« On ne veut pas laisser la peur gagner », répète Daphnée Laurendeau au bout du fil. Même si elle n'avait pas fermé l'oeil de la nuit, la danseuse québécoise est montée sur les planches du théâtre The Lowry, hier soir à Manchester, devant des centaines de personnes. « Le public de Manchester avait besoin de continuer », dit-elle. Au même moment la veille, la Montréalaise courait littéralement pour sa vie en sortant du spectacle d'Ariana Grande.

C'est sur un coup de tête que Daphnée Laurendeau et Mickaël Spinnhirny se sont acheté des billets pour le spectacle d'Ariana Grande, lundi soir à Manchester. Les deux danseurs de la compagnie de danse québécoise Cas Public étaient de passage pour présenter une adaptation de la pièce Roméo et Juliette hier soir.

Pour éviter la cohue à la sortie, les deux Québécois ont décidé de partir au début du rappel, point d'orgue du spectacle. En sortant de l'aréna par la billetterie, ils ont croisé de nombreux parents attendant leurs enfants qui assistaient au spectacle. « Tout le corridor était bondé », se rappelle Daphnée Laurendeau. C'est là que l'assaillant s'apprêtait à frapper quelques secondes plus tard.

« On a marché à peu près 20 mètres à l'extérieur et on a entendu la détonation. C'était une explosion. On était encore très proches. C'est dur à expliquer, cette sensation, le fait de courir pour sa vie. C'est une sensation indescriptible. Mon ami m'a pris la main et on a couru. On ne savait pas où on allait, mais on courait », raconte-t-elle calmement, en entrevue téléphonique, après la représentation de son spectacle.

GRANDE RÉSILIENCE

Même si elle a frôlé la mort, Daphnée Laurendeau n'avait pas l'intention de céder à la peur et à la terreur hier. « Si on avait choisi de rester pour voir la fin du spectacle, l'histoire aurait été vraiment différente. C'est un peu pour ça qu'on a choisi d'en parler. On ne veut pas laisser la peur gagner », affirme-t-elle.

Hier matin, la direction du théâtre a demandé à la compagnie si elle était toujours prête à présenter son spectacle. « Pour nous, ce n'était même pas une question », assure Daphnée Laurendeau. Comme la jeune femme, les résidants de Manchester ont démontré une grande résilience hier soir. Le théâtre a même vendu 200 billets supplémentaires. « C'était un spectacle particulier, on sentait le public très proche de nous. Aujourd'hui, c'est comme si ce n'est pas moi qui ai dansé. C'est mon corps qui a bougé », raconte-t-elle.

Cette adaptation contemporaine du classique Roméo et Juliette, intitulée Symphonie dramatique, était plus que jamais appropriée, selon Daphnée Laurendeau. « Elle ne finit pas sur la mort. On a une fin de joie, de vie, de vitalité. Pour nous, ça avait encore plus de sens. »

- Avec Audrey Ruel-Manseau, La Presse