(Bruxelles) Washington a rassuré mercredi ses alliés européens sur la volonté du président Joe Biden de mettre un terme aux décisions unilatérales, mais les Américains n’ont encore rien dévoilé de leurs intentions quant à leur désengagement en Afghanistan et sur leurs priorités stratégiques, lors de la première réunion ministérielle organisée par l’OTAN.

Contraint de rester à Washington par la pandémie, le nouveau patron du Pentagone, Lloyd Austin, s’est adressé à ses 29 homologues par vidéoconférence. « Cela s’est très bien passé », a assuré l’entourage de la ministre française des Armées, Florence Parly. « Austin a confirmé le nouveau ton dans les relations et la nouvelle concorde entre les alliés », a-t-on précisé.

Le secrétaire à la Défense américain avait dévoilé ses intentions dans une tribune publiée par le Washington Post avant la réunion. « Mon message à mes homologues sera clair : nous devons nous concerter, décider ensemble et agir ensemble. Je suis convaincu que les États-Unis sont plus forts lorsqu’ils travaillent en équipe », a-t-il affirmé.

PHOTO ANDREW VAUGHAN, LA PRESSE CANADIENNE

Un hélicoptère Sikorsky CH-148 Cyclone s’approchant du NSM Halifax le 1er janvier 2021 au moment où la frégate canadienne appareille du port de Halifax en direction de la mer Méditerranée pour une affectation de six mois dans le cadre d’une opération de l’OTAN.

Sa première réunion avec ses homologues se tient sur deux jours et les discussions mercredi ont essentiellement porté sur la préparation du prochain sommet de l’Alliance.

Aucune date n’est encore fixée, mais il devrait se tenir vers la fin du mois de juin, a-t-on appris de source diplomatique. Une réunion des ministres des Affaires étrangères avec le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken est prévue les 23 et 24 mars.

« Nous devons reconstruire la confiance perdue », avait souligné lundi le secrétaire général de l’OTAN Jens Stoltenberg. « Il y a beaucoup de travail de réparation à faire », a confirmé le représentant d’un État membre.  

Problèmes en Afghanistan

Des arbitrages sont pourtant attendus rapidement pour « Resolute Support », la mission de formation de l’OTAN en Afghanistan.

L’accord conclu avec les talibans par l’administration de l’ex-président américain Donald Trump (2017-2021) prévoit le départ de toutes les troupes étrangères le 1er mai et « aucun allié ne veut rester en Afghanistan plus longtemps que nécessaire », avait reconnu Jens Stoltenberg.

Mais les conditions pour un départ ne sont pas réunies.  

« Nous ne sommes pas encore en mesure de parler du retrait des forces internationales d’Afghanistan prévu pour le 30 avril », a affirmé mercredi la ministre allemande Annegret Kramp-Karrenbauer. Cela signifie une menace accrue pour les forces internationales, mais aussi pour nos propres forces. Nous devons nous préparer à cela, et nous en discuterons certainement demain « jeudi.

L’OTAN sera plus présente en Irak

Les ministres doivent également discuter de la montée en puissance de la mission de formation de l’OTAN en Irak, avec l’idée de porter ses effectifs de 500 à quelque 5000 militaires, mais des inquiétudes se manifestent concernant un affaiblissement des forces de la coalition internationale contre l’État islamique, a-t-on appris de source diplomatique.

 « Aucune décision n’est attendue jeudi sur les deux missions, car les Américains n’ont pas encore dévoilé leurs intentions », a-t-on précisé de même source.

Les tensions croissantes avec l’allié turc sont un autre contentieux sur lequel les Européens attendent un arbitrage de Joe Biden. 

Gros problèmes avec la Turquie

« Ce sera très difficile », a prédit un diplomate européen.

 « La Turquie est un allié important. Il suffit de regarder une carte […] Nous ne devons pas nous voiler la face. Nous avons des divergences, mais l’OTAN est le forum le plus adapté pour échanger » sur ces problèmes, a reconnu mercredi Jens Stoltenberg.  

Un troisième problème à régler avant le sommet de l’OTAN est celui du « partage du fardeau » financier. Jens Stoltenberg juge qu’il est » injuste « et propose de faire couvrir une partie des coûts des opérations par l’OTAN.  

 « Il n’est pas normal qu’un pays qui engage des troupes et du matériel dans une mission aérienne de l’OTAN ou dans un groupement tactique paie la facture », a-t-il déclaré.

La France a émis des réserves, car « un financement commun a l’inconvénient de ne pas inciter les membres à investir dans des capacités pour contribuer aux opérations. Ce serait un chèque pour solde de tout compte », a expliqué l’entourage de la ministre française Florence Parly. Le débat ne fait que commencer, a-t-on souligné.