Le dépouillement des bulletins de vote aux élections régionales de jeudi était en cours en Irlande du Nord, avec la crainte que le résultat de ce scrutin, marqué par une forte participation, ne règle pas la crise politique.

Selon les autorités électorales, la participation s'établit à 64,78 %, en hausse de près de 10 points par rapport au précédent scrutin organisé en mai 2016 dans cette province britannique de 1,9 million d'habitants.

Les centres de comptage ont ouvert à 8 h GMT (3 h, HE), a constaté une journaliste de l'AFP. Selon les premières informations communiquées par les autorités électorales, la participation semblait en hausse par rapport au précédent scrutin, organisé en mai 2016. Les résultats pourraient être publiés dans la nuit de vendredi à samedi, au plus tôt.

Les deux principales formations politiques nord-irlandaises, le Parti démocratique unioniste DUP, favorable à l'union avec la Grande-Bretagne, et le Sinn Féin, partisan d'une réunification de l'Irlande, auront ensuite trois semaines pour se mettre d'accord sur un gouvernement.

Mais les analystes prédisent déjà un échec des pourparlers, ce qui pourrait conduire le ministre britannique pour l'Irlande du Nord, James Brokenshire, à administrer provisoirement la province depuis Londres. Ce scénario ne s'est plus produit depuis dix ans.

Le scrutin de jeudi, le deuxième en moins d'un an, a été provoqué par la décision du vice-premier ministre Sinn Féin, Martin McGuinness, de claquer la porte du gouvernement début janvier pour dénoncer des malversations présumées dans un programme de subventions publiques aux énergies renouvelables promu par le DUP et sa dirigeante, la première ministre Arlene Foster. Cette dernière a dû automatiquement démissionner à son tour.

En mai 2016, le DUP était arrivé en tête avec 38 sièges, devant le Sinn Féin (28 sièges) et l'UUP (Unionist Ulster Party, 16 sièges).

Les analystes parient sur une nouvelle victoire du DUP, qui risque de laisser entière la crise si le Sinn Féin persiste à refuser de travailler avec Mme Foster, qui a elle bien l'intention de se maintenir.

Selon les règles politiques en place en Irlande du Nord depuis les Accords de paix de 1998, le pouvoir doit en effet être partagé entre les partisans d'une union avec la Grande-Bretagne et les nationalistes.

Ces accords ont mis fin à des affrontements entre catholiques nationalistes et protestants unionistes qui ont fait plus de 3000 morts en 30 ans.

« Marre d'aller voter »

Le conflit sur les subventions énergétiques dissimule un autre malaise, lié au référendum sur le Brexit. Le DUP a fait campagne pour une sortie de l'Union européenne, quand le Sinn Féin militait contre.

Le Brexit et un possible retour à une frontière visible avec la République d'Irlande sont un sujet très sensible dans une région dont la population a des liens économiques et familiaux forts avec sa voisine du sud. Une frontière serait vécue comme une agression par les nationalistes.

Michelle O'Neill, qui a remplacé Martin McGuinness à la tête du parti nationaliste, a affirmé mercredi à l'AFP que, dans l'état actuel des choses, elle refuserait d'entrer dans un gouvernement avec Arlene Foster.

« On s'oriente probablement vers un minimum de six mois sans gouvernement voire plus », a prédit le professeur Jonathan Tonge, de l'Université de Liverpool.

Cette élection est celle de la « dernière chance » pour le DUP, a estimé de son côté David McIlveen, un ancien élu du parti, suggérant sur la BBC qu'Arlene Foster pourrait être poussée vers la sortie si les unionistes n'obtenaient pas 30 sièges, ce qui ouvrirait la voie à un accord avec le Sinn Fein.

Si la crise politique venait à durer, Londres pourrait théoriquement convoquer un nouveau scrutin, mais cette hypothèse paraît peu probable.

« On a eu trois élections ces dix derniers mois, avec le référendum sur l'UE et deux élections régionales, donc tout le monde en a un peu marre d'aller voter », pestait jeudi Neal Wilson, 34 ans, résumant un sentiment largement partagé parmi la population.

Le nombre de sièges à l'assemblée régionale va passer à l'occasion de ce scrutin de 108 à 90, une mesure adoptée à des fins d'économies.