Rassuré par le recul de la mobilisation des gilets jaunes, l'exécutif engage une course contre la montre pour appliquer les mesures sociales d'Emmanuel Macron qui va réunir mardi à l'Élysée des ministres et des acteurs économiques.

Focalisé sur cette crise sans précédent, le chef de l'État a annulé son déplacement prévu à Biarritz pour le lancement de la présidence française du G7 afin de se pencher sur l'organisation de la « grande concertation nationale » censée apaiser les esprits.

Les modalités de ce débat, prévu jusqu'au 1er mars, sont encore floues, mais doivent être connues dans les jours qui viennent.

Le premier ministre Édouard Philippe a donné le coup d'envoi de cette semaine décisive pour tenter de remettre la Macronie à flot, en détaillant, dans un entretien aux Échos, les gestes annoncés six jours auparavant par Emmanuel Macron.

Pendant ce temps, plusieurs ronds-points ont commencé à être évacués. « On n'évacue pas les gilets jaunes, mais leurs installations. On déblaie les palettes, les pneus, etc. », ont indiqué les gendarmes dans la Drôme.

Ces évacuations vont se « poursuivre », a affirmé le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner. Depuis le début du mouvement, il y a eu « huit morts. Connaissez-vous un autre contentieux social sur ces trente dernières années qui a tué autant de personnes ? Je le dis clairement : "Ça suffit ! " », a-t-il insisté, ajoutant qu'« on ne peut pas continuer à paralyser l'économie française ».

Cinq week-ends de méventes dues au mouvement des gilets jaunes ont coûté deux milliards d'euros au secteur du commerce, a déploré le Conseil national des centres commerciaux (CNCC). L'exploitant de la plupart des autoroutes du sud de la France, Vinci Autoroutes, a évalué le coût des dégradations de ses installations à « plusieurs dizaines de millions d'euros ».

Dans un entretien aux Échos lundi, Édouard Philippe a dessiné les contours des mesures censées mettre fin à une crise d'un genre inédit qui secoue la France depuis un mois.

Principale mise au point du premier ministre, le gain de 100 euros net pour les salariés proches du SMIC passera « par une hausse massive de la prime d'activité » qui sera versée « dès le 5  février pour compléter le salaire de janvier ».

Timing serré

Matignon dit assumer le fait que 1,2 million de smicards ne bénéficient pas de la mesure, car ils se trouvent grâce à d'autres revenus dans les 30 % des foyers français les plus aisés. « Mais nous en débattrons naturellement au Parlement », a souligné M. Philippe.

« Ça va sans doute créer beaucoup de frustration et d'incompréhension », a estimé Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT. Le Medef a quant à lui pris « acte », mais « reste vigilant » concernant la hausse du SMIC qui ne doit pas « accroître le coût du travail ».

Au total, ces mesures, parmi lesquelles figurent aussi les heures supplémentaires défiscalisées ou l'exemption de hausse de CSG pour certains retraités, vont coûter selon Matignon 10,3 milliards d'euros, gel de la taxe carbone compris, et creuser le déficit, qui devrait atteindre 3,2 % du PIB en 2019.

Elles doivent désormais être présentées en projet de loi mercredi en Conseil des ministres, avant de passer à l'Assemblée nationale jeudi et au Sénat vendredi.

Le timing est serré. Le président de l'Assemblée nationale Richard Ferrand en a appelé à « la responsabilité des parlementaires » pour valider les mesures dès vendredi, afin qu'elles soient applicables au 1er  janvier.

« Le compte n'y est pas du tout », a dénoncé Nicolas Dupont-Aignan, le président de Debout la France, qui a appelé les gilets jaunes à « garder la pression ».

La « grande concertation nationale » doit s'appuyer fortement sur les maires et aborder quatre grands thèmes (transition écologique, fiscalité, organisation de l'État, et démocratie et citoyenneté - dans lequel a été insérée l'immigration).  

Dans le cadre de ce débat, le premier ministre s'est déclaré favorable sur le principe à un référendum d'initiative citoyenne (RIC), une des principales revendications des gilets jaunes, mais « pas dans n'importe quelles conditions ».

« Je ne veux pas que demain on puisse se réveiller avec la peine de mort dans notre pays », a mis en garde Stanislas Guerini, le délégué général de La République en marche.

La concertation nationale, que le président Macron veut exhaustive, bouleverse le calendrier de la majorité et a déjà repoussé la réforme constitutionnelle.

Mais l'exécutif réfute l'idée que sa capacité à réformer soit désormais entamée. « Je crois que la mobilisation des gilets jaunes ne traduit pas une aspiration pour le statu quo, au contraire. Notre objectif est de continuer à transformer, à moderniser le pays », a assuré Édouard Philippe.