Même Notre-Dame est victime de la COVID-19. Un an après l’incendie qui a ému la planète, le chantier de la cathédrale est suspendu pour cause de confinement. Ses responsables assurent que les travaux seront finis, comme prévu, en 2024…

On y arrivait presque. Fin mars, les ouvriers devaient commencer à démanteler les échafaudages qui emprisonnent, depuis un an, Notre-Dame sinistrée. Le sauvetage était loin d’être achevé. Mais on pouvait enfin envisager sa restauration et espérer une fin des travaux pour 2024, échéancier fixé par le président Emmanuel Macron.

Et puis la crise sanitaire est arrivée. Le 16 mars, le chantier de la cathédrale a été « mis en sommeil » pour cause de coronavirus. Le site est depuis plongé dans le silence, en attente d’une reprise des activités, possiblement à partir du 11 mai, date fixée par le président Macron pour un probable déconfinement en France. Cette pause obligée retardera-t-elle la fin des travaux ?

On ne reviendra pas en long sur l’incendie spectaculaire qui a ravagé Notre-Dame de Paris, le 15 avril 2019. Les images ont fait le tour du monde et suscité une vague de sympathie internationale pour ce chef-d’œuvre de l’art gothique, construit entre le XIIe et le XIVsiècle.

Mais rappelons quand même l’étendue des dommages : les deux tiers de la toiture seront détruits. La charpente en chêne, dévorée par les flammes. La flèche, ajoutée au XIXe siècle par l’architecte Eugène Viollet-Leduc, réduite en cendres. Sans oublier les 350 tonnes de particules de plomb libérées dans l’atmosphère…

Pour Paris, qui voit partir en fumée l’un des fleurons de son patrimoine, c’est une tragédie. Mais Emmanuel Macron s’engage très vite à ce que le bâtiment soit reconstruit dans les cinq ans, soit avant les Jeux olympiques de Paris de 2024. « Cette cathédrale, nous la rebâtirons. Tous ensemble. Je m’y engage », déclare-t-il, tandis que des dons en argent affluent du monde entier.

PHOTO LUDOVIC MARIN, AGENCE FRANCE-PRESSE

Une cérémonie retransmise à la télévision a été tenue dans la cathédrale le 10 avril pour célébrer le Vendredi saint.

Moins vite que prévu

Cinq années seront-elles suffisantes pour venir à bout de ce défi colossal ? Le délai est-il réaliste ?

Si l’on en croit le général Jean-Louis Georgelin, grand patron du chantier, on est encore loin de l’étape de la restauration. Cet ancien chef de l’état-major français, engagé pour sa poigne et sa pugnacité, déclarait, début janvier, que la cathédrale était encore une « urgence absolue », alors que sa consolidation et sa décontamination étaient toujours en cours.

Il faut savoir que les travaux vont moins vite que prévu. En un an, le chantier a déjà été suspendu à quelques reprises, d’abord à l’été 2019, à cause des risques de contamination au plomb, puis l’automne et l’hiver derniers, en raison des intempéries.

Avec l’arrivée du printemps, cela semblait bien reparti. On avait annoncé, pour le 23 mars, le démantèlement des 10 000 tubes d’échafaudages tordus et soudés les uns aux autres lors de l’incendie, 250 tonnes de ferraille figée au cœur de la cathédrale.

Mais cette opération complexe, conditionnelle à la suite des travaux, a été repoussée à son tour à cause des mesures dues à la crise sanitaire.

Décidément, Notre-Dame n’a pas de chance.

PHOTO GONZALO FUENTES, REUTERS

Des travaux avaient déjà été entamés.

Maintenir le cap

Malgré tout, l’équipe qui veille sur la cathédrale a toujours bon espoir qu’elle pourra respecter les délais.

Aux médias français, sceptiques, le général Georgelin a promis plus d’une fois qu’on célébrerait « un Te Deum dans la cathédrale le 16 avril 2024 », même s’il est probable que les travaux ne seront pas alors totalement terminés.

Selon lui, la suspension actuelle des travaux ne l’empêchera pas de maintenir le cap, même si les restrictions et le confinement venaient à se prolonger. « Supposons que le sommeil dure de l’ordre de deux mois, sur une période de 68 mois, on devrait être capables de l’absorber », a-t-il de nouveau déclaré cette semaine.

On peut se demander, du reste, quels protocoles seront adoptés face aux risques de COVID-19. Les entreprises impliquées voudront-elles mettre leurs troupes en péril ? Comment assurer des conditions de travail acceptables pour tous ces cordistes, échafaudeurs, tailleurs de pierre et autres ouvriers spécialisés qui auront à travailler en « distanciation sociale » dans le même espace ?

Ces questions ont été posées à Philippe Jost, directeur délégué de l’établissement public chargé de reconstruire Notre-Dame. En entrevue au Figaro, celui-ci a reconnu que les travaux devraient reprendre « en conformité avec les règles sanitaires » et que certains postes pourraient être « réaménagés en fonction des impératifs du plomb et du coronavirus ».

Il a toutefois ajouté que la « réflexion » était en cours.

PHOTO FRANÇOIS GUILLOT, AGENCE FRANCE-PRESSE

Des travailleurs étaient à l’œuvre le 11 mars dernier.

Débat sans fin

Pendant ce temps, le débat continue de faire rage en France sur le choix de la restauration.

Faut-il rebâtir à l’identique ou concevoir un « geste architectural contemporain », comme l’a souhaité Emmanuel Macron ?

De la flèche en verre au toit vert avec jardins suspendus, les propositions modernes ont été nombreuses, parfois farfelues, parfois inspirées.

Mais les tenants de la tradition ne manquent pas d’arguments, le premier étant qu’il serait plus facile de respecter les délais en restant fidèle aux plans et aux matériaux d’origine.

Officiellement, aucune décision n’a été prise à ce sujet. Le projet reste ouvert, comme la question du financement.

Près de 902 millions d’euros (1,375 milliard CAN) en dons et promesses de dons ont été annoncés dans les jours qui ont suivi l’incendie pour contribuer à la résurrection de Notre-Dame. Avec la crise économique « post-COVID » qui se profile, certains engagements seront-ils annulés ?

Selon ce qu’on sait, seulement 188 millions auraient été encaissés jusqu’ici…