L'Élysée se prépare à clarifier le «rôle public» de Brigitte Macron, l'épouse du président français, mais semble avoir renoncé à lui accorder un véritable statut officiel de Première dame comme le voulait Emmanuel Macron, alors qu'une pétition signée par 270 000 personnes conteste ce projet.

«Brigitte Macron joue un rôle, a des responsabilités. Nous voulons de la transparence et encadrer les moyens dont elle dispose», a précisé dans un tweet Christophe Castaner, le porte-parole du gouvernement alors qu'une pétition contre un statut officiel de l'épouse du président a ouvert une polémique sur cette question.

Dans un pays où les conjointes de président ont connu des destins variés et souvent difficiles, agrémentés de missions floues, le jeune centriste élu le 7 mai dernier avait annoncé pendant la campagne présidentielle qu'il souhaitait créer un «vrai statut» de Première dame pour en finir avec une «hypocrisie» française.

«Elle aura un rôle et elle ne sera pas cachée, parce qu'elle partage ma vie et parce que son avis est important (...) Je pense que c'est important de clarifier» ce rôle. «Rémunérée par la République, non. Avoir un rôle, un vrai statut, oui», avait déclaré en mars le futur chef de l'État, qui s'est affiché pendant toute la campagne aux côtés de sa femme, son ancienne professeure de théâtre de 25 ans son aînée.

Mais alors que les ministres et parlementaires viennent de se voir interdire l'emploi de membres de leur famille comme collaborateurs, cette volonté d'officialiser le rôle de l'épouse du chef de l'État agace une partie de l'opinion.

Lancée il y a deux semaines sur internet, une pétition «contre le statut de Première dame pour Brigitte Macron», avait réuni mardi matin quelque 270 000 signatures. Au sein de l'opposition, gauche radicale et extrême droite s'étaient déjà saisies du sujet pendant les débats sur le projet de loi sur la moralisation de la vie publique.

«À l'heure où le gouvernement souhaite faire des économies» et «dans une période de moralisation de la vie politique française, nous ne pouvons décemment cautionner l'initiative d'un statut spécifique à l'épouse» du chef de l'État, affirme la pétition lancée sur change.org par Thierry Paul Valette, qui se présente comme «artiste peintre et auteur» et «citoyen engagé».

«Transparence»

«Avec un tel statut, la Première dame usera de son rôle comme bon lui semble et ce sera lui reconnaître une existence juridique qui permettrait de bénéficier d'un budget , d'un rôle important...», dénonce le texte.

En réponse, l'entourage de l'épouse du chef de l'État a fait savoir lundi que l'Élysée comptait préciser dans les prochains jours son «rôle public» dans un document. Brigitte Macron  ne sera pas rémunérée, aucune modification de la Constitution n'est envisagée, assure-t-on de même source.

Actuellement, aucun texte ne définit le cadre de l'action de l'épouse du président ni les moyens qui lui sont alloués. Dans les faits, les conjointes des chefs de l'État français bénéficient depuis longtemps d'un bureau, de collaborateurs et d'un service de protection, sur le budget de l'Élysée. À titre d'exemple, la rémunération du cabinet de Valérie Trierweiler, l'ex-compagne de François Hollande, s'élevait en 2013 à près de 400 000 euros.

«L'idée c'est que les Français puissent savoir combien coûte ce rôle. Il faut que cette transparence puisse exister», a affirmé mardi à la radio Aurore Bergé, porte-parole des députés de la majorité présidentielle.

Ce rôle, la très populaire épouse du chef de l'État l'assume déjà depuis trois mois: accueil avec son mari du couple Trump à Paris, entretiens avec les pops stars Rihanna et Bono sur des sujets humanitaires, réponse aux quelque 200 lettres qu'elle reçoit quotidiennement...

Outre ces fonctions de représentation, Brigitte Macron souhaiterait particulièrement se consacrer à l'avenir aux questions liées au handicap et à la maladie, d'après le quotidien Le Figaro.

Première dame, un rôle peu défini dans le monde

Le rôle de Première dame, que la France veut clarifier pour l'épouse du président Emmanuel Macron, est rarement défini dans le monde, ce qui n'empêche pas certains conjoints de s'impliquer, jusqu'à parfois accéder au pouvoir.

Pas de statut en Europe

À l'exception des monarchies, les conjoints de chefs d'État ou de gouvernement européens, souvent discrets, ne disposent pas de statut particulier et certains continuent à travailler de leur côté.

Au Royaume-Uni, où la famille royale assume un rôle important de représentation, le mari de la première ministre, Philip May, banquier, continue à exercer sa profession, comme avant lui les épouses de David Cameron ou de Tony Blair. La compagne du premier ministre belge Amélie Derbaudrenghien, conseillère au ministère du Budget, refuse quant à elle de jouer les Premières dames.

Autre conjoint réputé pour sa discrétion, l'époux de la chancelière allemande Angela Merkel, le scientifique Joachim Sauer, est surnommé le «fantôme de l'opéra», lieu de ses rares apparitions publiques.

En revanche, l'épouse du président allemand abandonne traditionnellement son emploi pour son rôle honoraire de Première dame. L'épouse de l'actuel président, Elke Büdenbender, a suscité le débat en mars en lâchant son poste de juge. «Payez la Première dame pour son travail, ou abolissez la fonction», a alors lancé dans un éditorial le quotidien Süddeutsche Zeitung.

La Slovénie prévoit elle une rémunération pour les dépenses protocolaires de la Première dame (jusqu'à 15% du salaire du président), une compensation de son éventuelle perte de salaire et le droit de récupérer son emploi après le mandat de son conjoint.

Dans la pratique, en dehors parfois d'activités caritatives, les conjoints assument principalement le rôle d'hôte lors de visites diplomatiques et participent aux visites à l'étranger, où un programme d'activités leur est souvent réservé.

Lors du dernier sommet de l'OTAN à Bruxelles en mai, les Premières dames avaient visité le Musée Magritte, une maroquinerie de luxe et les serres royales. Parmi elles, Gauthier Destenay, époux du premier ministre du Luxembourg Xavier Bettel, premier leader de l'Union européenne à avoir épousé un partenaire de même sexe.

Un rôle plus codifié aux États-Unis

La Première dame des États-Unis dispose de moyens dédiés grâce à une loi de 1978, sans percevoir pour autant un salaire. Elle a un bureau à la Maison-Blanche et une équipe avec un chef de cabinet et un attaché de presse. Chacune assume le rôle à sa manière: Hillary Clinton, conseillère la plus influente de son mari, s'attaqua à la réforme du système de santé, projet qui échouera. Michelle Obama se mobilisera contre l'obésité infantile. Melania Trump a dit vouloir se consacrer à la lutte contre le cyber-harcèlement.

Des conjoints au pouvoir

Au Nicaragua, Daniel Ortega est président et sa femme Rosario Murillo vice-présidente. Une configuration déjà connue en Argentine en 1973 avec Juan Peron et son épouse Isabel qui lui succède à sa mort en 1974. En Argentine aussi, Cristina Kirchner est devenue présidente en 2007 après son mari Nestor.