(Minsk) L’Estonie, la Lettonie et la Lituanie ont déclaré lundi persona non grata le président biélorusse Alexandre Loukachenko, qui ne montre toujours aucune volonté de dialogue avec l’opposition dont le mouvement de contestation est entré dans sa quatrième semaine.

Des dizaines de milliers de manifestants sont encore descendus dans les rues de Minsk et des grandes villes du pays dimanche pour demander le départ du président de 66 ans, accusé d’avoir truqué l’élection présidentielle du 9 août.

Ils ont été accueillis par une forte présence policière qui s’est soldée par plusieurs dizaines d’arrestations, tandis qu’Alexandre Loukachenko se mettait de nouveau en scène dans sa résidence présidentielle, vêtu d’un gilet pare-balle et un fusil d’assaut à la main.

Lundi, les trois pays baltes, qui font partie avec la Pologne des adversaires les plus fermes du régime biélorusse, ont annoncé avoir inscrit sur leur liste noire Alexandre Loukachenko et une trentaine d’autres hauts fonctionnaires de son régime, désormais interdits d’entrée sur leur territoire.

« Nous devons faire davantage que de simplement publier des déclarations, nous devons également prendre des mesures concrètes », a déclaré à l’AFP le ministre lituanien des Affaires étrangères, Linas Linkevicius, dont le pays donne refuge à la cheffe de file de l’opposition biélorusse Svetlana Tikhanovskaïa.

Le porte-parole de la diplomatie biélorusse Anatoli Glaz, cité sur le site du ministère des Affaires étrangères, a jugé ces « pressions » contre-productives et promis une réponse « adéquate » visant les trois pays.

L’Union européenne, qui a rejeté le résultat de l’élection, envisage aussi des interdictions d’entrée contre une vingtaine de fonctionnaires biélorusses.

Elle est par contre divisée sur l’inclusion ou non d’Alexandre Loukachenko dans cette liste, certains États craignant que le sanctionner personnellement n’entrave une éventuelle médiation entre les autorités et l’opposition.

Arrestation et interdiction d’entrée

Loin de sembler être prêt au dialogue, le régime biélorusse multiplie de son côté les mesures visant des figures de l’opposition ou de simples voix critiques.

Lundi, Alexandre Loukachenko a démis de ses fonctions l’ambassadeur biélorusse en Espagne Pavel Poustovoï, a rapporté l’agence de presse étatique Belta. Mi-août, M. Poustovoï s’était prononcé sur Facebook en faveur d’un nouveau comptage des voix de l’élection présidentielle.

Une responsable du Conseil de coordination de l’opposition, l’organe qui vise à organiser une transition du pouvoir, a elle été arrêtée après une perquisition à son domicile.

Lilia Vlassova, une juriste de renom de 67 ans, est le troisième membre directeur de ce conseil à être interpellée, deux autres ayant été condamnés la semaine dernière à dix jours de prison tandis que certains, comme la lauréate du prix Nobel de littérature Svetlana Alexievitch, ont été convoqués à des interrogatoires.

Responsable du comité de grève du producteur de potasse Belaruskali, un acteur économique majeur du pays, Anatoli Bokoun a lui été condamné à 15 jours de prison.

Le chef de l’Église catholique en Biélorussie, qui s’est plusieurs fois exprimé contre la réponse répressive des autorités, a pour sa part été interdit d’entrée en Biélorussie, pays dont il possède pourtant la nationalité.

Mgr Tadeusz Kondrusiewicz « est retourné en Pologne », a indiqué à l’AFP son porte-parole Iouri Sanko, qui a assuré n’avoir reçu « aucune explication des autorités biélorusses ».

Seul petit geste en direction de l’opposition, Alexandre Loukachenko a évoqué lundi l’idée d’un référendum constitutionnel, sans en donner toutefois aucun détail concret.

« Je voudrais que ces changements fassent avancer notre société », a-t-il déclaré, cité par l’agence de presse étatique Belta, reconnaissant que la Biélorussie était régie par un « système quelque peu autoritaire ». Il a aussi évoqué une possible réforme judiciaire.

S’il accusait avant l’élection Moscou de vouloir déstabiliser son régime, Alexandre Loukachenko a depuis opéré un virage à 180 ° et multiplie les déclarations tonitruantes contre un « complot » occidental, accusant même l’OTAN de manœuvrer à ses frontières.

Il jouit jusqu’à présent du soutien prudent de son plus proche allié, le président russe Vladimir Poutine, qui s’est dit prêt à intervenir chez son voisin si les protestations dégénéraient, et devrait l’accueillir à Moscou cette semaine pour des discussions au sommet.

Samedi, les autorités biélorusses ont en outre retiré leur accréditation à plusieurs journalistes de médias étrangers, dont l’AFP, sans donner d’explications. Neuf journalistes ont par ailleurs été détenus durant le week-end, selon l’Association biélorusse des journalistes.