(Berlin) Angela Merkel a fustigé jeudi le « poison » du racisme en Allemagne après la double fusillade qui a fait neuf morts à Hanau, près de Francfort, liant cet acte à d’autres attentats d’extrême droite commis dans son pays.

« Le racisme est un poison, la haine est un poison. Et ce poison existe dans notre société, des actes de la NSU jusqu’au meurtre de Walter Lübcke et aux assassinats de Halle », a déclaré la chancelière.

PHOTO MARKUS SCHREIBER, AP

Angela Merkel

Elle évoque ainsi, respectivement, la série de meurtres et d’attentats d’un trio néonazi entre 2000 et 2011, le meurtre en juin dernier d’un élu promigrants appartenant au parti conservateur de Mme Merkel, puis l’attaque ayant visé une synagogue qui a fait deux morts en octobre.

« Nous nous opposons avec force et détermination à tous ceux qui tentent de diviser l’Allemagne », a-t-elle ajouté, insistant sur « les droits et la dignité de chaque personne dans notre pays », sans distinction « d’origine ou de religion ».

Reconnaissant qu’il était « trop tôt » pour faire toute la lumière sur ce crime, « il y a de nombreuses indications selon lesquelles l’auteur a agi mû par des idées d’extrême droite, racistes, par haine contre des personnes d’origine, de croyance ou d’apparence différentes ».

Le parquet antiterroriste s’est saisi jeudi matin de l’enquête sur cette double fusillade, évoquant une motivation probablement « xénophobe ». L’unique suspect a été retrouvé mort chez lui, laissant une lettre de revendication et une vidéo, aux côtés du corps de sa mère.

La menace d’un terrorisme d’extrême droite, sous-estimée dans les années 2000 lorsque les meurtres par la NSU de huit immigrés turcs, d’un Grec et d’une policière allemande étaient à tort traités comme des règlements de comptes, inquiète de plus en plus les autorités allemandes.

Vendredi dernier, 12 membres d’un groupuscule d’extrême droite ont été arrêtés dans le cadre d’une vaste enquête antiterroriste. Ils sont soupçonnés d’avoir planifié des attaques de grande ampleur contre des mosquées sur le modèle de l’auteur de l’attaque de Christchurch en Nouvelle-Zélande qui, en mars 2019, avait tué 51 personnes dans deux mosquées en se filmant en direct.

Montée des attaques xénophobes ces dernières années

L’Allemagne, où neuf personnes ont été tuées mercredi soir dans deux fusillades visant des bars à chicha à Hanau connaît une recrudescence des attaques racistes et antisémites, dont plusieurs meurtrières ces dernières années.

Des précédents récents

Le 9 octobre 2019, deux personnes sont tuées et deux gravement blessées lors d’une tentative d’assaut contre une synagogue à Halle (est) le jour du Yom Kippour.  

Après avoir échoué à pénétrer dans l’édifice où se trouvaient une cinquantaine de personnes, Stephan Balliet, extrémiste de droite, abat une passante puis un jeune homme dans un restaurant de kébabs. Il avait publié sur l’internet un « manifeste » exprimant ses vues antisémites.  

Le 2 juin 2019, Walter Lübcke, élu local et haut fonctionnaire territorial promigrants, membre du parti de la chancelière Angela Merkel, est tué par balle chez lui dans la banlieue de Kassel (centre). Le meurtrier présumé, Stephan Ernst, est lié à la mouvance néonazie.

Le 26 septembre 2016, Nino Köhler, un sympathisant d’extrême droite, fait exploser deux bombes artisanales devant l’entrée d’une mosquée et sur la terrasse d’un centre de congrès à Dresde (Saxe), sans faire de victime. Il est condamné en août 2018 à près de 10 ans de prison.  

Le 22 juillet 2016, David Ali Sonboly, Germano-Iranien de 18 ans lié à l’extrême droite et fasciné par Anders Behring Breivik (auteur du massacre de 77 personnes en Norvège en 2011), tue neuf personnes près d’un centre commercial de Munich, puis se suicide.  

Montée des actes racistes

En 2018, les actes criminels à caractère xénophobe et antisémite ont augmenté de près de 20 %, selon le ministère allemand de l’Intérieur, qui a recensé cette année-là 7701 actes criminels xénophobes et 1799 antisémites, commis à près de 90 % par des auteurs de milieux d’extrême droite.

À Dresde, huit néonazis soupçonnés d’avoir voulu perpétrer des attentats contre des étrangers et des responsables politiques sont jugés depuis septembre. Ils figurent parmi les hooligans, néonazis et skinheads de Chemnitz (Saxe), théâtre en août 2018 de dérapages anti-migrants. Dans ce Land, le nombre d’agressions commises par l’extrême droite a bondi de 38 % en 2018.

La semaine dernière, 12 membres d’un groupuscule d’extrême droite ont été arrêtés dans le cadre d’une enquête antiterroriste, soupçonnés d’avoir planifié des attaques de grande ampleur contre des mosquées.

Meurtres d’immigrés dans les années 2000

Entre 2000 et 2007, le pays avait connu une série sans précédent depuis 1945 de meurtres de neuf personnes d’origine immigrée, dont huit Turcs ou personnes d’origine turque, et d’une policière, perpétrés par le trio néonazi « Clandestinité nationale-socialiste » (NSU). La seule survivante du groupuscule, Beate Zschäpe, a été condamnée en juillet 2018 à la prison à perpétuité.

L’affaire a été marquée par une cascade de scandales autour de l’enquête, qui a longtemps suivi la seule piste des « règlements de compte communautaires », ainsi que des services de renseignements intérieurs, censés disposer d’indics dans les milieux néonazis et vivement critiqués pour leur aveuglement.