(Paris) Après le radar pour la vitesse, les radars pour le bruit ?

Dans les prochaines semaines, une demi-douzaine de capteurs de décibels seront installés dans la région de Paris pour lutter contre le niveau sonore des scooters, motos et autres mobylettes qui pullulent et pétaradent dans les rues.

Créé et testé par l’association Bruitparif, le radar Méduse (qui doit son nom à sa forme tentaculaire) permettra de déterminer avec précision la source d’un bruit en mouvement. Les autres appareils de mesure peuvent capter le volume sonore global, mais pas celui d’une source sonore en particulier.

Le dispositif est actuellement à l’essai.

Couplé à des appareils photo ou des caméras vidéo, il pourrait à terme servir à détecter – et à verbaliser – les conducteurs trop bruyants.

> Consultez le site de Bruitparif

Plaie urbaine

Le problème du « surbruit » n’est pas propre à la France, loin de là. Mais il est particulièrement criant dans l’Île-de-France (région parisienne élargie), où les adeptes du rodéo urbain, des scooters débridés et des pots d’échappement modifiés sont considérés comme une plaie.

Selon une étude de Bruitparif publiée en février 2019, 9 millions de Franciliens seraient exposés à des volumes sonores qui dépassent les seuils recommandés par l’Organisation mondiale de la santé. Ces seuils se situent autour de 54 décibels (dB) pour le bruit routier et de 45 dB pour le bruit des avions.

Pour donner une idée, le bruit d’une voiture se situe entre 60 et 70 dB et celui d’un poids lourd, entre 70 et 80 dB. Le volume d’un deux-roues débridé peut aller, lui, « jusqu’à 100 dB », souligne Fanny Mietlicki, directrice de Bruitparif.

Autre comparatif : un concert de rock frise pour sa part les 110 dB, alors que les tympans peuvent éclater à partir de 130 dB…

On ne s’étendra pas sur les liens entre le bruit et la santé humaine. Mme Mietlicki évoque notamment des effets allant « de la simple gêne aux troubles du sommeil, aux risques accrus de troubles cardiovasculaires et aux difficultés d’apprentissage », sans parler des troubles auditifs, cognitifs, le stress, les incidences sur la grossesse et la santé mentale en général.

« Les seuils varient selon les effets, souligne Mme Mietlicki. Mais ce qui ressort, c’est que les pics de bruit sont plus perturbants pour le corps humain que les bruits continus. »

« Hypocrisie » dénoncée

Visés au premier chef, les motards accueillent l’arrivée de Méduse avec une certaine ambivalence.

À la Fédération française des motards en colère (FFMC), on admet que certains motocyclistes dépassent parfois les bornes en matière de volume sonore. Mais on dénonce aussi l’« hypocrisie » de ce dispositif de contrôle.

On parle de comportements inadaptés, mais on installe des instruments qui visent à punir tout le monde, avec une technologie numérique et un système d’amende automatique qui est très discutable.

Marc Bertrand, porte-parole de la FFMC

M. Bertrand ajoute que le problème des excès sonores devrait être réglé à la source, que ce soit sur le plan des contrôles techniques ou de la vente de pots d’échappement non homologués.

« Il y a bien d’autres problèmes à régler que cette histoire de radars. »

Vers une réglementation du bruit

Il faudra au moins deux ans de tests et de cueillette de données avant que le radar antibruit ne soit homologué.

Son éventuelle application à des fins dissuasives est toutefois loin d’être acquise, souligne Mme Mietlicki. Car des « questions de fond » devront se poser sur la législation et la réglementation du bruit. Des discussions sont à prévoir entre le ministère de l’Écologie et le ministère de l’Intérieur.

Sans oublier les éventuels et probables contestataires issus de la communauté motocycliste.

Bruitparif aimerait suggérer des seuils autour de 85 à 90 dB pour les véhicules, après quoi, il y aurait délit et sanction.

« Ce serait déjà pas mal si on arrivait à faire en sorte que ces niveaux ne soient pas dépassés », conclut Mme Mietlicki.