvrir tous les cas pour lesquels il existe des preuves solides de l’implication russe », a écrit sur sa page Facebook, Ivan Lichtchyna, le vice-ministre ukrainien de la Justice.

L’Ukraine « n’est pas obligée de justifier son lien » avec les évènements cités dans la plainte, a-t-il également avancé dans une interview au site Evropeïska Pravda.

PHOTO KIRILL KUDRYAVTSEV, ARCHIVES AGENDE FRANCE-PRESSE

L'opposant à Vladimir Poutine Boris Nemtsov, un ancien dirigeant du régime russe, lors d'une manifestation anti-Poutine à Moscou en septembre 2015.

Selon lui, certains meurtres ont été commis en Ukraine dont les assassinats de deux responsables du renseignement ukrainien tués par des bombes placées dans leurs voitures en mars et juin 2017. « Il s’agit d’assassinats systémiques de personnes considérées comme ennemis de la Russie », a-t-il fait valoir.

La requête, déposée vendredi, vise des assassinats perpétrés « en Russie et sur le territoire d’autres États, y compris d’autres États membres du Conseil de l’Europe, en dehors d’une situation de conflit armé », a précisé dans son communiqué la Cour qui siège à Strasbourg.

Cette « requête interétatique », une procédure par laquelle un État en poursuit un autre devant la CEDH, est la neuvième introduite par l’Ukraine contre la Russie, quatre étant toujours en cours d’examen par le bras judiciaire du Conseil de l’Europe dont ces deux pays sont membres, toujours selon la CEDH.

PHOTO JEAN LUC BERTINI, AGENCE OPALE, ARCHIVES LA PRESSE

La journaliste Anna Politkovskaïa.

Le gouvernement ukrainien accuse également Moscou de « ne pas mener d’enquêtes sur ces opérations d’assassinats » et d’« organiser délibérément des opérations de dissimulation visant à contrecarrer les efforts en vue de trouver les responsables », poursuit la Cour.

Kiev invoque ainsi une violation des dispositions de la Convention européenne des droits de l’Homme sur le « droit à la vie », ajoute-t-elle.

Les autres requêtes interétatiques introduites par Kiev contre Moscou et en cours d’examen concernent « les évènements survenus dans l’est de l’Ukraine, y compris l’écrasement de l’avion MH17 de la Malaysian Airlines, abattu en juillet 2014 », de « nombreuses violations de la Convention » en Crimée ainsi qu’un « incident naval qui a eu lieu dans le détroit de Kertch en 2018 et qui a conduit à la capture de trois navires de la marine ukrainienne et de leurs équipages », selon la CEDH.

L’annexion par la Russie en 2014 de la péninsule ukrainienne de Crimée a été suivie d’une guerre avec des séparatistes prorusses dans l’est de l’Ukraine qui a fait près de 13 000 morts.